C’est dans le Kentucky aux États-Unis au milieu des années 1950 que démarre la folle histoire de Beth Harmon. La jeune fille à la tignasse rousse survit miraculeusement à un accident de la route dans lequel sa mère perdra la vie. Beth qui a grandi loin de son père se retrouve placée dans un orphelinat austère où ne s’y trouvent que des filles de son âge.

Les règles y sont strictes et sont attachées aux principes catholiques. Aucun écart n’y est toléré. Entre les cours et l’apprentissage de chants religieux, les jeunes filles ont l’obligation de prendre un étrange traitement. Deux « médicaments » quotidiens sans doute pour leur faire oublier l’environnement dans lequel vivent les jeunes résidentes, ou comme le dit Jolene l’amie de Beth : pour « qu’elles se tiennent tranquilles ».


La bande-annonce du Jeu de la Dame, disponible sur Netflix. 

Les échecs pour addiction

Pour ne pas arranger sa situation déjà peu enviable Beth devient accro à ces drogues et cherchera à s’en procurer par tous les moyens et ce tout au long de sa vie. C’est dans cet univers hostile que la jeune fille découvre presque par hasard les échecs.

Elle y est initiée par le gardien de l’établissement M. Schaibel qui montre d’abord de la réticence à son égard, mais comprend très rapidement face aux prédispositions de Beth, qu’il a affaire à un phénomène à tous les points de vue.

La protagoniste emmagasine tout ce que lui enseigne le vieil homme et devient très rapidement addicte à ce jeu auquel nombre d’entre nous, comme elle, n’y comprenaient pas grand-chose. Par chance Beth sera adoptée par la famille Wheatley dont la structure saurait rappeler sa famille biologique : un père distant et une mère émotionnellement instable.

Dès lors l’intrigue s’articule autour de l’ascension de celle qui est désormais adolescente, et qui va devenir très rapidement une attraction nationale puis mondiale. Un autre jeu d’échecs s’amorce entre son addiction aux drogues dures et son ambition d’obtenir le titre de grand maître international d’échec.

Dès sa sortie, la minisérie s’est transformée en un carton mondial, avec plus de 62 millions de spectateurs et spectatrices. Avec une conséquence pour le moins inattendue : dans de nombreux pays les échecs ont connu un regain d’intérêt, hexagone inclus, avec des chiffres de ventes spectaculaires. Chez JouéClub, les ventes de jeu d’échecs auraient doublé depuis la sortie de la série, et sur le site de revente Ebay, les recherches autour des jeux d’échecs ont observé une hausse de 273%.

La stratégie reine de Netflix

Comment expliquer cela ? Tout d’abord le Jeu de la Dame s’inscrit dans une volonté affichée de la part de Netflix de mettre en lumière des destins de femmes à travers différents formats : Unorthodox, Self-Made, Becoming, Cap sur le Congrès entre autres. L’intrigue qui se déroule dans les décennies 1950 et 1960 reflète des problématiques toujours présentes dans la vie de nombreuses femmes aujourd’hui : la misogynie, le harcèlement scolaire, la projection dans des secteurs d’activités excluants, et c’est à cela que Beth devra faire face tout au long de la série. Une trajectoire qui n’est pas sans rappeler le parcours de la Hongroise Judith Polgàr, sacrée grand maître à 15 ans, et qui a battu le monstre Gary Kasparov.

Dans la série l’américaine est une véritable pionnière car aucune femme avant elle n’avait réussi à se hisser à ce niveau dans cette discipline qui semble exclusivement réservée à la gente masculine. Alors Beth devra faire face aux moqueries et à la condescendance d’hommes qu’elle prendra un malin plaisir à terrasser dans les parties d’échecs.

De nombreuses personnes peuvent ainsi se reconnaître dans l’histoire de Beth Harmon ou dans celle de sa mère adoptive Alma Wheatly. Deux personnages féminins au passif douloureux qui se soignent par la drogue ou l’alcool quitte à en devenir véritablement accro. Et c’est dans un ton parfaitement juste que la série traite de la question de l’addiction.

Enfin que dire de la performance d’Anya Taylor-Joy ? La jeune actrice américaine qui avait déjà reçu un plébiscite de la critique pour ses rôles dans The Witch (2015), Split (2016) et qui est récemment apparue dans Peaky Blinders, livre une interprétation à couper le souffle encore une fois. Celle qui avouera dans une interview, s’être engagée sans même avoir lu le script, incarne à la perfection Beth Harmon montrant ici l’étendue de son talent. À seulement 24 ans l’actrice qui sera prochainement à l’affiche du prochain Mad Max, a encore fait l’unanimité auprès de la critique et du public.


« Le choix de prendre Anya Taylor-Joy pour jouer Beth Harmon a été le meilleur choix que la production aurait pu faire et personne ne me fera changer d’avis » clame cette fan sur Twitter. 

Ajoutez à la série une réalisation soignée et une narration ne laissant aucune place aux temps-morts, il vous sera difficile de mettre plus de trois jours à regarder les sept épisodes de la série et sans vous procurer un plateau d’échecs.

Félix Mubenga

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