Paloma Paraire a 22 ans et une énergie débordante. Étudiante en gestion de crise liée aux catastrophes naturelles et humanitaires à l’École des Mines d’Alès (Gard), elle s’amuse quand on lui demande pourquoi elle est venue à l’Université Paris 8 Saint-Denis, à l’invitation du Secours Populaire pour débattre de « la culture via la solidarité », comme s’il y avait une évidence difficile à formuler. Elle marque un temps d’arrêt, elle n’a pas de réponse toute faite. Puis, elle se lance à la fois hésitante sur la forme et déterminée sur le fond. Les mots se mettent en ordre tournant autour pluriel et du singulier. « Les cultures, diverses et variées, permettent d’avoir une ouverture sur le monde et donnent les clés pour affronter la vie. Tout le monde n’a pas accès à la culture. Je trouve que la solidarité dans ce sens est essentielle pour permettre à tout le monde d’y avoir accès. C’est nécessaire dans le monde actuel de s’investir ».

Durant deux jours, le 26 et le 27 octobre, une cinquantaine de jeunes venus de toute la France, issus des comités locaux, des fédérations et des départements, ont fait vivre le 5e « Secours Pop Tour », une occasion pour les jeunes bénévoles et salariés de partager leurs expériences et de trouver des réponses concrètes aux questions qu’ils se posent.

Après un vendredi organisé autour de l’accueil des participants et de rencontres informelles, les jeunes se sont levés tôt pour rejoindre le hall du bâtiment C de l’université. « C’est immense comme fac » lance l’un d’eux. On peut lire sur leurs visages un réel plaisir d’être là. L’ambiance est bon enfant. Annick Tamet, secrétaire général du Secours Pop de la fédération du 93, adresse ses mots de bienvenue aux jeunes. Elle revient sur la richesse que la Seine-Saint-Denis possède en termes culturels et souligne que ce rendez-vous est à l’image du département, « chaleureux et convivial ». Les participants vont ensuite participer à différents ateliers pour décortiquer le lien entre culture et solidarité et imaginer des idées qu’il faudrait transposer dans leur action. Il y a la Cité du cinéma, le Village du Monde éphémère, l’Éducation populaire…

Sortir des stéréotypes et des préjugés

L’idée de base du Secours Pop est d’apporter des outils applicables au quotidien à tous ceux qui consacrent du temps, comme bénévoles ou comme salariés, à la solidarité sans se limiter à la distribution de vêtements, de nourriture ou d’aide aux tâches administratives. La première urgence consiste à sortir des stéréotypes et des préjugés qui les enferment dans des choix limités, quel que soit le milieu social qu’ils viennent. Dans chaque atelier, l’animateur doit faire vivre la discussion, noter les idées qui fusent et cadrer les réponses apportées. Chacun apporte ses expériences et ses interrogations sur le lien entre la solidarité et la culture.

Il est 12h20, c’est l’heure du déjeuner. Tout le monde se réunit dans le hall du bâtiment, où les rejoignent quelques  étudiants de la fac. Les sandwichs dégagent une bonne odeur. Les discussions continuent dans une ambiance festive. Dans la foule, Mathieu Mercier, 25 ans, est médiateur culturel et social du Secours populaire de Limoges (Haute-Vienne) depuis  quatre ans. Comme beaucoup de jeunes, il porte la casquette à l’envers et affiche un large sourire. Son domaine de travail repose sur la culture. « On travaille beaucoup sur l’accès à la culture pour les bénéficiaires de Limoges, mais aussi en secteur rural », explique-t-il. Après un stage de deux mois au sein de l’association, Mathieu a choisi de poursuivre son action comme salarié. Pour lui, c’est très valorisant et touchant d’être là, avec d’autres jeunes qui partagent ses préoccupations. Il revient sur le thème de la culture : « Il est très réfléchi, ce thème. Il y a une cohérence et une logique dans la démarche du Secours Pop Tour. Nous sommes aujourd’hui dans une université, dans un département multiculturel où la population est très jeune », se réjouit-il.

Samedi après-midi, les jeunes sont allés dans les rues de Saint-Denis, à la rencontre des Dionysiens pour collecter et faire passer leur message de solidarité, à l’image de l’événement « Les Pères Noël verts » qui revient chaque année au mois de décembre. Devant la mairie, sur la place Victor Hugo, les jeunes vont dans les commerces, sur les terrasses des cafés, arrêtent les riverains pour parler de l’importance de la culture et de la solidarité. Derrière ses lunettes carrées et sa boucle d’oreille noire, Julien Zaïdi est multiple. Étudiant en médecine, ce Marseillais de 25 ans travaille dans un collège de la cité phocéenne avec des enfants handicapés et consacre du temps comme bénévole au Secours Pop depuis 5 ans. Il s’occupe des questions de solidarité internationale et est « référent jeune » dans la fédération de son départemental.

Il est légitime pour tout le monde d’avoir accès à la culture

Comme tous les participants, il apprécie le Secours Pop Tour : « C’est une excellent idée. Ce sont des moments qui permettent de faire émerger des idées rapidement pour évoluer et permettre de mettre en place des initiatives ». Julien emboîte le pas de ses amis d’un jour sur le thème de la culture. « Il s’agit de donner une visibilité aux gens qui trouvent peut-être flou et insaisissable l’idée de culture. Ça permet de montrer en quoi il est légitime pour tout le monde d’avoir accès à la culture. Il y a des moyens pour leur donner une chance d’ y avoir accès ».

Cette 4e édition du Secours Pop Tour a montré que les jeunes peuvent se montrer solidaires dans un monde trop individualiste. Après deux jours d’échange, toutes les idées ressorties des ateliers valorisent le brassage des cultures comme moyen de vivre ensemble. La culture au service de la citoyenneté doit contribuer aux valeurs qui doivent fonder la société, mais aussi permettre de lutter contre les inégalités sociales, l’exclusion d’une partie de la population et permettant d’avoir accès au sensible, de vivre des expériences collectives, de débattre.

Gloria Goudbedji et Célia Favel ont 21 ans toutes les deux. Venues ensemble du Val-d’Oise, les deux copines sont infirmières, l’une en exercice, l’autre en formation. L’une a des mèches bleues dans les cheveux et l’autre des mèches blanches, et les deux disent leur envie d’être là : « C’est très enrichissant, ces discussions. On est conscient qu’on peut faire quelque chose ensemble, car il y a de la matière et cette notion de solidarité culturelle est comprise par tous les jeunes présents. » Après avoir participé aux ateliers, elles repartent avec « la tête pleine d’idées. Très concrètement, on sait comment créer un projet du début à la fin. Ce sont des outils indispensables à l’échelle locale ».

Kab NIANG

Crédit photo : Camille Abadie / SPF

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