Nappes blanches impeccables, lustres impressionnants, accent suisse allemand au moins aussi savoureux que les croissants, le groupe Ringier fête son cent septante-cinquième anniversaire dans un palace parisien et présente à cette occasion la nouvelle formule du magazine helvétique L’Hebdo, le papa du Bondy Blog. Daniel Pillard, directeur de Ringier-Romandie, parle de « darwinisme journalistique » pour souligner la capacité d’adaptation de son équipe. « Nous nous sommes dotés d’une nouvelle police, tout simplement baptisée L’Hebdo, et créée par Ian Party et Maxime Buechi, deux anciens graffeurs devenus graphistes typographes», s’enthousiasme le rédacteur en chef de l’hebdomadaire, Alain Jeannet. 

Ian (photo ci-dessous, à gauche) a quelques cheveux blancs, des yeux pétillants de curiosité et un tee-shirt à l’effigie de notre héros footballeur Zidane. Maxime (ci-dessus, à droite), son associé, arbore un crâne rasé, des tatouages sur 60% du corps et un sourire gêné. A eux deux ils ont créé B&P, une société de design et de topographie basée à Lausanne.

« C’est la première fois qu’il nous présente comme des anciens graffeurs », s’étonne Ian. Le rapport entre sa passion d’adolescent et son métier d’adulte ? Il compare le graff à un club de foot, tout simplement. « C’est une activité entre jeunes du même âge, on crée quelque chose ensemble et ça nous rapproche. » Ian insiste sur l’absence de lien entre la typographie et le graff. « Certainement l’envie de créer, concède-t-il. Mais ce sont des activités totalement déconnectées l’une de l’autre. »

Leur parcours semble aussi riche qu’une banque suisse. Après des études supérieures en psychologie pour Maxime et en peinture de lettres pour Ian, les deux amis, rapprochés par l’utilisation de la bombe de peinture sur les murs de leur quartier, se retrouvent sur les bancs de la prestigieuse Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL), d’où ils ne sortiront pas vraiment. Car dès l’obtention de leur diplôme, ils passent de l’autre côté de l’estrade en tant qu’enseignants. Plutôt sur la même longueur d’ondes professionnelle, ils décident de créer leur propre boîte de design, tout en travaillant à Londres ou en étudiant à La Haye.

Des difficultés, peut-être, dans ce beau parcours ? « Aucune pour le moment. La Suisse est un terrain fertile pour le graphisme », affirme Ian. Un contexte particulier en Suisse ? Le plein emploi d’abord, mais dans leur domaine, les nombreuses subventions publiques, que Zurich distribue largement, et les entreprises qui n’hésitent pas à soutenir des jeunes artistes. « Travailler pour L’Hebdo va nous faire connaître dans l’activité de création de polices de caractères sur mesure. Créer une police est un travail qui n’est ni long ni onéreux, argumente Ian comme un excellent commercial. A peu de chose près, c’est le même budget que d’acheter une licence. Sauf qu’avec sa propre police, le magazine crée une plus-value certaine. Une partie de l’identité visuelle c’est justement la police de caractère. C’est vrai qu’on aimerait aller dans ce sens. »

La Suisse n’est apparemment pas seulement le pays des banques et des fromages à trous, c’est aussi le centre européen du graphisme. Le jugement sur le voisin français est assez sévère : « Le niveau est plutôt faible à Paris. Bien sûr il y a quelques grands noms français dans le graphisme, et les talents existent. Mais quand je prends le métro, je vois que c’est assez pauvre de ce point de vue. Les affiches d’événements culturels par exemple manquent vraiment d’audace ! » Amis graffeurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Bouchra Zeroual

Bouchra Zeroual

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