Ensemble, faisons résonner la voix des quartiers populaires.

Soutenez le média libre qui raconte des histoires qu'on n'entend pas ailleurs.

Je fais un don

Elle nous retrouve au retour du Festival international de Clermont-Ferrand (63) où elle a remporté la Bourse des Festivals Kissfilms parmi 60 autres projets . « Il y a eu deux sentiments. Le premier, c’est que le travail paye. Le deuxième, c’est qu’on va enfin pouvoir nous écouter. Nous, les populations qu’on a, à un moment donné, décidé de mettre de côté ».

A l’origine de cette bourse, un projet de fiction, Le bleu, blanc, rouge de mes cheveux, dans lequel Josza Anjembe raconte l’histoire d’une jeune fille souhaitant acquérir la nationalité française à laquelle son père sénégalais s’oppose farouchement. « Comment gérer l’appartenance à un même pays, de naissance pour l’un et d’accueil pour l’autre ? », interroge celle qui considère faire partie d’une génération « traumatisée ». « Nous sommes à cheval entre les cultures, entre les hommes et les femmes, les rapports économiques et géopolitiques. Tout est en mutation. C’est à nous d’impulser le rythme ».

Le rythme, Josza Anjembe l’a imprégné depuis sa naissance, à Paris, en 1982. Née avec un frère jumeau d’une mère infirmière et d’un père ouvrier camerounais, elle grandit à Bondy (93) jusqu’à l’âge de 7 ans puis s’installe aux Lilas (93) et à Paris, avant de revenir en Seine-Saint-Denis dans les villes de Pantin et du Pré-Saint-Gervais. « Le 93, c’est mon sang », affirme-t-elle en souriant.

De son enfance, reste un souvenir de « rires » (« on riait tout le temps, mais on travaillait ») et d’entraide (« on vivait tous ensemble, il n’y avait pas de hiérarchie »). Elève « qui fait des conneries sans jamais se faire attraper », Josza Anjembe passe un Bac ES puis intègre un Master Information Communication à Saint Denis (93). A l’occasion d’un stage à la télévision, elle devient enquêtrice puis casteuse en parallèle de ses études. Mais l’envie de s’exprimer est là. «L’image et le cinéma ont été un moyen d’exprimer ce que j’avais à dire».

Découvrant que des femmes camerounaises se font « repasser» les seins afin d’en freiner le développement, elle achète en 2011 une caméra et part tourner trois semaines au Cameroun. De retour, elle monte seule son premier documentaire, Massage à la camerounaise, mais doute de ses compétences. « Je me suis dit, envoie-le en festival et s’il est retenu, continue ». Banco. Le FIPA de Biarritz la sélectionne, Montréal et Créteil aussi. La chaîne LCP le diffuse à la télé. Avec son film suivant, K.R.U.M.P, une histoire du Krump en France, elle suit pendant quatre ans un groupe de danseurs « qui avaient tellement de souffrance en eux qu’ils préféraient danser plutôt que frapper ».

Le cinéma, Josza Anjembe s’y est pourtant intéressé « très tard » : « Enfant, je n’allais pas au cinéma, je ne regardais pas la télé. Je jouais du piano ». Douze ans de Conservatoire plus tard, elle se souvient du premier film qui l’a marquée : La couleur pourpre (« pour sa violence, sa sincérité »). Aujourd’hui, elle cite Terrence Malick, Lars Von Trier, John Cassavetes et Lionel Rogosin parmi ses cinéastes préférés. Et le cinéma asiatique : « mon devoir, c’est de voir ce qui se passe au-delà du cinéma européen ».

Si Josza Anjembe se refuse à parler du traitement médiatique des banlieues (« c’est trop violent ») et se sent représentée « en demi-teintes »  par le cinéma français qui a « imposé une certaine vision des minorités », son combat actuel est de «  dépasser ce conditionnement en s’autorisant à aller au-delà ». Car si dans sa vie, Josza Anjembe a toujours dû « se justifier », la nécessité de son travail s’inscrit maintenant dans l’idée que « tant que les choses resteront surprenantes, elles seront anormales ».

Alors, avec sa cinématographie, Josza Anjembe souhaite traiter de « la question de la femme, de sa condition », car c’est un sujet qui la touche « profondément » : « si je ne sais pas d’où je viens, je ne saurai pas où je vais ». Comme beaucoup d’autres français.

 Claire Diao

Crédit photo : (c) Julia Cordonnier – Les Amie(s) du Comedy Club

Articles liés