Hippocampe Fou, Sébastien Gonzalez de son véritable nom, se considère comme « un rappeur aquatique ». Natif du XVème arrondissement de Paris et fils d’un musicien colombien, Hippocampe Fou tombe très rapidement dans la musique, bien avant de se lancer dans le rap. Il initie son oreille aux sonorités latino-américaines par le biais de son père, qu’il accompagne très souvent en concert : « Le voir se produire sur scène et me dire que musicien pouvait être un véritable métier m’a un peu mis sur la voie. Il y a des gens qui se lancent dans la musique avec plus de doutes ou d’hésitations, mais pour moi, c’était une sorte de transmission de flambeau » se remémore-t-il. 

La musique, c’était le métier de papa !

C’est d’abord ver le cinéma que le futur rappeur s’oriente souhaitant laisser l’entièreté du domaine musical à son père : « La musique, c’était le métier de papa ! Le seul truc qui me donnait envie de faire la musique étant petit, c’était que je voyais mon père se faire applaudir sur scène, ou quand les gens rigolaient à ses blagues et je me disais : ah, cool, j’aimerais bien faire comme papa ! ».

Le jeune Sébastien reçoit sa première claque cinématographique devant le film Amadeus de Milos Forman : « C’est un film que j’ai regardé des centaines de fois quand j’étais petit, il me faisait chialer à chaque fois. C’était un film de grand qui me touchait. Il y a aussi des films plus adaptés à un enfant qui me touchaient, comme le Magicien d’Oz ou Merlin l’enchanteur,» raconte-t-il.

Aujourd’hui via mes clips, il m’est capable d’assouvir mon fantasme de jouer la comédie

Marqué par les performances de Johnny Depp, Jack Nicholson ou encore Leonardo DiCaprio, Hippocampe Fou ambitionne d’être acteur comme ses idoles, avant de choisir la réalisation : « Au début, quand j’étais petit, je voulais être acteur. Puis l’adolescence faisant tous ses dégâts à la confiance en soi, je me suis dit : « Non, finalement ce sera plus derrière la caméra, » évoque-t-il avec un sourire. « Mais finalement, dix ans plus tard, lorsque je me suis mis à faire mes premiers clips, je me suis retrouvé à faire un peu l’acteur. Ce qui était intéressant, c’était que le personnage n’était pas très éloigné de ce que j’étais. Il me suffisait juste d’être dans une justesse de ton et de ne pas en faire en trop. Aujourd’hui via mes clips, il m’est capable d’assouvir mon fantasme de jouer la comédie, » confie-t-il.

Le rap va finalement venir à Hippocampe Fou en deux temps : le premier est le classique The Score du groupe mythique Fugees : « J’ai kiffé sur la voix de Pras ! Le morceau ‘How Many Mics’ m’a donné des frissons. » Le second temps viendra avec ‘Rage Against The Machine‘ : « Je me suis dit wow ! Il y a eu un côté rock qui me permettait de retrouver ce que j’avais pu écouter bien avant, avec Nirvana ou encore Oasis. Puis, dans le même temps, ça rappait, ce qui provoquait en moi une sorte de tamtam dans le ventre qui se réveillait d’un coup. »

A partir de ce moment, Sébastien se met à écouter beaucoup plus de rap et à écrire ses premiers textes, après avoir écouté un freestyle réunissant les légendes Tupac, Notorious Big et Big Daddy Kane : « C’est un freestyle live, mais ce qui me plaisait, c’était le scratch du DJ et le rythme basique, puis d’un coup le beat s’arrête, punchline, et le public est en furie. Je me disais, qu’est-ce que ça doit être lourd quand tu sors une phrase et que tout le monde crie ! » se souvient-il. « Ça m’a justement redonné l’envie de quand je voyais mon daron se faire acclamer sur scène, avec en plus une musique qui me parlait et qui était plus actuelle. »

Hippocampe Fou © Kop3to & Shinoart

C’était une manière de dire ‘je suis Hippocampe Fou, je fais du rap aquatique, et même si ça n’existe pas, moi je le fais’

Ce freestyle marquant le point de départ, le rappeur en herbe va trouver ses inspirations en IAM, NTM, Solaar qu’il considère comme des pionniers : « J’ai toujours eu une grande affinité pour MC Solaar parce qu’il y avait un côté plus doux et plus poétique qui me parlait. Pourtant, il y avait un côté conscientisé et politisé, mais qui était moins brutal qu’un NTM et moins documenté par exemple qu’un Akhenaton ou Shurik’n ».

Une influence viendra définitivement montrer la voie au jeune rappeur en la personne de R Wan du groupe Java : « C’est un comme un grand frère, il mélangeait le rap et la chanson française et pour moi c’était nouveau. Il faisait du rap musette et sans être chauvin je trouvais stylé l’idée de faire du rap ‘français’ en puisant dans le musette. Il y avait le côté satirique conscientisé, il y avait plein de malice. On pouvait lire dans leurs paroles des remarques pertinentes sur l’humanité et la société française. D’une certaine façon, il m’a mis sur la voie ».

Après avoir fait le tour de plusieurs soirées slam et avoir aiguisé ses rimes au sein du groupe « La Secte Phonétik », Hippocampe Fou trouve donc sa « branche », à laquelle il s’est raccroché, comme il aime à dire, en amenant auprès du public un rap satirique teinté d’une certaine infantilité qu’il va qualifier de « rap aquatique » : « C’était une manière de dire ‘je suis Hippocampe Fou, je fais du rap aquatique, et même si ça n’existe pas, moi je le fais’. » Et je pense que ça a attiré les gens, j’avais un bonnet de bain à fleur à mes débuts, ce qui montre que j’avais poussé mon délire vraiment loin. »

Je me suis dis que ce troisième album devait être terrestre, voire sous-terrain, et donc chercher ce qu’il y a au fond de moi, ça été de l’introspection

Suite à la sortie en 2013 de son premier album,« Aquatrip », le rappeur poursuit avec son second album, « Céleste », en 2015 : « Après Aquatrip, je me dis que l’eau de mer s’évapore, je vais vers le ciel. J’ai commencé à mettre ma tête sur la pochette et j’ai assumé l’humain derrière Hippocampe Fou, chose que je ne faisais pas auparavant. Ce deuxième album m’a ramené vers le troisième album, que j’ai sorti en mars dernier. L’eau qui est montée dans les nuages redescend sur terre sous forme de pluie. Je me suis dis que ce troisième album devait être terrestre, voire sous-terrain, et donc chercher ce qu’il y a au fond de moi, ça été de l’introspection, » raconte-t-il. Le rappeur adopte une démarche différente dans ce dernier opus, puisqu’il va puiser au fond de ses émotions afin de créer ses morceaux tout en prenant soin de conserver la pointe d’humour qui est devenue sa marque de fabrique. Dans cet album, Hippocampe Fou se livre et exprime avec sincérité ses coups de blues.

Après une tournée dans toute la France, Hippocampe Fou se produira ce vendredi 30 novembre sur la scène parisienne du Trianon, date qu’il appréhende avec énormément d’excitation : «  Je me sens chaud ! Je me lève le matin en me disant J moins… (rires). C’est vraiment la première fois que j’aborde un gros concert comme ça de manière ultra sereine, puisque je prévois pleins de petites et belles surprises. Il y aura ma mère, mon père, ma sœur, ma belle-famille donc tous les morceaux introspectifs et émouvants auront une résonance particulière cette fois. »

Hippocampe Fou, qui partage désormais sa vie entre New-York et la Seine-Saint-Denis, prépare pour 2019 un spectacle vivant mélangeant le cinéma et la musique, sur lequel il travaille depuis plusieurs années : « Je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à avoir un spectacle qui raconte une histoire du début à la fin. Je n’ai jamais eu ce truc de finir un album ou une tournée et d’être tout de suite de retour avec quelque chose de nouveau à proposer. A l’époque du premier album, on réfléchissait déjà à ce spectacle, et maintenant tout est là. »  Avec une once d’excitation, il déclare :« Je suis assez confiant, puisqu’on a quelque chose d’exaltant et d’ambitieux. »

Félix MUBENGA

Hippocampe Fou, ce vendredi 30 novembre 2018 à 19h30 au Trianon, 80 boulevard de Rochechouart, 75018 Paris.

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