Ecrivain (auteur de roman policier), Mouloud Akkouche a publié sa première nouvelle Causse-toujours ! (collection Le Poulpe) en 1992. Aujourd’hui, il tient un blog sur Mediapart. Cet été, nous vous proposons de lire sa chronique hebdomadaire, des tranches de vie, qu’il raconte ici sur le Bondy Blog. 7/ 9
 
« Le désir est ma voie et la tempête ma boussole
En amour je ne jette l’ancre dans aucun port.
Mon corps est le voyage et je m’éteins si je demeure.
La nuit j’abandonne la plupart de moi-même
Puis je me retrouve et m’étreins passionnément au retour.
Je suis la jumelle du flux et du reflux…»
Joumana Haddad (extrait du poème « Le désir est ma voie »)
Sur mon balcon, je fume en regardant la ville à mes pieds. Et légèrement plus loin, mon alliée de toujours. Irréductible,comme je rêve de l’être. Avec elle, je sais que je suis incapable de perdre.  Mourir est possible, pas d’être vaincue. Chaque mot écrit ou affirmé est déjà une victoire. Ainsi que les cheveux sur mes épaules autorisant la caresse du vent. Dieu a perdu contre moi. La folie des  hommes aussi. Je serai à jamais une femme invincible.
Et fidèle à ma mer.
Parfois, les hommes voulant réduire les femmes au silence réussirent à me soumettre. Notamment quand ils étaient en groupe dans la rue, leurs regards lourds posés sur moi. Pas le regard d’homme sur la beauté et l’érotisme que les corps de femmes et d’homme peuvent offrir. Non, des yeux d’esclavagistes. Croisant leurs regard sans lumière, il m’est arrivée de fixer le trottoir. Soumise. Juste en apparence. Les yeux baissés pour ne pas perdre la vie. Jouer le jeu, leur laisser croire qu’ils avaient gagné. Alors qu’ils avaient tout perdu. Leur perte écrit sur leur visage. Le monde ne peut loger dans un regard aussi étriqué. Des yeux d’hommes sans horizon.
L’éducation et la culture n’arrêtent pas les balles des barbares. Mais elles sont des armes de construction massives de soi. Sans elles, je serai devenue une ombre. Sans liberté, ni rêves à vivre. Une femme ombre. Pas qu’une combattante pour le droit des femmes. Ces armes m’ont transmis aussi le goût des arts. Et du doute. Pas un jour sans une nouvelle interrogation. Grâce à elles -à cause pour mes parents qui ont peur pour moi-, je suis devenue aussi une artiste.  La poètesse la plus connue du pays.
Et la plus haïe. Encore plus détestée que les poètes de sexe masculin. Même ceux qui partagent les mêmes combats que moi sont moins honnie que moi. Femme poète, double peine. La douleur comme compagne. Mais aussi toutes les joies multiples égayant le quotidien. Sans oublier le plaisir des sens. La musique de mon corps.
Bien sûr, je sais que des regards sont braqués sur moi en permanence dans la ville. Une cible qui ne se cache pas. Ni son corps, ni ses idées. Tout le monde sait où je vais me rendre dans deux jours. Ouvrir la conférence méditerranéenne des droits de la femme par une  lecture de mes poèmes. Avec d’autres hommes et femmes, sans doute aussi inconscients que moi, nous avons organisé cette rencontre chez nous. Dans notre ville. Un pieds de nez aux tueurs d’étoiles.
Pas grand chose face au rouleau compresseur de la bêtise qui parcourt notre pays. Une petite lumière contre cette colonisation de l’ombre sur la lumière. Se battre contre une olonisation plus difficile à combattre car venue de l’intérieur.  Une obscurité qui ne sert d’ailleurs pas que les intérêts des «fous de Dieu » dévastant des patries entières. D’autres individus ou groupes, ici ou ailleurs, se nourrissent sur le dos de la bête sanguinaire. Certains l’alimentent même pour pouvoir prospérer. Engranger les bénéfices géopolitiques, financiers, loin de la barbarie. Loin de mon quartier de bord de mer.
Mon nom figure en bonne place sur leur liste. La liste des hommes et femmes refusant de se plier. Un des amis de mon père, très pieux, a entendu un prêche poussant à assassiner «  La poète du diable». Le surnom dont m’ont affublé les intégristes. Il m’a prévenue de me méfier. Si tous les musulmans étaient comme cet homme, mes idées, mon corps, ne seraient pas devenus des objets à abattre. A partir de ce prêche, un homme pouvait  surgir chez moi ou dans la rue pour me tuer. Le danger partout autour de moi.
Au début, j’avais refusé la protection de la police. Me battant pour que mon corps, celui de toutes les femmes, nous appartienne de la naissance à la mort, je ne voulais  pas qu’il ne circule qu’accompagné. Même une protection bienveillante. L’assujettissement commence par ce genre de protection. Hors de question. Jusqu’au jour où ma voiture fut brûlée, ma boîte aux lettres remplie de tracts haineux. Impossible de faire autrement, à moins d’offrir ma vie à ces assassins sanguinaires. La police plaça deux hommes en permanence à l’entrée de mon immeuble. Je ne sors jamais sans protection. Moi qui aimais tant me promener seule, écrire et lire au bord de la mer. Je ne sortais plus qu’en laisse.
Depuis, je ne suis libre que dans cette maison. Pour écrire et y rencontrer qui je le décide. La plupart de mes visiteurs sont mon éditeur, mon  assistant à la radio où je lis des poèmes deux fois par semaine,  et les membres de mon association «  Femmes d’horizon ». La famille et les vieux amis revus uniquement au gré de Skype. Assignée à résidence. Un bel appartement avec vue sur la mer.
Une prison de luxe.
Ce matin, il fait très beau. Une belle journée pour aller à la mer. Pas pour moi coincé depuis une semaine dans cet appartement. Interdiction de bouger. Faut que je sois présent nuit et jour.  Quelqu’un m’apporte mes repas. Chef (pour pas être reconnu, il veut pas qu’on l’appelle autrement)m’a installé  ici car je suis le meilleur tireur du groupe. Un honneur pour moi de tuer «  La poète du diable ». Les autres sont  jaloux. Ils disent que je suis trop jeune pour faire ce travail. Je sais bien que tous me prennent pour un idiot. Ils se moquent de moi et m’appellent le gosse. Certains disent même que je suis un âne. Ils vont voir. Je vais leur prouver ce que je vaux. Et faire honneur à Chef. D’autres groupes concurrents veulent aussi la mort de cette femme.
L’empêcher d’assister à sa conférence.
Avec la lunette de mon fusil  et les jumelles, je peux la surveiller même la nuit. Presque comme si j’étais dans son appartement. Depuis que je suis là, j’aurais pu la tuer je ne sais combien de fois. Elle est souvent au milieu de la cible. Mais Chef   a décidé de  la tuer que demain  matin, juste avant qu’elle parte à  la conférence. Car les télés du monde entier seront dans la ville.  Tout le monde en parlera. Grâce à sa mort ce jour là, notre groupe va devenir le plus important du pays. Et je sais que moi je vais prendre du grade. Chef m’a promis. Il tient toujours ses promesses.
En ce moment, elle déjeune dans sa cuisine. Quelle honte !  Elle vient de prendre sa tasse de café et s’installer sur son balcon. Indigne d’une femme. Elle est habillée d’une robe très courte.  On voit tous ses cheveux et ses jambes. Même le reste qaund elle bouge. Assise sur un fauteuil, elle se vernit les ongles. Dire que je peux lui exploser sa tête comme une pastèque. Lui faire payer son affront. Dommage que je peux pas tirer maintenant. La tuer au moment où elle se fait belle.
C’est vrai qu’elle est très belle. Jamais vu une femme aussi belle. Elle me…. Je sais très bien que je dois pas penser à ça. C’est qu’une putain qui veut dévergonder les jeunes. Des jeunes comme moi. J’ai jamais touché une femme. Chef m’a promis qu’il m’en trouverait une bien pour que je me marie. Avec lui, je sais qu’elle sera vierge. Que pour moi, pour personne d’autre. Comme elle en ce moment. J’ai l’impression qu’elle est qu’à moi. J’ai le droit de vie et de mort sur cette femme. Elle a moi tout seul. Son dernier souffle est pour moi. C’est un peu comme ma première femme.
Sans doute Satan qui essaye de me sortir du droit chemin. Il veut me faire oublier pour quoi je suis là. Nettoyer par le sang toute la honte que cette femme jette sur nous tous. Pire que du blasphème. Au nom de Dieu, je dois la tuer. Faut pas penser à autre chose ? Je suis pressé d’être à demain. Terminer tout ça.
Elle doit périr.
Ma cigarette à la main, je souris. La fenêtre de ma chambre ouverte laissait entrer l’air encore chaud. Son corps contre le mien. Nos souffles mêlés aux bruits de la ville ,et au ressac de la mer perceptible à certains moments. C’était un homme rencontré à une soirée de poésie quelques semaines avant. Mon dernier amant du moment.
Combien d’hommes dans ma vie ? Je ne sais plus. A mon premier mariage, j’ai su tout de suite compris que je ne pouvais être la femme d’un seul homme. Très vite, je suis allée voir ailleurs. Notre mariage implosa. Mon mari, mes parents, le reste de la famille, mes copines, me déconseillèrent de divorcer. Une femme divorcée était mal vue. Je n’avais pas lâché l’affaire. Contre vents et marées, je réussis à divorcer. Pour ne plus me marier. Ni cohabiter avec un homme plus d’un ou deux jours. Chacun chez soi. Ne se voir que pour le plaisir. Rien de tel pour deux êtres.
Faire l’amour est pour moi aussi indispensable qu’écrire. Vital. Besoin de jouir entre les bras d’un homme, parfois aussi seule. Peu après mon premier orgasme, j’ai su que la jouissance physique était d’une grande importance pour moi. Aussi importante que celle de la création artistique. Ma chasse gardée.
Et, même dans un pays de plus en plus sous domination intégriste, j’ai toujours protégé ce territoire. Seule à décider de quel homme me ferait jouir. Maîtresse à perpétuité de mon corps.
Je lui caresse l’épaule.
J’ai peur.  Honte de ce j’ai fait. Comment me regarder dans un miroir après ça. Pourtant je sais  bien que ça se fait pas. Comment je vais regarder Chef ? Sûr qu’il va voir dans mes yeux que j’ai fauté. On dirait un sixième sens. Il voit les choses que les autres voient pas. C’est foutu. Il va me découvrir. Qu’est-ce qui va se passer après ? Je regrette.
Pourquoi j’ai regardé ? C’était plus fort que moi. Ils étaient tous les deux dans la chambre. Y avait une  petite lumière sur la table de nuit. J’ai tout vu. Plusieurs fois, j’ai fermé les yeux et posé les jumelles. Penser à autre chose. Ne pas les regarder se… Mais je reprenais les jumelles. Je savais bien que c’était mal. Très mal. J’avais envie de les voir. Plus fort que moi. Première fois que je voyais une femme entièrement nue. C’est vrai qu’elle est belle. Sa peau doit être douce. Très douce.
J’ai fauté. Quelle honte pour moi s’il l’apprend. Faut pas que je lui dise. Il peut se mettre très en colère. S’il le sait, je sais pas comment il va réagir. Sans Chef, je suis rien. Une larve.
Je lui ai jamais menti.
Quand il est sorti de l’appartement, je n’arrivais pas  à trouver le sommeil.  Pourtant il aurait fallu que je dorme un minimum pour attaquer cette journée très importante. La réunion de femmes méditerranéennes et d’ailleurs pour trois jours de rencontres. Politiques, cinéastes, écrivains, artistes de toutes disciplines, sociologues…  Des femmes venues de partout pour dialoguer entre elles de leurs luttes et conditions de vie,  survie pour certaines. Chaque fois que je fermais mes paupières, la machine à questions se mettait en branle.  Je m’étais levée  pour boire une boisson fraîche. Ma cannette à la main, je  m’étais installée à mon bureau. Un poème au bout des doigts.
Les mots venaient vite, très vite.  J’avais l’impression qu’ils sortaient directement de mon corps pour se mettre à courir sur l’écran. Un jet inépuisable. Mais très sombre. Parfois, j’aimerais parler d’autre chose. Ne pas remuer cette boue et ce sang qui irriguent notre présent depuis tant d’années. Pouvoir raconter de belles histoires. Des poèmes d’amour. Je sais que ces jolies histoires sont encore en moi. Elles n’ont pas déserté mon être.
Leur volonté est d’assujettir la beauté. Celle des corps, des âmes  et des œuvres d’art. Toute la beauté plus proche de leur Dieu qu’eux ne le seront jamais. Ils veulent aussi tuer le rire. Comme d’autres femmes et hommes,  je suis chargée jusqu’à la gueule de rires. Des rires de l’enfance à ceux d’aujourd’hui. Sans oublier l’humour, la sortie de secours de toutes les douleurs.  Une porte invisible qu’ils ne pourront pas verrouiller. Seule à pouvoir l’ouvrir.
Ils ne peuvent atteindre tous les bonheurs enfouis au fond de moi. Ses soleils bien cachés sous ma peau. Ils réchauffent l’intérieur de mon être, repoussant le froid de la bêtise et la haine.  Lumière et chaleur camouflés en attendant des jours moins sombres. Les moment où ces soleils vont éclore à travers mes pores. Venir effacer la nuit de mon regard. Et des nuits de toutes les femmes victimes de ces barbares. Pouvoir à nouveau être des femmes libres. Et joyeuses.
M’exiler loin de cette folie ?  J’aurais pu quitter le pays. Comme mes parents, mon ex mari, nos enfants, et nombre de mes amis. Vivre et écrire ailleurs. Sous des cieux plus cléments. Je n’ arrive pas à me résigner à partir.  Pourquoi continuer de me mettre ainsi en danger ? Je n’ai pas vraiment de réponse rationnelle. C’est plus fort que moi. S’exposer à la mort pour une telle futilité agace mon père. La vie ce n’est pas de la poésie. Arrêter de jouer à la petite fille têtue. Il avait raison sur mon entêtement. Quand j’avais une idée, je n’en démordais pas. Trop orgueilleuse pour reculer.
Tout ça pour ne pas la laisser seule. Elle m’a toujours nourrie, jamais absente quand j’avais besoin d’elle. Impensable de l’abandonner. Elle rafraichit mon regard.Et parfois plus, chez des amis dont la villa donne sur une crique privée. Se déshabiller furtivement dans la nuit, sentir mon corps pénétrer dans l’eau. Lodeur de l’eau salée sur ma peau.
Nager nue sous les étoiles.
Dans moins d’une heure, tout ça ce sera fini. Elle sera morte dans sa chambre ou son salon.  Jamais elle grimpera dans la voiture qui l’attend en bas de son immeuble. La police a pensé a sécuriser tout le trajet. Des militaires sont postés à tous les carrefours. Jamais ils auraient pu penser que notre groupe louerait un appartement dans ce quartier de mécréants. Une idée de Chef. Je hais les gens de ce quartier. Ces riches qui se foutent des pauvres comme nous. Ils pensent qu’à eux. Pas comme les gens de notre groupe qui aident toujours ceux qui ont le moins. Tendre la main aux plus pauvres. Quand on aura gagné, nous aussi on habitera dans ces beaux appartements.  Fini la pauvreté pour nous. On pourra être heureux entre nous. Tous pareils et égaux sous le ciel de Dieu.
Les deux hommes du groupe qui s’occuperont de la vidéo sont arrivés avec le matériel. Les caméras et tous les autres trucs étaient planqués dans des valises. Pas des gars très bavards. Ils vont filmer en direct son exécution. Pour pas qu’un autre groupe dise que c’est lui qui a tué la «  La poète du diable». Après ça, on va être encore plus respectés. Chef tient beaucoup à la réussite de l’opération. C’est lui qui a tout organisé.  Il va pouvoir être fier de moi.
Quand même, j’ai toujours trouvé bizarre ces vidéos. Normalement, la religion les interdit. En tout cas, c’est ce que m’a appris Chef. Un soir, je lui en avais parlé. On était seuls tous les deux dans la salle à manger. Il avait froncé les sourcils et gratté sa barbe comme souvent quand il réfléchit. Un homme qui a beaucoup voyagé et sait plein de choses sur le monde. Il m’a juste dit que c’était comme ça, qu’il fallait pas réfléchir. Et agir.
Lui sait ce qui est bon ou mauvais.
Sans cet homme, je serai rien du tout. Peut-être même mort de faim. Quand toute ma famille a été tuée par l’aviation américaine, ma maison complètement détruite, il m’a hébergé chez lui. Sans me poser de questions. J’avais 12 ans.  Personne chez qui aller. Triste et enragé à vie.  Il m’a élevé comme l’un de ses fils. Et tout ce que je sais aujourd’hui c’est lui qui me l’a appris. Même le maniement de ce fusil. Il a tout fait pour moi.
Je ferai tout pour lui.
Trois coups à la porte. Puis un silence et cinq autres coups. Le code pour mes visiteurs.  Par précaution, je regarde toujours par l’œilleton. Un des hommes chargé d’assurer ma protection se tient devant ma porte. C’est lui qui doit  me prendre en charge jusqu’à la salle de conférence.
J’ouvre et lui demande de m’attendre dans le salon. Sans un mot, il s’assoit sur la canapé. Je retourne sur le balcon. Assise, j’aperçois la voiture qui va m’emmener. Un véhicule blindé. Plus loin, deux autres voitures de flics. Ils ont mis le paquet. Pas envie d’être ridiculisée par des terroristes devant le monde entier.
Faut me dépêcher. Comme à chaque  fois, je termine au dernier moment. Jamais simple pour moi de mettre le mot sur mes poèmes. Eternelle insatisfaite.  Sans doute pas la seule poète à sentir un tel sentiment d’inachèvement. L’impression qu’un autre mot aurait être préférable. Une autre phrase. Echouer encore, échouer mieuxcomme écrivait Samuel Beckett. L’un de mes auteurs de référence. Pas le temps de penser à tout ça. On m’attend.
Un craquement de parquet derrière moi. Je me retourne. Mon cerbère se dirige vers moi. Sans doute impatient que je termine. Je lui fais un geste pour lui indiquer que je suis prête et me lève. Il affiche un sourire satisfait. Je revérifierai mes écrits sur la route. Ultime correction. Où ai-je mis mon manteau ?
Soudain, mon protecteur brandit  une hache. Une grimace tord ses lèvres. Je me recule et hurle. Il se jette sur moi. Je trébuche. Il  me plaque sur le sol du salon.
Sa main verrouille ma bouche.
_ Tu vas périr !
L’avion amorce sa descente sur l’aéroport de Rome. Quel était le tireur qui m’avait sauvé la vie? Croyante, j’aurais pu y voir la main de Dieu. Aurais-je le fin mot de cette histoire ? Connaître le nom de mon sauveur ? En attendant, je lui ai dédié l’un de mes poèmes. Celui de mon départ. Le dernier rédigé dans ma ville natale.
Comme tous les autres, j’ai fini par fuir. M’éloigner d’elle. Abandonner ma mer. Celle de mon enfance jusqu’à aujourd’hui.  Je reviendrai. Elle et moi avons besoin l’une de l’autre. Ma sœur d’eau salée. Et je pense à toutes les autres sœurs de chair et d’os abandonnées à leur sort. Contrairement à moi poètesse et à d’autres personnalité publiques, elles ne bénéficient d’ aucune protection ni quelconque reconnaissance. Pourtant, certaines d’entre elles oeuvrent au quotidien contre l’obscurité. Un combat de l’intérieur. Femmes invisibles qui nous donneront la victoire. Insoumises comme notre mer.
La haine et la bêtise des hommes ne gagneront pas toujours. Le travail pour le retour de la lumière n’est pas fini. Comme d’autres, je continue avec mes seules armes. Certes dérisoires. Avec les mots d’une poétesse blessée, jamais éteinte. Libre des pieds à la tête. Plongée dans le flux et le reflux de la vie.
Une femme incapable de perdre.
 
Mouloud Akkouche

Articles liés