Après avoir connu le succès avec sa comédie « Amour sur place ou à emporter », la comédienne, réalisatrice et humoriste Amelle Chahbi nous prend au dépourvu avec son documentaire « Pourquoi nous détestent-ils, nous les Arabes ? ». Les thèmes de l’identité, du vivre ensemble et de l’intégration des musulmans y sont intelligemment questionnés.

« On ne vient pas de banlieue, on vient d’ici ». Ici, c’est Paris. Plus précisément le centre de Paris où la comédienne et humoriste de 36 ans Amelle Chahbi est née. Non, elle ne vient pas de la Seine-Saint-Denis. Non, elle n’a pas grandi dans un ghetto délabré. Non, elle n’a pas fréquenté des dealers. Autour d’elle, des Juifs, des Noirs, des Italiens. « On vivait en harmonie, tous mélangés », raconte-t-elle à son amie d’enfance Nadia Hathroubi, dans le documentaire qu’elle a co-réalisé avec Christophe Lancellotti, « Pourquoi nous détestent-ils, nous les Arabes ? »

Avec une innocence parfois maladroite, la jeune femme d’origine marocaine tente de comprendre les relations qu’entretient la France avec l’une de ses minorités, la communauté maghrébine. Au fil de ses rencontres à travers la capitale ou encore dans les quartiers Nord de Marseille, elle ne cesse de s’interroger et d’interroger l’autre.

Une ode à la mixité

En compagnie de Nadia Hathroubi, rédactrice en chef du Courrier de l’Atlas, et Saïd Mahrane, journaliste au Point, Amelle Chahbi se demande si la situation des Maghrébins s’est dégradée ou non depuis ses jeunes années. Tous les trois se remémorent avec beaucoup de mélancolie leur enfance heureuse vécue au sein d’une mixité réussie. « Mes voisines du haut étaient lesbiennes. J’ai longtemps cru qu’elles étaient juste copines », relate la comédienne. A l’étage du dessous, il y avait une mamie prostituée qu’Amelle Chahbi imite d’ailleurs dans l’un de ses sketchs, vêtue d’une fausse fourrure imprimé félin. « Cette mixité m’a vraiment construite », reconnaît l’artiste. Saïd Mahrane raconte, lui, avoir vécu dans un 16m2, entassé à six avec toute sa famille. Habiter le centre de Paris suppose bien quelques sacrifices.

Ce mélange des origines, cette mixité sociale, la réalisatrice ne les retrouve pas dans le quartier populaire de Bassens, à Marseille, où elle rencontre Samia Ghali. « J’appelle ça une prison à ciel ouvert », déplore la sénatrice PS, qui regrette qu’il n’y ait que « des Maghrébins et des Gitans ». La cité du 15e arrondissement marseillais, au coeur des quartiers Nord, est également minée par les trafics de drogue et les règlements de compte meurtriers.

Un dialogue impossible avec les extrêmes

Une vie en communauté est-elle possible ? Cette question, Amelle Chahbi la pose à des personnes qui sont convaincues du contraire. Lors d’un traditionnel rassemblement en l’honneur de la Pucelle d’Orléans à Paris, qui réunit patriotes, militants d’extrême-droite et fascistes, la comédienne demande naïvement à un manifestant s’il croit au vivre-ensemble. S’en suit une scène surréaliste. L’homme, raciste assumé, prône plutôt « une épuration (des Arabes et des Noirs), comme ce que les Serbes ont fait ». On ne sait pas si on doit rire ou pleurer. Comme pour la rassurer, il conclut en lui disant : « Votez Marine Le Pen ! Vous verrez, tous les fachos ne sont pas méchants ». Merci du conseil !

Amelle Chahbi pointe du doigt un autre type d’extrême, présent cette fois dans sa propre communauté. Elle reproche à certains Maghrébins leur intolérance, leur refus de se mélanger. « J’entends parfois certains s’exclamer « ils nous détestent », mais c’est qui ils ? »  Dire « ils« , c’est s’exclure soi-même de la communauté nationale, de l’ensemble, du tout, selon la comédienne.

La jeune femme, mère d’un petit « franco-maroco-camerounais », n’a pas vraiment été victime de racisme. Elle veut croire que ses enfants et les enfants de ses enfants vivront naturellement mélangés. On a envie d’y croire aussi.

Leïla KHOUIEL

Pourquoi nous détestent-il, nous les Arabes ?, diffusion le lundi 26 septembre à 20h55 sur PLANÈTE+

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