Cette aventure est née dans la banlieue bordelaise de Cenon, dans les quartiers de la Saraillère et de Dravemont entre autres. Des idées, de la volonté, du talent, c’est ce qui a permis au collectif En attendant demain de voir le jour. L’idée est simple : monter de petits films traitant de la vie de la cité, pour contrer les clichés. Un pari risqué mais qui pourtant porte aujourd’hui ses fruits. Les courts-métrages, diffusés sur le site internet du collectif, ont attiré 135 000 visiteurs à ce jour. Pourtant, tout n’a pas toujours été facile pour l’équipe.

A ce jour, huit courts-métrages ont été réalisés, à raison d’un nouveau film par mois. Le rythme s’est accéléré depuis peu, avec la parution d’un film (sous format série) par semaine.

Ce collectif est composé d’une centaine de personnes, avec un noyau dur de quinze personnes. Nous avons rencontré deux de ses membres, montés à Paris, Amine et Zangro. C’est avec leur chaleureux accent du sud ouest qu’ils ont répondu à nos questions.

Etes-vous exclusivement impliqué dans la réalisation de vos courts-métrages ou avez-vous une activité professionnelle à côté ?

Zangro : Malheureusement non ! On n’est pas professionnels dans la réalisation de nos courts-métrages, et la plupart n’ont pas d’activité professionnelle à côté.

Amine : J’ai été vendeur un moment, aujourd’hui je suis au RMI. Pourtant, notre travail bénévole nous passionne. On adore faire ça. Ca nous prend énormément de temps, de jour comme de nuit.

 


Monter des courts-métrages comme vous le faites coûte cher. Comment les financez-vous ?

Zangro : Le matériel nécessaire à notre travail coûte cher. Il a fallu se sacrifier et donner soi-même de sa poche. Au début, tous les jeunes du quartier n’étaient pas très partants. Tous n’ont pas réalisé que diffuser des films via le web pouvait avoir un impact important : toucher les gens du quartier mais aussi en dehors, de toute la France. Après trois ou quatre films, certains ont compris et ont été super motivés, en proposant même de mettre des sous sur la table pour favoriser la location de matériel. Il faut savoir que louer une caméra, ça coûte cinq cent euros.

Amine : On a réussi à trouver une association qui nous louait une caméra pour deux cent euros. Ca restait encore très cher vu nos faibles moyens. Mais on n’a pas lâché l’affaire, on a emprunté. Il a aussi fallu motiver les troupes sur le terrain. Le projet n’aurait pas existé sans ce dernier, sans l’énergie des habitants du quartier. On s’est attendu à des subventions publiques, sans grand succès…

Zangro : On a beaucoup de soutien moral, d’encouragements, etc. Mais les « c’est très bien ce que vous faites, bravo » ça ne nourrit pas. On n’a rien eu jusqu’à une subvention de notre projet par la FACILD de la D.D.J.S. (Envie d’Agir) qui nous a permis de tenir quelque temps. La Mairie de son côté n’a pas fait de réel effort. Aujourd’hui, on attend.


Vous avez donc convaincu les jeunes du quartier de s’investir, vous faites quelque part du social alors ?

Amine : Franchement, pour qu’un jeune, dans une situation, disons « d’échec », se lève le matin pour s’investir dans un travail, non rémunéré en plus, c’est pas gagné ! Pourtant, ça marche avec En attendant demain, est c’est une victoire. Les acteurs, politiques et sociaux, de la région se demandent comment c’est possible. Ils n’ont rien compris. Oui, c’est vrai qu’on fait un travail social que les acteurs sociaux ne font pas sur le terrain. Par exemple, l’un de nos apprentis comédiens, Djamel, était en prison. Il venait pour la journée, participer au tournage, et le soir il y retournait. Aujourd’hui, ce jeune s’en est sorti, il a réussi. On ne peut qu’être contents et fiers.


Dans chacun de vos films, une problématique de fond est posée, relative aux malaises qui existent dans nos banlieues. Quel est le but recherché ?

Amine : Dans notre démarche, on se pose toujours la question de savoir si le film sonne juste avec la réalité de nos quartiers, et dans les codes véhiculés aussi. Je crois que ça a une véritable valeur documentaire : même si on aborde les problèmes avec humour, il y a quand même un coté dramatique. Dans tous les quartiers, vous trouvez au moins un jeune qui ne travaille pas, bref exclu du système, et qui, désespéré, devient mythomane ! Il se met à s’inventer une vie, raconte à tous ses potes des histoires extraordinaires, etc. Le but premier, c’est de dépeindre au maximum la réalité afin de dévoiler au plus juste les quartiers. D’abord pour interpeller les gens du quartier, pour qu’ils puissent avoir un regard différent sur eux-mêmes, et au-delà, faire un travail au niveau des jeunes, se regarder vivre, ça les fait évoluer. Puis, nous voulons toucher les personnes hors de la cité.

 

Dans l’un de vos derniers court-métrages intitulé « Tolérance Zéro », vous abordez l’homosexualité d’un jeune des cités. Sachant que cette question reste très taboue dans les quartiers, avez-vous hésité à traiter le thème ?

Zangro : Jamais ! Le film vient d’une frustration. Si tu commences par te demander « si je fais ça, les autres vont dire que », autant ne rien faire. Jamais on ne s’autocensure. Ca a soulevé des discussions dans le quartier, tant mieux. A la fin, le jeune homo en question se suicide. Sa mort est inévitable : même s’il ne se suicide pas physiquement, sa mort sociale est assurée.

Enfin, qu’attendez-vous de demain ?


On attend une France meilleure, qui prenne en compte tout le monde. Même si demain c’est loin, aujourd’hui il faut faire en sorte qu’il se passe quelque chose. En fait, demain c’est aujourd’hui.

 Hanane KADDOUR

Hanane Kaddour

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