Présenté en avant-première au cinéma Le Méliès de Montreuil (93) vendredi dernier, La ligne de couleur, nouveau documentaire de la réalisatrice Laurence Petit-Jouvet, interroge les souffrances les victimes d’un racisme ordinaire.

Après son documentaire Correspondances entre Montreuil (93) et le Mali (2010),  Laurence Petit-Jouvet et l’association Avril reviennent sur les écrans avec La ligne de couleur, documentaire composé de lettres filmées de onze français témoignant du racisme rencontré au cours de leur vie.

Hommes ou femmes, perçus comme noirs, arabes ou asiatiques par la société française, témoignent un à un de ce racisme larvé, intégré parce que déguisé, néfaste parce que répété, qui les fait souffrir depuis la tendre enfance.

Il y a cette petite fille qui a peur d’être « moche » si elle garde ses cheveux lâchés et supplie sa mère de les lui « lisser » ; cette autre qui se fait humilier par ses camarades de classe lors d’un changement d’école ; cet homme qui subit quotidiennement les problèmes de discrimination, de contrôle au faciès et autres vexations auxquelles seule une frange de la société française est confrontée ; ou cette dame, passionnée de théâtre, dont la simple remarque : « Qu’est ce qu’on pourrait faire d’une comédienne japonaise au théâtre ? », l’a à jamais complexée.

Dans La ligne de couleur, on trouve aussi un élu affirmant que « beaucoup encore ont du mal à accepter qu’un français, au nom et au faciès maghrébin, brigue des fonctions républicaines » ; une réalisatrice témoignant de la « tension ininterrompue d’être constamment vue » dont elle souffre, quel que soit le lieu où elle évolue ; ou encore un jeune salarié, envoyé en mission à l’étranger par sa boîte, qui réalise à quel point « dans la famille de la République Française, j’étais comme l’enfant différent, l’enfant illégitime ».

Par le biais des lettres filmées, Laurence Petit-Jouvet donne la parole à quelques citoyens français qui en ont assez d’être regardé et considéré différemment. Par le biais d’une mise en scène variée (lettres lues, récitées, caméras subjective) parfois maladroite, La ligne de couleur met en exergue ces souffrances du quotidien qui gâchent la vie.

Si les spectateurs ayant déjà rencontré ce type de violences et de maladresses  découvriront peu de choses – voir verront leurs douleurs passées ravivées – d’autres prendront certainement conscience de cet état de fait. A l’heure où le racisme se décomplexe, où les actes et les paroles discriminantes se banalisent, où la peur de l’autre a pris le dessus sur l’ouverture et la curiosité, il est bon de rappeler à tous les détracteurs, médisants, humiliateurs ou simples intolérants, que quelle que soit sa couleur de peau, un français est, et demeura, français.

Claire Diao

La ligne de couleur de Laurence Petit-Jouvet – documentaire – France – 2014 – 80min

Bande-annonce :  https://vimeo.com/111010505

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