ILS FILMENT LA BANLIEUE. À l’affiche de Brooklyn, premier long-métrage de Pascal Tessaud, l’acteur et réalisateur Jalil Naciri, 43 ans, vient de terminer son premier long-métrage Piste Noire où des braqueurs de quartiers se retrouvent dans une station de ski. Portrait.

Jalil Naciri est un habitué des Pépites du Cinéma. En 2007, d’abord, année où il avait présenté le court-métrage La planque avec l’équipe d’Alakis’, association de l’Île-Saint-Denis (93) créée il y a douze ans afin de « célébrer les quartiers populaires à travers le théâtre et le cinéma, pour préserver un patrimoine et garantir un héritage populaire et urbain ».

En 2011 ensuite, avec la version longue de La Planque. Repéré aux Pépites deux ans plus tôt par Luc Besson qui connaissait son travail (Le Shtar, Les Lascars du Show-Biz, Bleu à l’âme), Alakis’ crée sa boîte de production et se lance dans une aventure plus compliquée que prévu. « La main tendue de Luc Besson s’est assez vite transformée en bras d’honneur ».

« EuropaCorp a financé l’écriture du scénario puis nous a dit « Vous allez produire vous-mêmes le film ». Ce qu’on a fait, avec l’assurance d’une aide financière d’EuropaCorp pour la distribution. Ce qu’ils n’ont pas fait, nous laissant dans une situation financière catastrophique». Le procès intenté, en 2011 contre la société de Luc Besson s’achèvera, en octobre 2014. Mais reste en travers de la gorge de Jalil Naciri.

Sa revanche – « une réponse insolente d’une petite boîte de production de banlieue qu’un gros groupe a essayé de piétiner » – est donc un long-métrage totalement autofinancé baptisé Piste Noire, tourné entre Tignes et Valloire. Au menu ? Une bande de braqueurs souhaitant récupérer un butin se retrouve par hasard dans une station de ski, là où « différentes couches sociales peuvent se rencontrer». Pourquoi la montagne ? « On ne connaît pas l’histoire que les banlieusards ont avec les sports d’hiver. Les colonies de vacances, les sorties ski avec les services Jeunesse… Je connais des banlieusards moniteurs de ski qui, pour certains, vivent maintenant à la montagne ».

Pour celui qui a joué dans la série PJ et des films comme Taken de Pierre Morel ou Munich de Steven Spielberg, endosser la casquette de réalisateur est une première. « J’ai toujours préféré faire l’acteur, mais j’écris parce que je n’ai pas encore reçu de proposition de rôle qui pourrait me faire vibrer et fantasmer ce métier-là». La célébration des codes « linguistiques de verlan ; vestimentaires de Tacchini et musicaux de funk et de soul propre aux territoires populaires et urbains » est, elle, totalement « Alakis’ » : « à l’ancienne, en référence au Kiss Club, boîte de nuit de la fin des années 1970 qui était fréquentée par une population non acceptée dans d’autres endroits ».

Appréciant les films des duos Toledano/Nakache et Bacri/Jaoui, nourri par les films de Belmondo, Delon, Gabin et Ventura vus à la télévision (« le génie français ne nous bouscule plus comme il a pu le faire longtemps ») et influencé par les comédies de boulevard  (« avant on riait, aujourd’hui, on ricane »), Jalil Naciri baigne enfant dans les films de karaté, les westerns spaghettis et les films hindous que sa mère l’emmenait voir au Trianon de Barbès (« à l’époque, il n’y avait pas de magnétoscope. Pour 6F, on pouvait voir deux films au cinéma »).

Né « en France » en 1971 d’un père parisien et d’une mère marocaine commerçants aujourd’hui séparés, Jalil Naciri connaît une enfance « chaotique », tiraillée « entre mon père, ma mère et les soucis». Aîné de trois demi-frères et sœurs, il grandit à Saint-Ouen (93) « aux Puces et au Vieux Saint-Ouen où j’avais des amis d’enfance qui se sont révélés être les mecs les plus marrants que j’ai jamais rencontrés ».

Élève « hostile à l’autorité », Jalil Naciri découvre le conseil de discipline dès la classe de CP puis, « systématiquement viré des collèges », arrête les études en 3e. Sa pratique du taekwondo et de la boxe thaïlandaise, ne l’empêchent pas de faire plusieurs bêtises qui le conduisent à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au sein de laquelle il rencontre le théâtre (« enfant je voulais en faire, mais les méthodes de l’Actors Studio ne m’avaient pas du tout plu»).

Par la suite vendeur aux Puces de Saint-Ouen, Jalil Naciri crée la compagnie On ne fait que passer, décroche le rôle principal du mythique Hexagone de Malik Chibane et joue plusieurs années pour la compagnie lyonnaise de L’Attroupement avant de démarrer une carrière d’acteur à la télévision et au cinéma. Une satisfaction pour son père qui l’imaginait « finir à Fleury-Mérogis ou dans la voyoucratie ».

Alors, si Jalil Naciri regrette que les habitants des banlieues  soient considérés comme « des jeunes éternels ; ce mépris et cette condescendance sont pénibles à vivre », filmer la banlieue devient pour lui l’occasion de représenter « la culture, la langue, les gens, le folklore et les problématiques sociales, plutôt qu’un décor ».

Claire Diao

Brooklyn de Pascal Tessaud – 2014 -1h23, sera projeté en clôture du festival Les Pépites du Cinéma samedi 11 octobre 2014 à 20h45 à Commune Image 8 rue Godilot 93400 Saint-Ouen.

Piste Noire de Jalil Naciri – 2014 – 1h48, avec Jalil Naciri, Gilles Belloni, Ahcen Titi… Bientôt sur les écrans.

Crédit Photo : Hulyss Bowman
 

Retrouvez nos anciens articles :

 Jalil Naciri : l’indomptable optimiste
– La planque : un film à l’ancienne ma gueule !
 

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