« Je suis ensevelie, emmurée dans le silence et l’oubli dans les dédales d’une mémoire muette ». Kiyémis annonce la couleur dès les premiers mots de son recueil de poèmes. Des vers, en prose ou en rime, un cri du cœur, si profond et puissant. Au fil des pages, un engagement et un hommage aux pionnières de l’afroféminisme tombées dans l’oubli, mais également un écho aux luttes et aux combats actuels.

Du haut de ces 20 ans, la militante afroféministe aborde art et politique avec une facilité déconcertante.

« J’ai oublié, je n’ai jamais su »

Les sentiments se bousculent, se chamboulent d’une page à une autre, d’un poème au suivant. La colère nous traverse à la lecture de « Nuit incendiaire », puis place à l’amour maternel dans « Les soupirs de nos mères ». Qu’importe son origine, son histoire personnelle, son vécu, sa sensibilité ou non au féminisme ou à l’afroféminisme, les mots touchent et restent.

Dans chaque vers, l’auteur nous fait voyager dans son questionnement qui devient le nôtre, dans sa quête autour de ses origines et de ses racines. Connaître l’histoire de nos semblables, ne jamais oublier ou encore tout simplement se rappeler. « J’ai oublié, je n’ai jamais su ». Kiyémis fait référence à nos langues d’origine qui se perdent parfois d’une génération à une autre. C’est un sentiment que je partage avec l’auteure, cette lutte pour ne pas s’oublier soi-même, ne pas oublier son passé et son identité. « La mer me rejette à des côtes auxquelles je ne peux m’arrimer. Sur quelle terre puis-je poser mon front, Sentir l’étreinte maternelle d’un foyer, Au sein duquel ma place ne sera pas discutée ? » Des paroles que peut ressentir n’importe quel immigré. Des paroles que j’ai partagées avec l’auteure.

Ces émotions, la blogueuse les assimile à un besoin de révolte, un besoin de changer les choses qui vibre de colère dans chacun des vers, une colère ancestrale traduite en rimes, une colère héritée d’une histoire coloniale.

Ma part du monde

L’autre sujet qui domine ce recueil est incontestablement la femme : hommage à « la femme poteau », une femme qui est la colonne protectrice, le pilier fondateur d’un foyer. Une femme qui veut sa part du monde.

Kiyémis défend aussi les femmes noires, celles qui sont dénigrées au quotidien : les niafous, les négresses, les noirtes auxquelles elle dédie ces vers. « Regarde-nous résister […] regarde-nous danser, prendre toute la place… Regarde-nous dompter le ciel ».

Le recueil apporte tout de même une touche d’espoir, « une joie inespérée, qui purifie mon âme troublé, écarte les nuages de ma couleur ». Et se termine en beauté par ces mots : « Afrodescante, afropéenne, afroféministe. Afro. »

Célia KADI

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