« Cher monsieur, Je me permets de vous écrire pour vous remercier. J’ai terminé votre enquête « 80 % au bac ». C’est un livre qui m’a à la fois ému (j’ai souvent eu les larmes aux yeux) et mis en colère (contre moi-même). C’est incroyable à quel point les vies que vous avez décrites ressemblent à la mienne. D’ailleurs je dois dire que la lecture était parfois pénible car c’est dur de se voir dans un miroir. En tout cas, j’ai appris beaucoup sur ma vie et cela va sûrement m’être utile pour mon avenir ». Younes Amrani, emploi jeune dans une bibliothèque de la banlieue lyonnaise raconte à Stéphane Beaud comment il a dû abandonner ses études d’Histoire, perturbé par une vie mouvementée. Le sociologue l’amène alors très subtilement à dévoiler son parcours et à expliquer point par point les étapes qui l’ont conduit à cet échec. Ses rapports avec la cité, sa famille, les filles, les barbus. Ce livre épistolaire en dit plus sur la banlieue que beaucoup d’enquêtes sociologiques et il explique parfaitement les incertitudes devant lesquelles se retrouve un jeune tiraillé par sa double identité.

Pays de Malheur ! Ce titre m’est revenu à l’esprit un matin alors que Idir Hocini, l’un de nos blogueurs, m’apprenait qu’il avait été retenu pour un projet de reportage de trois mois pour la télévision canadienne. Il devra sillonner le Québec et rapporter un maximum de sujets écrits et filmés pour le blog Müvmédia.com et sur Télé-Québec. Bien sûr, nous sommes ravis de cette merveilleuse nouvelle et pensons que pour lui, c’est une chance unique mais il reste malgré tout comme un goût d’amertume dans ce départ. Alors qu’il est actuellement en stage en Suisse, à la rédaction de L’Hebdo, Idir n’aura jamais réussi à intégrer une rédaction française, ne serait-ce qu’en tant que stagiaire ou simple pigiste. Et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Lorsqu’il avait reçu en janvier dernier le prix Panos pour son texte sur « Le Viking et l’Africain », je lui avais conseillé ironiquement de dire à la tribune qu’il était très honoré de recevoir ce prix mais qu’il le serait davantage si on pouvait lui proposer du boulot. Titulaire d’un DEA d’Histoire, il s’est découvert une véritable vocation pour l’écriture et recherche depuis plus d’un an à travailler dans ce domaine.

Alors corporatisme, manque de réseau, toujours est-il que notre Idir démarre une carrière de journaliste sous des cieux certes francophones, mais bien éloignés du Bondy qu’il aime tant. Puisqu’il n’est pas d’usage au Bondy Blog de s’immiscer dans les commentaires, je préfère par anticipation répondre à quelques-uns.

– « Idir y gagne au change. C’est une vraie chance de partir, les voyages forment la jeunesse ! » Vrai, mais encore faut-il avoir le choix de partir ou de rester.
– « Le métier de journaliste est dur pour tout le monde ! » Vrai, mais le travail d’Idir est reconnu en Suisse, au Canada et il a du mal à travailler en France.
Toujours est-il qu’ à l’heure où nous parlons, il y a des milliers de Idir qui partent, en Angleterre ou à Dubaï pour chercher le travail qu’on ne leur propose pas ici.

Alors la France, tu l’aimes et tu la quittes ?

Mohamed Hamidi

Pays de malheur !, Younes Amrani, Stéphane Beaud, Editions La Découverte

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