Il est 14h, station George V. En montant les marches de la sortie du métro je discerne le grondement des percussions. « Et j’entends dans la musique les cris, les rires qui éclatent et rebondissent autour de moi », comme chantait la môme Piaf. L’avenue des Champs Elysées c’est transformée en immense salle de spectacle où va se dérouler un magnifique opéra. « Je revois la ville en fête et en délire suffoquant sous le soleil et sous la joie. »

Le public est de toute les nuances. En face de moi une foule massive, bruyante et grouillante. Je dévore des yeux les formations qui défilent. De part et d’autre de l’avenue la foule c’est agglutinée sur les barrières. Elle circule, elle vit. Des groupes de jeunes en liesse montent et descendent chantant des chants de carnaval ou des compositions improvisées.

Dans l’air circule des confettis habillant celle-ci d’une dose supplémentaire de fantaisie. Les spectateurs affichent également des tenues aux accents carnavalesques. Des foulards colorés, des bijoux artisanaux parfois énormes égaient un paysage déjà très fantasmagorique. On rencontre des groupes de jeunes filles au mini short affriolant et aux allures un tantinet provocatrices.

Les carnavaliers offrent un spectacle jouissif, une cinquantaine de collectifs assurent le show. Un travail exceptionnel de réalisation a été accordé à la plupart des costumes. Les polynésiens martèlent l’air de leur Hakka et impressionnent par la taille et la multitude de leurs tatouages. Les groupes circulent dans les deux sens de l’avenue.

Le Brésil s’exprime à travers ses capoeristes et leurs danses martiales. La Chine engloutie l’asphalte avec ses dragons jaunes. Puis s’ensuit le Cap vert et ses chants portugais et ainsi de suite, Haïti, la Thaïlande, la Guadeloupe. La féérie tient le public en effervescence depuis plus de trois heures.

Perdu parmi cette masse, je croise Lilou, « je voulais voir l’évènement, j’en ai entendu parler à la radio. C’est une bonne initiative à mettre sur deux week-ends. On ne peut pas bloquer la route trop longtemps, du coup il y a des groupes qui ont rebroussés chemin ». Les percussions résonnent comme des canons dans Paris, on s’entend à peine.

Le public essaye tant bien que mal de s’approcher du défilé. C’est le cas de Thomas.  « C’est mal organisé, il y a des barrières de partout on ne peut pas circuler donc c’est un défilé plus qu’un carnaval. Mais bon, mon petit bonhomme sur mes épaules a pu voir les groupes dans leur tenue. Il était content de son après midi c’est le plus important pour moi. C’était mon premier carnaval tropical à Paris. Bah, je préfère vraiment courir le vidé [liesses populaires, auxquelles tous les habitants participent. C’est également une sorte d’accélération des carnavaliers. Les membres du groupe se mettent à courir tout en continuant à danser en rythme] dans mon ile chérie la Martinique ! »

Je suis emporté par la foule qui m’entraîne vers Emilie. « Franchement le mot carnaval n’avait pas sa place, c’était plutôt la parade d’outre-mer. L’idée des Champs était bonne mais vraiment pas à la hauteur. Les meilleures choses sont souvent les plus simples. Le parcours habituel Nation porte de Pantin m’a manqué. Un bon vidé il n’y a que ça de vrai. Le public doit être acteur et pas que spectateur. »

Il est 17h30 je m’engage vers le plus proche métro. Arrivé sur le quai je croise Elio qui tient à « souligner que les groupes étaient top : costumes magnifiques, danses, chants et percus top. Dommage qu’ils aient mis autant de barrières ! » Mais après avoir quitté les lieux, je me suis rendu compte que j’emportais avec moi un souvenir sensoriel. Les tambours résonnent encore dans mon esprit.

Julien Trésor

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