FESTIVAL DE CANNES. D’abord connue sous le pseudo de M.A. Donn avec sa mixtape Faut qu’ça sorte (2009), la rappeuse marseillaise Maha est l’une des figures de proue du second long-métrage de Djinn Carrénard, Faire l’Amour, film d’ouverture de la Semaine de la Critique 2014. Interview.

Comment s’est passée ta rencontre avec Djinn Carrénard ?

Maha : J’ai rencontré sa compagne Salomé Blechmans au Maroc, au cours d’un voyage, et j’ai travaillé avec elle sur plusieurs clips. J’ai rencontré Djinn Carrénard lorsque j’étais enceinte de mon premier enfant. J’ai fait partie de l’aventure Donoma en tant que « fan » – j’ai suivi l’équipe comme je pouvais – puis il m’a demandé de monter sur Paris pour participer à des ateliers car je n’avais aucune notion de théâtre. Mon milieu à moi c’est la scène, le studio.

Quel lien fais-tu entre hip-hop et cinéma ?

Le message qu’on veut faire passer et la difficulté à être là où on nous attend, à dire ce que l’on veut nous faire dire. Dans la musique aussi, nous sommes dans des cases, des tiroirs, il ne faut pas dire ça comme ça, il faut arrondir les angles… Il y a un rapport à la liberté d’expression. Dire les choses comme on l’entend, avec nos mots, sans avoir personne pour nous dire comment les dire.

Qu’est ce qui t’a donné envie de jouer dans Faire l’Amour ?

Le synopsis me parlait. Je joue Kahina, une détenue qui est en permission pour retrouver son fils. Etant donnée que je suis maman, je me suis rapidement mise dans la peau d’une personne à qui l’on empêche de voir son fils et ça m’a tout de suite parlé. Le fait d’avoir fait du rap, d’avoir un caractère, du cran, a fait qu’une part de moi – même si ce n’est pas du tout ma vie – se reconnaissait dans ce personnage. Il y avait aussi l’envie de jouer avec Djinn parce que Donoma m’avait plu et que c’était une nouvelle expérience. Au fur et à mesure des ateliers, j’ai pris du plaisir à jouer alors que je n’y connaissais rien. Djinn est très libre, j’aime ça. On s’est tout de suite entendu sur l’indépendance, la liberté, l’autoproduction… Nous partageons vraiment ce rapport-là à l’art.

Le film a été tourné entre Perpignan et Paris. Que penses-tu de ce déplacement d’épicentre ?

C’est bien.  Ca amène de nouveaux décors. Les rues de Paris, on les connaît, on les voit, on les revoit toujours. Perpignan est une chouette petite ville donc c’est bien. Avec un peu d’accent du Sud (rires). Le cinéma marseillais, il n’y en a pas beaucoup alors on ne l’entend pas. La vie à Paris est quand même dure. Par rapport au climat, aux immeubles, au béton, il n’y a pas d’horizon, il n’y a pas l’air marin (rires)… Cela nous a permis de travailler différemment avec davantage de temps et d’espace.

Comment s’est passé le tournage ?

Nous avons tourné sept à huit semaines à Perpignan fin 2012 puis quelques semaines à Paris. Djinn, c’est un magicien. Nous avons travaillé sur un schéma d’improvisation. Une fois de plus c’était très libre – dans notre manière de parler, les rebondissements – mais très cadré puisque nous ne devions pas sortir du schéma d’improvisation. Tout était à l’improviste. La veille, nous ne savions pas ce que nous allions faire le lendemain. Quand nous arrivions, nous ne savions pas ce qui nous attendait : cela apportait un côté très spontané. En trente secondes, il fallait se plonger dans le jeu. C’est ça qui est fort et qui diffère du schéma classique où le scénario est appris et répété. Djinn a un côté très humain. Il arrive à faire sortir de nous des choses incroyables et a l’art de diriger les comédiens. Il est très talentueux.

C’est ta première apparition au cinéma. Comment t’es-tu approprié ce personnage ?

Kahina est un personnage violent. C’est une fille torturée, qui a un passé et une enfance peu chouettes. Elle a été séparée de sa famille, a été placée en famille d’accueil, est tombée enceinte d’un mec qui l’a lâchée, a accouché en prison et est séparée de son enfant. Elle n’a pas une vie de rêve, elle ne fait pas envie. Mais elle a une hargne, elle fait tout pour retrouver son fils même si cela ne se passe pas comme prévu. J’ai dû travailler sur l’énergie, les nerfs, les cris, le combat perpétuel contre soi-même. J’ai travaillé les crises de nerf, fait beaucoup de sport et heureusement, j’avais mon fils le soir pour sortir de cet univers-là. Mais le matin, il fallait replonger dedans. C’était physiquement éprouvant. J’ai fait le travail sans me demander si ça allait plaire, choquer ou prendre. Dans la musique, j’ai fait pareil. Je ne suis pas dans une démarche commerciale.

Que penses-tu de la sélection de Faire l’Amour à la Semaine de la Critique ?

Wahou ! C’est la sélection de la presse donc cela va accompagner la sortie du film, c’est magnifique. On ne pouvait pas rêver mieux. La sélection officielle, c’est une chose, mais pour un deuxième film, nous avons de la chance. Le fait de faire l’ouverture… C’est génial. Après, en bien ou en mal, les gens en parleront. C’est un film qui interpelle et ne laisse pas indifférent.

Propos recueillis par Claire Diao

Faire l’Amour de Djinn Carrénard, France, 2014, 2h45, programmé en Ouverture de la Semaine de la Critique 2014. Avec Maha, Laurette Lalande, Despo Rutti, Saul Williams… Sortie nationale le 3 septembre 2014.

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