Samedi soir, The Voice 5. Le télé-crochet à l’écran, bien installés dans notre canapé, on se met à chanter. D’une voix rauque, épurée ou cristalline, on se prend au jeu de la nouvelle star. Lumière, silence, ça tourne ! Là, on découvre Yoann Casanova et Lukas K. Abdul, deux artistes engagés. 

Le 26 juin 1993, le monde accueillait un jeune Corse. Yoann est sapeur-pompier dans la vie de tous les jours et artiste à ses heures perdues. Jacques Brel s’est probablement retourné dans sa tombe à la tombée de la nuit à Amsterdam. Celui qui a un regard « ouvert sur le monde », n’oublie pas d’où il vient. En interprétant l’un des grands classiques de la chanson française, il prend soin de chanter en corse pour éblouir le jury et le public en transe. Et pourtant il précise : « je ne me suis pas inscrit ». C’est bel et bien en étant repéré qu’il accède aux auditions parisiennes. Le chant l’accompagne depuis ses seize ans. Très vite, il fonde le groupe Cirnese en 2010 pour moderniser la musique corse. En s’accompagnant de la guitare, il contribue à la sortie de deux albums. « J’ai représenté mon île et ma ville, Bastia. Même si ce n’est pas vraiment mon univers. Je suis plutôt pop et j’aime chanter la variété anglaise et française ».                                                                                                                                                                                                   Après avoir passé un bac ES, il abandonne ses études pour devenir pompier par rêve depuis cinq ans et ambulancier par mérite depuis peu. « Dans la vie quotidienne, je ne suis pas trop sûr de moi. Participer à The Voice, ça m’a donné un coup de pouce supplémentaire pour franchir un cap sur cette confiance. J’ai vécu une superbe aventure à travers cette émission ». Sauver des vies, c’est un métier.

En Corse, la mer, la montagne et la ville se confondent pour offrir au jeune homme un terrain de jeu pour s’entretenir : foot, footing, kayak. Il ne donnerait pour rien au monde sa place à quelqu’un d’autre ! D’autant plus, qu’une fois de passage à Paris, il déplore le manque de relations entre les gens. Mais cela ne lui empêche pas d’aimer la ville, pour ce qu’elle représente, son architecture, ses monuments, ses magasins et ses matches de foot. Ses parents sont derrière lui depuis toujours : «  À la fin de ma prestation, mon père et mon petit frère de 14 ans avaient les larmes aux yeux. J’étais fier ! ». Les messages de soutien font désormais parties de son quotidien. « J’en ai reçu beaucoup, ça me touche directement au cœur. J’ai été agréablement surpris. Les gens m’ont apprécié ! Je les remercie et leur dit à très vite ». Il tenait à remercier ses collègues pompiers qui ont financés une part importante de son billet pour venir à Paris.

À l’aide du chant, il plaide une cause qu’il lui est très chère. « Ponctuellement, il m’arrive de chanter pour le Téléthon et pour des associations qui luttent contre le cancer. Récemment, un ami proche André Luciani est décédé tragiquement dans un accident de voiture. Il a fait don de ses organes. Chaque 9ème jour du mois d’août, on organise un tournoi de foot et le 25 février un concert régional avec des artistes régionaux et des amis afin de récolter des fonds. Nous avons récoltés 10 000 euros. Et c’est ainsi depuis deux ans. L’argent est reversé directement auprès des patients pour honorer sa mémoire ». Parce que l’aventure ne s’arrête pas là. Et comme dirait Mika, Yoann, «  continuez, vous pouvez faire un carton ».

Mais que font les participants dans la salle d’attente ? Ils patientent avec leur famille et amis proches pendant des heures. Pour Yoann : sa grand-mère, sa mère, un ami et le père d’un ami.

Et pour Lukas, ses frères et deux amies d’enfance. «  Dès qu’on s’est vu, le courant est passé tout de suite. C’est une très belle rencontre. Je l’adore. La porte lui est ouverte. Je ne l’ai découvert qu’à la télé. Je me suis dit au début, lui, il est bizarre. Mais en fait, on est pareil. On met en avant nos origines. C’est celui avec qui j’ai passé deux jours de tournage. Et c’est celui à qui j’ai dit il faut le faire. Il réussira parce qu’il le mérite » affirme Yoann. « Il était entouré de toute sa famille et ça faisait du bien de les voir. La chaleur humaine qu’il dégageait était belle ! J’ai voulu en savoir plus sur Yoann et sur eux » complète Lukas.

«  L’art est la médecine des âmes »

Près du piano de Saint-Lazare, on fait connaissance. Un groupe de Gospel est à l’honneur. Il s’ambiance et prend ses marques dans ses Stan Smith et son pantalon retroussé. Le 15 mai 1993, c’est la date de naissance de Lukas, un Parisien qui poursuit l’aventure The Voice 5.  Ancien étudiant en médecine, il savait au fond de lui qu’il devait être un artiste. «  J’ai entendu parler de cette édition via une amie. Je me suis senti plus près de la musique quelque temps avant. Et j’ai appris en autodidacte ». On se concentre sur son parcours. Il ne parlera pas des dessous de The Voice, par mesure de sécurité. « Les mots bleus » de Christophe est une chanson de son enfance. Connue grâce à la mère de son amie, il s’est mis à la chanter à dix ans pour lui faire plaisir et c’est dans une marre de larmes qu’ils ont compris. « Un jour, tu feras une émission » lui disait sa deuxième maman. Chaque personne qui était présent à ses côtés lors de l’audition à l’aveugle est donc un « symbole ». Élève assidu, ponctuel et brillant, il ne perd rien de ses études en médecine. Par la touche orientale qu’il dégage, ce franco-libanais parle plusieurs langues : le libanais, le marocain, l’anglais, l’espagnol, a des notions ailleurs et souhaite apprendre l’italien et le russe. Célibataire ?  « Je suis déjà fiancée à la musique. Le jour où je divorce, je meurs. Chaque femme est différente. L’humour, c’est une arme de destruction massive dans la séduction » dit-il avec le ton charmeur en regardant droit dans les yeux. Ce qui devait arriver, arriva : le fou rire qui fait mal au ventre ! Il a oublié de mentionner qu’il séduisait par les citations telles que : « I sing to heal the world » by Jessie J ou encore « Je m’empresse de rire de tout de peur d’être obligé d’en pleurer » dixit Beaumarchais. Il a sa propre punchline : «  L’art est la médecine des âmes ». Après avoir joué un meurtrier, un zombie, un voleur ou encore un amoureux au théâtre et sans aucune formation vocale ou musicale, il touche quelque chose de très personnel : le chant. Est-ce que l’expérience du comédien aide dans le chant ? « Le théâtre apprend un certain contrôle de l’émotion. Mais il faut faire attention de ne pas jouer quand on chante ». Très bien. « L’art pour moi est une question de partage, de don de soi et de l’autre ». Alors, il s’engage auprès des associations pour continuer à aider les enfants. « Mon ambition quand j’étais en médecine était de devenir cancérologue pédiatrique, de m’occuper du cancer pour les enfants. Via l’art, je souhaite vraiment aider les enfants. J’ai travaillé avec l’association ACE15  en proposant des ateliers de chant et de théâtre et une association qui s’occupe des patients en participant à des concerts caritatifs. Les patients sont juste des personnes avec qui on passe un bon moment ! » Jouissance totale. Ouvert sur le monde, « il faut savoir où se trouve la douleur pour connaître le bonheur. C’est de la synergie. C’est pourquoi je chante pour le monde. Chanter, c’est aussi oublier ses douleurs ».

Photo prise par Nikos Aliagas

Photo prise par Nikos Aliagas

Pause musicale. Il se lève et se met à chanter et à danser devant la foule ébahie, sans complexe. La mélodie du gospel résonne encore en lui. Et pourtant, il faut surpasser sa pudeur quand on chante, selon lui. «  J’ai commencé par chanter dans ma chambre. Le métro est devenu une de mes scènes privilégiées. Je regrette qu’il n’y est pas autant de chanteurs que ça d’ailleurs ! J’ai enchaîné sur quelques scènes par la suite ». Il n’a fait que 5 scènes et pris 2 h de cours de chant avant de monter sur celle de The Voice. Et s’il se transformait en instrument, lequel choisirait-il ? « Est-ce que l’on peut compter les cordes vocales comme un instrument ? ». Un innocent mais éveillé personnage. Quand il est rentré, ses parents n’ont pas sauté de joie mais se sont regardés et se sont peut-être demandés « et si on s’était trompé ? ». Par respect et par devoir, il a pris sur lui. Maintenant, il répond aux messages de remerciements « Je veux vraiment répondre à tout le monde. Même quand on m’envoie des messages haineux, je réponds pour leur dire que ce n’est pas correct. Ça me blesse, mais je dois répondre ». Il a pris sa décision et ne reculera devant rien, avec détermination. Et comme dirait Nikos Aliagas : « Et les parents aussi, ils vont réaliser que leur fils est un artiste ».

The Voice favorise les rencontres entre artistes venus d’horizons différents. Cette amitié en est un bel exemple.

Yousra Gouja

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