Alice Diop est cinéaste («La Mort de Danton» notamment). Plusieurs fois sélectionnée au festival Les Pépites du cinéma d’Aïcha Belaïdi, elle lui rend hommage…
Tu m’appelais ma grande, comme on s’adresse à une petite sœur. C’est vrai que j’étais toute petite lorsque l’on s’est connue. J’avais peu de films à mon actif. Apprentie cinéaste timide, empêtrée dans les sempiternelles questions de légitimité… Toi, tu m’as tout de suite accueillie dans la famille, avec ta bienveillance et ta chaleur tu m’as présenté aux frères.
Je me souviens qu’en octobre, aux Pépites du cinéma, on venait au cinéma comme on  prend plaisir à se rendre à une réunion de famille… On s’émerveillait de ta capacité a dénicher chaque année des films qu’on n’aurait vu nulle part ailleurs, rassuré aussi de nous savoir si nombreux, confiant dans le fait que bientôt ils ne pourraient plus nous ignorer. Ton obstination à nous mettre sur le devant de la scène finirait, c’est sur, par payer…
C’était hier, on riait, on fumait, on parlait de l’angoisse du film qui n’intéresserait personne, de l’idée à venir. Toi, inlassablement, tu nous donnais confiance, tu nous disais qu’on avait de la valeur, du talent. Tu étais là, au moindre doute, à la moindre faille. Une fée… De celle qui reste dans l’ombre mais guide l’autre vers sa propre lumière. Une luciole, qui fuit la lumière aveuglante des lieux de pouvoirs mais qui luit pour celui qui ne connaît encore que l’obscurité.
Bientôt, on ne parlerait même plus de cinéma mais de nos vies de femmes et avec la même générosité tu écoutais, tu consolais… Grande sœur bienveillante. On n’a jamais cru que tu nous ferais ce mauvais coup… Partir comme ça, sans crier gare, sans nous laisser la possibilité de te dire je t’aime, nous laissant seuls, à faire de ta présence des souvenirs. C’est comme si d’un coup on avait grandi trop vite…
Mais les pépites bientôt deviendront grandes, la graine que tu as planté sera une feuille, puis un arbre, puis des arbres, puis une forêt… On continuera à dire ton nom, et chaque nouveau film sera notre consolation.
Alice Diop

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