Lancé en mai dernier, le podcast Backstory offre à une jeunesse passionnée de rap une entrée ludique sur certains pans de l’Histoire méconnus. Avec un épisode prévu toutes les deux semaines, ce format peut se targuer d’avoir des intervenants de choix comme Meryl, Disiz ou encore Médine.

Quel lien entre SCH et Pierre Bourdieu ? Niveau lutte des classes, le rappeur marseillais et le sociologue partagent bien plus qu’il n’y parait. Pour le saisir, il suffit de tendre l’oreille.  « Mon père vous a donné sa santé, j’suis là pour l’addition », rappe le Marseillais sur Himalaya. Une punchline qui résonne fort avec les mobilisations contre la réforme des retraites. 

Comme bien d’autres rappeurs, dans ses sons, SCH fait référence ses origines sociales modestes. Fils d’un père routier et d’une mère infirmière, il est aujourd’hui ce que l’on pourrait considérer comme un transfuge de classe. Pierre Bourdieu a consacré une grande partie de ses travaux aux classes sociales, notamment sur les conflits d’identité auxquels sont confrontés lesdits transfuges.

Au collège, on avait évoqué la guerre du Liban via le groupe Gold. Je voulais faire la même chose avec le rap

Cette analogie, mise en exergue par Gloire Savula Mbongo, est l’une des raisons pour lesquelles est né Backstory. Tout commence avec un groupe Whatsapp créé il y a cinq ans, que ce dernier partage avec deux amis. Tous les trois échangent sur les références historiques ou sociales qu’ils trouvent dans les paroles de rappeurs.

Leurs nombreuses notes vocales échangées au fil des années servent d’ailleurs d’intro à chaque épisode. « Je voulais essayer de reproduire la mécanique qu’on avait à l’école, lorsqu’on apprenait des choses via les chansons. Au collège, on avait évoqué la guerre du Liban via le groupe Gold. Je voulais faire la même chose avec le rap », explique Gloire.

Du contenu ludique qui « ne prend pas les gens de haut »

Un an et demi a été nécessaire afin de dessiner les contours du format. La trame du podcast trouvée, le réalisateur et ses amis se rendent chez Spotify pour leur soumettre leur projet. Une aubaine pour la branche française de la plateforme. Spotify n’en est pas à son coup d’essai en matière de création originale. Elle produit notamment Canapé six places, présenté par l’influenceuse Léna Situation, ou encore le podcast de Tony Parker.  Mais, sa branche française n’avait jusqu’alors aucune création originale consacrée à la musique.

« Il y avait une évidence sur le concept. Lorsqu’on lance une série documentaire, une fiction, on veut un contenu ludique, qui ne prend pas le savoir de haut. On souhaite que les auditeurs puissent également apprendre des choses, tout en se divertissant », raconte Claire Hazan, en charge de la stratégie des podcasts et des productions originales chez le géant suédois.

Sensibiliser la jeunesse par le biais de leurs artistes favoris

Le choix des invités a fait l’objet de longues discussions sur le groupe Whatsapp de Gloire. Car les évocations historiques dans les morceaux de rap sont courantes. « J’ai un petit frère de 19 ans qui écoute du JUL, SCH ex cætera. Lorsque je me rendais dans certaines conférences où il était question de décolonisation par exemple, j’étais peiné de ne pas voir de jeunes comme lui ou d’afro-descendants. Je pensais que le meilleur moyen de les toucher sur ces sujets était via leurs artistes favoris », se souvient Gloire.

Gloire a de grandes ambitions pour son podcast. Après s’être entretenu avec Disiz ou encore Lous and The Yakouza, le trentenaire aimerait un jour voir plus loin : « Le compétiteur que je suis souhaite recevoir des artistes internationaux. Mais le piètre élève d’anglais n’en est pas si sûr (rires). J’aimerais bien m’entretenir Burna Boy et Nas. »

Félix Mubenga

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