De retour de Grenade, Rohan Houssein, un artiste franco-syrien, délivre ses aventures passionnantes. Son slam, sa marque de vêtement Deysham et ses dessins le suivent depuis toujours.

Starbucks, comme à l’accoutumée. Il est déjà là, à observer. Sa tasse de café en main, il garde son manteau noir très classe et son bonnet Deysham bordeaux avec soin.

L’art est déjà présent dans son quotidien du haut de ses huit ans. Il éprouve le désir de rendre compte des émotions qu’un enfant puisse ressentir devant la vue de belles choses. Ce n’est qu’un loisir et il est encore jeune. Il se concentre sur ses études tout en se construisant artistiquement en parallèle. Elève studieux, il emprunte le parcours classique d’un futur étudiant en médecine. Dans ses années lycée, il créé sa propre marque, Deysham, à l’époque où le style wear était à la mode. « Un jour, je suis tombé par hasard sur les peintures sur tissus de ma maman. Je le lui ai pris et j’ai commencé à dessiner au pochoir quelques modèles ». La marque Deysham est née. Il customise essentiellement des hauts. Pour symboliser la dixième année de la marque, une nouvelle collection sortira. Mais chut ! Lors de sa quatrième année de médecine, il décide d’arrêter après une expérience de reportage dans une Libye en guerre. « À un certain moment de ma vie, je me suis senti investi d’un devoir symbolique envers un ami qui était gravement malade. C’était pour moi une façon de m’aider à surmonter, de comprendre, et aussi de lui rendre hommage en quelque sorte ». Il aurait plutôt été pédiatre. Aujourd’hui, il soigne les gens par l’art. Se consacrant entièrement à sa passion, il s’approprie le slam, le rap et la culture hip-hop. The world is yours, Paris-New York-Damas, Rumi… : une mine d’or enfouie sans être vue.

Identité

12722443_10153782526150630_828692793_oC’est un artiste géo-poétique. Il diffuse des messages d’amour et de paix sans discontinuité. Les mots et les dessins sont ses armes légères et poétiques. À l’aube d’un attentat poétique, c’est un éternel insatisfait. Il se pose un challenge quotidien : faire d’aujourd’hui un meilleur jour. Beau parleur, agréable à la vue, à ses yeux, la femme est la Reine de Saba. Pour l’embellir, il ne manque pas ces mots « la femme est le rayon de la lumière divine » du poète persan Rumi. Il pense très fort à Nina Simone. Fan de voyages, il a parcouru une bonne partie du monde en s’accompagnant de sa sensibilité artistique et de son sourire ouvert au monde. L’Andalousie, l’Indonésie, le Singapour l’ont accueilli « avec prestance et charisme ». Mais sa destination fétiche est la Syrie, sa terre d’origine. Franco-syrien, il voit dans son pays de cœur sa dulcinée. Il a écrit une chanson dans sa jeunesse à son effigie. Mais « ‘Rumi’, mon premier opus dont le nom est inspiré du poète mystique, c’était un angle différent. Le titre ‘État pacifique’, est un peu un bilan après cinq années de guerre.  C’est une chanson qui a une vocation humanitaire. Maintenant, j’ai la possibilité de le faire. Cela prend une autre dimension engagée qui peut générer une aide concrète et financière dans la région, sur place ». Aujourd’hui, il n’a plus le temps pour les regrets. « Dans mon titre Pas Le Time, de mon dernier extended play, je fais une satire des gens qui disent tout le temps je n’ai pas le temps. À ces gens-là, je leur dis je n’ai pas le temps de me prendre la tête. On perd notre temps pour des choses un peu futiles. Je m’approprie l’expression un peu comme une moquerie ».

Réminiscence

12669186_10153782526220630_183404391_oCe sont ses voyages en Syrie, ses bribes de vie qui sont des indicateurs d’identités. « J’ai l’impression de me retrouver un peu moi-même. Je me souviens m’être promené dans Damas. J’ai échangé des bonbons avec une petite fille de New Delhi. Je reconnais mon identité ». Aimant l’univers associatif, il a été invité pour un concert organisé par l’association Singa France. Elle met en place un dispositif pour accueillir les réfugiés. « J’ai été touché par cette action. Cela me correspond et m’encourage ». Alors, il prend les devants avec son morceau État pacifique. Pour mieux comprendre les paroles, l’activation des sous-titres est possible. Il s’inspire des plus grands en s’appuyant sur l’épaule de Marcel Khalife et son morceau significatif « Ana Emchi ». La composition magnifiquement ajustée de Benoit Tesniere met en valeur le pont entre la réalité et la poésie des artistes. « Non, vous n’aurez pas les musées que nous bâtiront dans nos pensées ». Cris d’alarme. La terreur d’un bourbier ne mettra à terre aucun artiste. Il ne prêtera qu’allégeance à l’État Pacifique. Au début de la guerre syrienne, il sentait que les artistes tardaient à réagir. Il trouve dommage que certains artistes privilégient un travail de forme plutôt qu’un travail de fond.  Il défend à fond son projet. « Pour l’instant, je promeus le projet en le présentant sur scène. En espérant lui donner un nouveau souffle ! ». Et comme dirait son frère d’art et d’âme Kalimat, : « vivez en in(ter)dépendance, car on a besoin de talents qui nous entourent pour sublimer nos œuvres ».

Yousra Gouja

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