Quand je pense à tous les théâtres et à la kyrielle de pièces que j’ai encore à découvrir en Seine-Saint-Denis, j’ai la certitude d’être heureuse de longues années encore. Car s’il est vrai que l’homme vit de pain, il a aussi besoin d’une nourriture tout aussi solide mais spirituelle pour souffrir plus sereinement les vicissitudes d’une vie mise en péril par tous les risques naturels et technologiques qui peuvent la menacer. Les malheurs des Japonais en témoignent. Il y a quelques jours de cela, j’ai découvert un nouveau théâtre que je n’avais encore jamais fréquenté en Seine-Saint-Denis : le théâtre Gérard Philipe. Plus qu’un théâtre, il est question d’une institution culturelle à taille humaine où tout est fait pour séduire le public.

La semaine dernière, j’y ai assisté à un opéra. Oui, un opéra en Seine-Saint-Denis ! De fort bonne qualité, de surcroît ! C’était Le Couronnement de Poppée, opéra de Claude Monteverdi, mise en scène par Christophe Rauck – directeur dudit théâtre – et dont la direction musicale était assurée par Jérôme Corréas. Les opéras, il m’en est donné d’en voir au maximum deux par an et, en général, le prix correspond au décuple du tarif pratiqué au théâtre Gérard Philipe. Premier point pour lui !

Ce soir-là, une comédienne illuminait et hypnotisait particulièrement la salle ébahie : Valérie Gabail alias Poppée, maîtresse de l’empereur Néron sur le point de répudier son épouse légitime, Octavie, pour contracter un nouvel hymen avec son amante. Plusieurs jours après ce spectacle, je me rappelle encore la sensualité de Poppée parée d’une robe blanche qui accentuait sa douceur.  Je me rappelle aussi la détermination du couple à sceller, coûte que coûte, leur union adultérine. La musique baroque, la voix puissante et ensorceleuse des sopranos ajoutaient encore à la beauté de cet opéra à la scénographie simple mais pertinente : des étoffes blanches, bleues ou encore rouge garance signifiaient les lieux où se déroulaient les scènes ; tantôt sous une tente, tantôt au clair de lune, tantôt chez Sénèque, le philosophe et ancien précepteur de Néron.

Je me souviens encore de l’humour dont le spectacle était imprégné : Amour, tout de noir vêtu, avait ses « attributs » ridiculement petits mais bien visibles car placés sur et non dans son habit. Dans une atmosphère de grâce, d’allégresse et de passion dont Octavie fait les frais, on découvrait un Néron à la fois amoureux, tendre et cruel en contraste avec la description habituelle de l’empereur où la violence l’emporte sur les sentiments. Le théâtre Gérard Philipe a offert aux Séquano-dyonisens le privilège de voir un excellent opéra unanimement salué par la critique.

Du 18 mars au 08 avril, s’y déroule par ailleurs un festival : « Autour de vi(ll)es ». Sur ses planches, on verra donc des représentations théâtrales, de la danse, de l’acrobatie et un théâtre d’objets. Une rumeur rapporte que ce théâtre d’objets, «  Les fenêtres éclairées », joué par la compagnie Turak, mérite le détour. Avec des objets du quotidien (vêtements, manche à balai, chiffon, etc.) devenus des marionnettes, elle réussit à créer des personnages dont les travers, les petites manies et les qualités ressemblent étrangement aux nôtres. Bonne humeur et amusement garantis. Mais chut, ça reste entre nous !

Le festival propose cinq spectacles dont le point commun est le désir de témoigner, avec la force et la véhémence des mots et du corps, de notre quotidien fait de combats, de résistance et d’espoir. Il est temps de connaître ou de redécouvrir ce que les salles de spectacle du 93 concoctent pour vous chaque semaine. Le théâtre est un dissolvant de la tristesse, encore faut-il qu’on se donne la peine d’y aller !

Gaëlle Matoiri

Festival Villes – Du 18 mars au 08 avril 2011 – Tarif : de 6 à 20 euros

Théâtre Gérard Philipe – 59, boulevard Jules Guesde – 93200 Saint Denis – Métro ligne 13, station Saint-Denis Basilique ou RER D, station Saint-Denis

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