Ghetto Child est un film qui a été réalisé et tourné lors d’un atelier-ciné talent mené par l’association 1000 Visages. Il vient d’être fini en post-production. Nous avions suivi, été 2012, le déroulement du tournage. Comme leur court-métrage Le Commencement, projeté à Cannes en 2011, Ghetto Child est un film dont on devrait parler cette année. Sauf que cette fois-ci, c’est un long-métrage.

Ce n’était qu’un rêve. Se frayer un chemin dans les embouteillages du cinéma. Signer une œuvre, avec leurs noms en or. Vous n’y verrez aucune ex-miss météo ou ex-chanteur balourd. Ce ne sont pas des ex, ce sont des futurs. Ce qu’ils ont fait, ce n’est pas la énième comédie qui viendra pourrir les écrans de cinéma. Ni le énième film dramatico- dépressif joué par un comique sans talent, sans saveur. Là, c’est un film, un vrai, avec ses intrigues et points noirs.

Été 2012. Il y a presque deux ans. Ils viennent du 91, du 93, du 75, du 77, d’un peu partout. Ils ont été sélectionnés par l’association 1000 Visages pour assister à un stage : écrire un film, le jouer, le tourner. Ils étaient 18, en Vendée. Une aventure qui a duré trois semaines, à la Barre de Monts. Ce stage a été, finalement, une école sur le tas, pour des jeunes qui n’y connaissaient rien. Là-bas, ils ont passé leur temps à se nourrir d’images et d’éclats de cinéma. Il y avait cinq professionnels pour les accompagner : scripte, chef opérateur, ingénieur du son, monteur et metteur en scène. Le soir, ils regardaient des films, à l’ombre d’une Lune d’été. Ils se sont laissé infliger le génie des Gus Van Sant, Robert Bresson, Jean-Luc Godard et Sergio Leone.

Comme Michael Haneke, ils sont devenus des obsédés d’un plan-séquence bien monté, pas raté, tourné avec la logique et l’impatience. Ils devaient devenir des pros, faire émerger leur prochaine passion. Tout faire pour ne pas connaître l’ombre d’une perche sur un plan. Laisser leur vigilance redoubler en cas de faux-raccords, chacun son rôle, chacun sa place. A force de régler et de jouer avec les ondulations de la mixette du son, Dany s’est découvert un nouvel amour, « un univers à part ». Depuis cet été là, Djigui et Samuel, amis d’enfance de la Grande Borne à Grigny, ont été lauréats par la Fondation France Télévisions, grâce à des court-métrages qu’ils ont réalisés. Jessica, quant à elle, est au casting du prochain film de Céline Sciamma (réalisatrice de Tomboy autre autres).

Ils auront galéré, finalement. Passés leurs nuits dans les forêts obscures et leurs jours à tourner dans la moiteur de l’été. Sous l’œil attentif du réalisateur Guillaume Tordjman. Au montage, il a fallu couper et recouper tous ces instants de cinéma, pour en faire un film, Ghetto Child. La version finale est née, aux forceps. Dans Ghetto Child, Hana, Brigt et Djigui se sont mis dans la peau de ceux qu’on appelle les « mineurs délinquants ». Ils s’échappent du centre qui les enferme et se retrouvent nulle part. Ils sont arrogants et attachants. Et Ghetto Child est un film qui raconte cette errance.

La semaine prochaine, leur film sera projeté, pour la première fois, à la Fémis. À peu près le début d’une reconnaissance. Mathilde le Ricque et Sandrine Barrucand, responsables de l’association, espèrent trouver un distributeur pour ce film au discret portefeuille. « Faut avouer que le budget pour la post-production n’a pas été rapide à boucler« . Maintenant, Ghetto Child s’en va sur la route. À son tour d’errer, dans des festivals…

Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah

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« On va vous montrer du cinéma de haute gastronomie »

« Donnez le meilleur de vous-même, ça se verra à l’écran »
Enfants du ghetto en action

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