La 3e édition du Festival international des films de la diaspora africaine (FIFDA) de Paris se tenait du 6 au 8 septembre 2013. À travers des films brésiliens, américains, malgaches, français, suisse, marocains, canadiens et cubains, se dessinait une seule et même question : celle de la représentation des diasporas africaines.

Pour sa troisième édition, l’association Festival des films de la diaspora africaine (FIFDA) a posé ses bobines dans différents lieux de la capitale : l’Étoile Lilas dans le 20e, le Brady dans le 5e et le Comptoir Général dans le 10e. Fondée en 2009 par deux américains, Diarah N’Daw Spech et Reinaldo Barroso-Spech, cette association vise à « créer des liens entre personnes issues de l’Afrique et de sa diaspora » par le biais du cinéma.

Diaspora, un terme aux définitions multiples entre la France et les États-Unis ? « Je sais que c’est interprété d’une façon différente dans les deux pays mais pour moi, la diaspora africaine, c’est le vécu des personnes d’origines africaines partout dans le monde, explique Diarah N’Daw-Spech. Je sais qu’ici, il y a un certain nombre de personnes qui définissent la diaspora comme les gens qui sont d’Afrique et qui se sont exilés et vivent à l’étranger. Ils ne pensent pas nécessairement aux gens qui ont quitté l’Afrique il y a 300 ans, à travers l’esclavage ou des choses comme ça ».

En France, justement, parler de diaspora est aussi sensible que parler de communautés. Or, la communauté noire de France ne se limite pas à la couleur de peau : il y a les Noirs venus d’Afrique, les Noirs nés en France, les Noirs antillais… « La diaspora africaine, c’est cette notion d’être de quelque part et d’aller ailleurs mais en ayant en commun cette racine africaine, poursuit Diarah N’Daw-Spech. On a besoin de se parler, de travailler ensemble, de se créer des forces communes. Et le plus nombreux on est, le mieux c’est. Donc notre travail, c’est de permettre aux gens de se comprendre, de se reconnaître, d’aller vers l’autre, à l’extérieur du regard occidental et du regard du Blanc ».

Récemment, le débat autour du racisme « anti-Blanc » a suscité beaucoup de débats au sein de la société française. Pour des actes de racisme, ces débats sont légitimes. Mais s’ils s’élèvent dès l’utilisation du mot « Blanc », cela pose question. Nommer cette couleur la diabolise-t-elle immédiatement ? Apparemment, appeler « Black » un Noir, « Beur » un Arabe ou « chinois » n’importe quel asiatique n’a rien de choquant. C’est même entré dans les mœurs. Mais peut-être que la frilosité qui se cache derrière l’utilisation du mot « Blanc » vient du fait d’avoir créé en miroir le terme « gens de couleur » définissant par là-même que le Blanc serait la couleur d’origine et tous les autres, une déclinaison pigmentaire plus ou moins colorée ?

Exil, marge et seconde zone

Lors de la cérémonie de clôture du FIFDA, le documentaire « Imaginaires en exil, cinq cinéastes africains se racontent » de la réalisatrice italienne Daniela Ricci, questionnait cette notion de diaspora. À travers le portrait de cinq cinéastes nés en Afrique et établis à l’étranger se dessine le pourtour d’une génération d’exilés, s’interrogeant à la fois sur leurs racines et sur les sociétés dans lesquelles ils vivent.

Le réalisateur britannique John Akomfrah, né au Ghana, mais vivant en Grande-Bretagne témoigne justement de cette ambivalence à « être dans le système à l’école mais hors du système familialement », soulignant le fait de s’être toujours senti comme un « citoyen de seconde zone ». Un sentiment partagé par le réalisateur nigérian Newton Aduaka, né au Biafra, ayant étudié à Londres avant de s’installer à Paris, se rappelant avoir déjà été « à la marge » au Nigéria pour avoir vécu discrètement aux côtés de ses anciens persécuteurs puis à la marge encore aujourd’hui en tant qu’anglophone dans un pays francophone.

Le réalisateur béninois Jean Odoutan, ayant grandi à Asnières-sur-Seine (92), se rappelle de tous les surnoms qu’il s’était donné pour avoir l’air américain, parce qu’un Noir américain est toujours plus classe qu’un Noir africain. De son côté, le réalisateur éthiopien Haile Gerima, basé aux États-Unis, milite pour une « reconstruction identitaire : nous sommes des Africains très conscients de notre africanité mais déconnectés de nos racines ». Des racines chères au cinéaste burkinabè Dani Kouyaté, établi en Suède, qui rappelle qu’« on ne peut pas être universel quand on n’est pas authentique ».

« Pourquoi ne rentres-tu pas dans ton pays ? »

Ces réflexions de plusieurs hommes de culture nés dans un pays, établis dans un autre, interrogent également la notion d’exil vécue par nombre de Français. Ceux établis à l’étranger mais aussi ceux ayant quitté leur région d’origine. Ceux venant de Pologne, d’Italie, d’Espagne, du Maghreb, d’Afrique et d’Asie. Ceux venant d’autres pays d’Europe, des Dom-Tom, d’Amérique ou de l’Océanie.

Nombre d’émigrés se sont un jour entendu dire – avec plus ou moins d’empathie – « Pourquoi ne rentres-tu pas dans ton pays ? ». Mais quel pays ? Le développement des transports, l’accès au voyage, le hasard des rencontres et des opportunités à l’étranger ne sont-ils pas malgré eux des machines à fabriquer des apatrides ? N’est-il pas possible de mener la vie que l’on souhaite sans couper les ponts avec ses origines ? Si le FIFDA soulève la question des diasporas africaines, force est de constater que la réflexion qu’il propose s’applique à toutes les diasporas, quelles que soient leur couleur de peau et le pays où elles vivent.

Claire Diao

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