Quelque part au bord de la mer Noire. Un poumon vert tant ses forêts respirent de fraîcheur et pourtant…
Sortie de l’école, 5 sœurs aux cheveux longs rentrent à la maison. Sous un ciel plein soleil, elles décident de longer la plage et s’y baignent avec des copains. Petite scène innocente et malicieuse à la fois, où l’on goûte à l’eau fraîche et à la liberté. Juste un peu. Une voisine, ladite Petek, les surprend et le moment de bonheur les noient dans un déluge de désillusions.
Ces nymphes aux regards profonds poussent et, indomptables, se voient condamnées à la piété dans une maison devenue l’espace de quelques battements de cils une prison dorée. Obligées de troquer leurs shorts en jean lolita pour des robes informes couleur « caca » pour citer la jeune héroïne Lale, ces jeunes filles élevées par leur grand-mère, deviennent juste bonnes à marier.
Au menu, atelier de couture et cours de cuisine avec les mamas du voisinage. La préparation des fameux « yaprak dolmasi », les feuilles de vignes farcies au riz et à la viande hachée, est un passage obligé. Des sushis version turque en somme. Apprendre à devenir une épouse idéale et combler sa future moitié, désirée ou inconnue. Dans un village où seul le mariage est vecteur d’accomplissement de soi.
Ces conditions posées, on pourrait se dire, tiens encore un film cliché. Or loin de céder aux stéréotypes et à la langueur de Virgin Suicides, elles incarnent la joie de vivre et explosent à l’écran par leurs vitalités et rires communicatifs. Héroïnes des temps modernes, elles crachent dans les cafés des prétendants et ne loupent pas une occasion d’imposer le jeu, comme lorsqu’elles s’échappent pour assister au match de foot de Trabzonspor. Moment jubilatoire.
Les séquences sont rythmées et les images suaves dans un espace pourtant restreint avec comme seul point de repère le domicile familial, qui s’effrite avec le temps. L’oncle soi-disant pieux devient détrousseur à ses heures perdues. Symbole d’une société ambiguë qui jongle entre traditions et désirs d’émancipation. Avec l’aide d’un marchand de fruits et légumes, deux d’entre elles parviennent à s’échapper pour rejoindre l’autre côté, Istanbul la rebelle. Quant aux autres…
Ozlem Unal

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