Sophie Pujas est écrivain et journaliste au Point. Pour le site Artistik Rezo, elle a mené une série d’entretiens avec des street artistes. Elle est l’auteur de deux récits publiés aux éditions Gallimard : Z.M, consacré au peintre Zoran Music, et Maraudes.

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Du street art sur les toits…

Le livre « Street art » révèle un grand nombre d’artistes internationaux. Les sept chapitres mettent en lumière un scénario qui met à son aise l’espace urbain depuis les années 1970.  Au bout de leur bras, de leur main, de leur pinceau et de leur pochoir, les artistes ont la légèreté et l’humour comme mode d’expression privilégié au quotidien.

Le street art passe du mur de la rue au mur d’exposition du musée. Il évolue constamment. L’artiste détourne les objets grandeur nature. On imagine tous une fenêtre dans un mur de brique ou une rivière dans le caniveau. Le street artiste, lui, les voit. Il fait naître une réalité parallèle dans la ville. L’enfant-adulte construit dans le rétro de l’œil du cyclope la magie à l’affût d’une histoire détaillée à l’infini.

Entretien avec Sophie Pujas

Le Bondy Blog : Comment avez-vous rencontré les artistes ?

Sophie Pujas : Je marche beaucoup dans Paris. Quand on arpente les rues, on voit des choses, on est vite surpris. L’autre façon, c’est d’aller sur Internet. Les photos aident à se représenter leur œuvre. Ça fait quatre ans que je les suis. On se retrouve dans des cafés ou dans leurs ateliers. C’est assez simple de les contacter. Ce sont des artistes nomades qui voyagent beaucoup. Ils sont itinérants, comme Seth par exemple. Il peint pour voyager. Il voyage pour peindre. Les artistes se connaissent d’ailleurs entre eux.

Qu’est-ce qu’un hasard urbanistique ?

Toutes les créations qui ont comme support la rue est du street art. Ce que j’ai voulu montrer, c’est ce qui relève du détournement urbain : un bout de trottoir, un élément dans la rue. La rue a un côté très ludique. C’est un peu magique parfois parce que les œuvres disparaissent. La ville est construite par son histoire, ses bâtiments détruits et ses lieux tracés. Les lieux sont en abondance. Le graffiti est différent du street art dans sa forme. C’est très codé. Il faut déjà appartenir à ce mouvement pour comprendre. Le street art comporte plusieurs profils autodidactes. Les street artistes sortent pour beaucoup d’entre eux d’écoles d’art.

L’art urbain permet de valoriser un environnement. Par quels moyens ?

L’imagination est l’un des moyens. Ils apprivoisent les lieux en ajoutant quelque chose de beau. Les affiches de Combo ont une dimension engagée. On se demande qu’est-ce que l’on y met, ce que l’on veut moins voir et à quoi on joue finalement. Récemment, l’artiste C215 s’est vu retiré son œuvre à Reims. Ça montre un paradoxe. Il y a de toute façon une dimension éphémère dans les œuvres. C’est une forme de vandalisme. Si tout le monde passe devant, tout le monde ne s’arrête pas.  Le destin des installations est généralement de disparaître rapidement. L’éphémère est possible dans les installations et le land art aussi.

La notion d’activisme artistique vous parait-elle approprier ?

Le détournement de panneaux signalétique est une marque d’activisme. L’artiste en question peut avoir des ennuis au Japon. En effet, d’une culture à l’autre ce n’est pas la même chose. Ils militent pourtant en toute légèreté, par le jeu et la poésie. Combo a exposé ses œuvres d’art dernièrement à l’Institut du Monde Arabe. Le street art dépend désormais d’une demande ou d’une offre. On a besoin des artistes. Leur travail est devenu très visible mais il ne faut pas faire de généralité. Pour être vu, les artistes présentent leur projet sur des plateformes participatives. Tous les supports en ligne sont populaires. Kunst diffuse beaucoup sur Internet. Le street art ne peut pas se détacher d’Internet.

«  Je ne veux pas expliquer à chaque fois ce que j’ai voulu dire, ça casserait la magie » disait Seth

Il garde une part de mystère. Ça reste une surprise et du coup une question. On s’intéresse à l’identité de l’artiste. Dans la mythologie du street art, on se demande qui est qui. Qui est capable de s’investir gratuitement pour après être effacé ? Passer 1O ans à mettre des céramiques pour ne pas être payé ? C’est le geste qui compte. La gratuité fascine.

Yousra Gouja

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