Donner la parole aux jeunes d’une cité de banlieue, sans clichés ni racolage. Dans le teen-movie documentaire d’Olivier Babinet, onze collégiens d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) nous racontent leur quotidien, leurs ambitions et leurs angoisses. Rafraîchissant.

« Obama, c’est la classe ! Quand il marche, ça tue. Hollande, lui, quand il marche… bah c’est pas trop ça ». Petite pique bien sentie signée Régis N’kissi, le boss du swagg du collège Claude-Debussy d’Aulnay-sous-Bois. Son deuxième prénom c’est Merveille, et ça lui va plutôt bien. Aïssatou, Mariyama, Abou, Nazario, Astan, Salimata, Naïla, Aaron, Paul et Elvis sont dans le même collège. Tous, participent au film d’Olivier Babinet : Swagger.

À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, ce « teen-movie » permet d’entendre ces jeunes sur des thématiques très différentes les unes des autres. Durant une heure trente, ils répondent aux questions du réalisateur et mettent en scène certains de leurs propos.

« La timidité partagée, ça aide à être à l’aise »

Pendant deux ans, Olivier Babinet anime des ateliers de cinéma dans ce collège aulnaysien. Avec des élèves de quatrième, il travaille sur le fantastique au quotidien. Leurs rêves, leurs cauchemars, leurs trajets pour venir à l’école. Tout est raconté dans une série de petits films. « À la suite de ces ateliers, je me suis dit qu’il fallait absolument que je fasse un film sur eux », raconte-t-il. Très vite, il décide de focaliser sa caméra sur leur parole. « Ils sont leur propre histoire, rapporte-t-il. Il y a une mythologie du film de banlieue. Moi je considère qu’une personne ne peut pas se résumer à un seul cliché. J’ai décidé de mettre en scène des ‘vraies’ personnes et non des archétypes’. Le réalisateur de Swagger n’est pas tombé dans l’écueil de ce qui est appelé film de banlieue. « L’engagement du film est de laisser s’exprimer ces enfants et découvrir des individus. Pas une population fantasmée à qui on donne des noms fourre-tout qui suintent la peur et les préjugés, les racailles, les weshs ».

Pour les comprendre, de longues discussions sont entreprises avec eux (« parfois plus de cinq heures »). Le réalisateur parle de « pudeur partagée ». C’était pour lui la première fois qu’il réalisait des entretiens ; pour les adolescents, c’était parfois la première fois qu’ils mettaient des mots sur certaines de leurs émotions. « La timidité partagée, ça aide à être à l’aise. Finalement ces entretiens sont un dialogue entre leur adolescence et la mienne », décrit Olivier Babinet.

« L’adolescence, c’est universel »

Il s’agit avant tout d’un film sur l’adolescence, sur toutes les questions que l’on se pose à cet âge, de l’image que l’on renvoie à ce que l’on est, son rapport au monde, son regard sur son environnement social, politique, médiatique. « L’adolescence, c’est commun à tout le monde, c’est universel. Dans n’importe quel collège de France, il y a une Aïssatou, par exemple ». Aïssatou c’est la plus timide de la bande. « J’ai l’habitude que les gens se moquent de moi mais je fais comme si je n’avais pas entendu », affirme-t-elle, gênée. Au cours du film, le sentiment d’exclusion revient avec Mariyama quand elle dit : « Quand on fait du sport collectif à l’école, je suis toujours choisie en dernière ».

L’adolescence, c’est aussi les premiers questionnements sur l’amour. « Être amoureux, ça ajoute quelque chose à la vie », explique Nazario, le loveur du film. « Être amoureux, je ne sais pas moi, si tu ne réussis pas ça à un moment de ta vie, tu n’as rien fait », complète Abou. Les thématiques de l’immigration, de l’identité sont elles aussi longuement abordées. L’orientation scolaire fait partie des questions posées par le réalisateur. Naïla, qui semble être la plus jeune du groupe, a déjà réfléchi à son avenir professionnel. « Moi quand je serais grande je veux devenir architecte, je pense que les architectes qui ont pensé ma cité n’ont jamais dû vivre en cité, sinon ils ne l’auraient pas faite aussi moche ». CQFD.

« Swagger » signifie littéralement « fanfaron » mais dans la bouche des adolescents d’aujourd’hui, c’est plus que cela. C’est une attitude, une façon d’être. Avoir du swag, c’est avoir du style. Sachant que le vocabulaire d’un jeune se renouvèle aussi vite que la garde-robe d’un fashion addict, un an plus tard ce terme était déjà devenu has-been. Et pourtant, le réalisateur lui trouve un sens bien plus actuel. « Avoir du swag c’est avoir la tête haute, se comporter avec fierté face à la vie. Les onze adolescents de ce film ont tous énormément de swag ».

Sarah ICHOU

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