« Cet événement, on y a mis tout notre cœur ! », présente Ley, la fondatrice du projet Poetikartier. En cette première édition, son implication et son enthousiasme sont palpables. Au Dock B à Pantin, sous les luminaires et les guirlandes, les visiteurs découvrent les œuvres des artistes venus exposer.

Sur pan de mur, les œuvres de Loanne, jeune portraitiste, attire l’œil. « Je voulais représenter des personnes noires, avec des éléments qui sont vus comme péjoratifs », explique-t-elle. « Par exemple, avec des dreads, qu’on va considérer comme une coiffure peu hygiénique ou négligée alors que ce n’est absolument pas le cas. »

Un foisonnement d’idées

L’artiste Kleanbrushh a, lui aussi, voulu représenter des personnes noires, mais cette fois-ci, il ne s’agit pas de figures imaginées. Il peint Kaaris, Leto ou encore, Lou and the Yakuza. « J’ai voulu représenter des personnes de la communauté noire qui me parlent. Parfois, c’était pour exprimer ma gratitude envers eux. J’ai offert à Freeze Corleone le portrait que j’ai fait de lui par exemple. » Quant à sa technique, il privilégie souvent un fond noir, uni. « En faisant ça, j’imite un artiste que j’adore, c’est Johannes Vermeer. Je trouve que ça met en lumière les visages, ça les sublime », détaille-t-il.

Le but, c’est de créer une grande famille autour de l’art et de la culture !

L’événement est aussi l’occasion de créer du lien, d’échanger et de mettre en commun ses idées. « L’envie de créer ce projet m’est venue parce que je me rendais compte que je me sentais grave seule quand je créais, explique Ley. Je faisais de la peinture et de la photographie à cette période. Je me suis dit qu’il fallait vraiment un lieu qui pourrait nous réunir entre passionnés. Le but, c’est de créer une grande famille autour de l’art et de la culture ! » D’ailleurs, ce soir, certains artistes mettent en commun leur art et collaborent, comme Lina, violoniste, qui accompagne le chanteur Elias.

À l’origine, la musicienne a une formation classique. Mais elle s’inspire désormais de la musique algéroise chaabi, avec ses intonations rythmées et mélodieuses. Lina ne fait pas ça à temps plein. « Je suis juriste dans la vraie vie, explique-t-elle en riant. Mais j’essaye de partager ce que je fais sur les réseaux sociaux. » Certains chantent, d’autres déclament des vers, comme Ty, poète. Le jeune artiste s’inspire de Jack London et de Léopold Sédar Senghor pour écrire ses textes, mais pas seulement. « Je m’inspire aussi des récits de mon père qui vient du Congo. On y racontait des histoires autour du feu. J’essaye de donner cette oralité à mes textes, afin qu’ils puissent être contés. »

Aux détours des stands, on découvre également des objets exposés et mis à la vente. Wissam, 21 ans, conçoit notamment des tee-shirts. « Aujourd’hui, les gens vendent le textile comme s’ils étaient au fast-food. Moi, j’ai envie d’apporter une émotion et une histoire à travers ces vêtements. » Pour faire connaître cette histoire, il projette sur son stand un court-métrage, riche de métaphores, afin de raconter l’histoire des motifs imprimés sur le textile. « C’est l’histoire d’une quête identitaire que l’on retrouve sur ce tee-shirt », résume Ouissem qui ne veut pas être un businessman, mais un artiste.

La scène artistique des marges

Cet événement est le fruit d’un travail de longue haleine. Dans un post instagram, Ley, la fondatrice de Poetikartier, raconte : « On a eu très peu d’aides, zéro subvention. On avait juste le droit à “Faites vos preuves en tant qu’asso” ». Et pourtant, ce soir, l’événement est bondé, les gens se pressent et l’organisation semble parfaitement rodée. 

Aider de jeunes créateurs à s’insérer dans le milieu artistique

« Ça s’est surtout fait grâce à de jeunes passionnés. C’était dur, mais je ne regrette rien ! » Parmi les organisateurs, tous sont des amis de Ley, comme Alia, 18 ans, qui se réjouit du succès de la soirée. Elle espère que le projet va se poursuivre. « L’idée, c’est aussi d’aider de jeunes créateurs à s’insérer dans le milieu artistique ! » En effet, l’événement est une scène privilégiée pour permettre aux jeunes artistes de se faire connaître.

« C’est cool parce qu’on manque de représentation dans les quartiers. Ce genre d’événement, c’est super important ! », abonde Yacine, 19 ans, qui est venu visiter l’exposition. « Et puis il y a une super ambiance. » C’est vrai que l’enthousiasme est au rendez-vous. À chaque passage sur scène, les applaudissements fusent, les cris et les youyous. Ce soir, la scène est à la jeunesse. Ils ont tous plus ou moins la vingtaine et l’esprit festif de la soirée se ressent d’autant plus fortement. Cette exposition devrait être la première d’une longue série. « Ce n’est que le début », promet Ley.

Radidja Cieslak

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