Il est 19 h. Aubervilliers est en ébullition. Les affiches à l’effigie de Youssoupha sont placardées dans toute la ville. Les gens affluent de partout, détendus, souriants, des verres à la main, en direction de la salle de l’Embarcadère. Devant l’entrée, des jeunes, des adultes, des étudiants, des familles, des couples, des groupes associatifs originaires d’Aubervilliers, de Paris, de Saint Maur (94) ou encore de Gennevilliers (92), attendent avec impatience, l’ouverture de la salle. Un parfum de fin d’année mélangé à une ambiance festive et plaisante, que l’on retrouve lors des festivals, enivre les spectateurs.
photo 120 h. Ouverture des portes. Les sacs sont fouillés, les billets scannés. Les gens discutent entre eux. À gauche, un espace de vente d’accessoires au nom de l’artiste, à droite une buvette. Pour autofinancer leurs projets avec la ville, des jeunes âgés entre 13 et 16 ans, vendent des boissons, des barres chocolatées, des sandwichs. Derrière le bar, Alfa, 15 ans, en classe de seconde explique : « Ces ventes nous permettent de financer des projets comme des séjours. Ça nous arrive souvent de tenir ces buvettes. Ce soir, on se relaye avec l’équipe, ce qui nous permet aussi d’assister au concert. On aime bien, Youssoupha, il se lâche dans ces musiques, il dit la vérité ». À ce moment-là, que son camarade enquille : « c’est vrai, il dit la vérité, c’est un bon rappeur, il raconte son vécu, ce qu’il a vu, ce que nous nous n’avons vu, comme il le dit bien avec cette phrase « J’assume tous mes choix, car seul Dieu me guide ». Ce qui veut dire que Dieu l’a guidé ».
C’est sous les feux des projecteurs, accompagnés des clameurs et des hurlements du public, qu’apparaît Youssoupha. Le célèbre rappeur ouvre sa scène par le titre « Noir Désir ». Le public est synchro avec l’artiste. Les fans recrachent les paroles par cœur, les poings sont levés, les corps bougent et les regards rivés sur Prims alias Youssoupha. Les artistes se succèdent et sont acclamés : Mac tayer, Nesbil ou encore Kebla !
Youssoupha enchaîne les titres de son nouvel album et revisite les classiques poignants avec force et ardeur. Avant chaque chanson, l’artiste appuie bien sur la notion de texte qui parle d’amour et de paix. On lit dans la foule, une sorte d’unité nationale autour de ces valeurs qui parlent et qui font vibrer. Le « tchék de l’épaule » que Youssoupha a demandé à son public témoigne bien que le rap français communique des messages qui sortent du registre de la haine ou de la violence. D’ailleurs, dans la salle toutes les classes sociales sont représentées et la parité est respectée, autant de femmes que d’homme, autant de crépus que de blonds. Bien que les textes soient tranchants et engagés, ils parlent autant aux femmes, aux minorités, aux pauvres ou encore aux jeunes.
« Ça fait du bien d’écouter des artistes qui prônent des valeurs universelles »
photo 3« Youssoupha parle d’amour et surtout ce que j’apprécie contrairement à d’autres rappeurs c’est que ces écrits ne sont pas misogynes » confie Marie, 36ans, professeur de Français en Seine-Saint-Denis. Sandra et Amel, étudiantes en psychologie partagent le même point de vue : « On aime bien Youss, dans ses textes, la femme est plus respectée, contrairement à d’autres rappeurs comme Booba. Il est moins dur et aborde d’autres sujets que la rue ou la délinquance. Pour nous, en tant que jeunes femmes, qui aimons écouter le Rap, depuis Diams, qui nous manque énormément, personne en dehors de Youssoupha, n’arrive à parler aux femmes des quartiers ».
Autres regards, sur l’artiste, un jeune rappeur de 17 ans, son surnom Torpi, il habite à Pantin : « Je suis venu avec mes amis à ce concert, je rappe depuis l’âge de 13 ans, rapper c’est s’exprimer, c’est dire ce qui nous révolte, ce qui nous fait mal, mais dire aussi ce qui aide à vivre, vivre mieux. Dans mes textes, je dénonce la misère, la solitude des mecs de cités, mais je dénonce aussi l’injustice. J’aime beaucoup Youssoupha, c’est un parolier, il y a une certaine vérité dans ces textes, je me sens concerné par ce qu’il dit, surtout qu’aujourd’hui, le vrai rappeur, celui qui crache ce qu’il a dans les tripes, se fait rare… »
Parmi les fans, Lise et Arnaud, tous deux travaillent dans la finance sont trentenaires et vivent à Paris : « On suit Youssoupha depuis des années, ça fait du bien d’écouter des artistes qui prônent des valeurs universelles et surtout il change l’image qu’on a du rap ».
Youssoupha, ferme son concert avec son célèbre titre « Espérance de vie ». S’agit-il d’un message anodin ? Calculé ? Quelle lecture peut-on faire de ce concert ?
Une chose est sûre,  tous s’accordent à dire que ses textes ne sont pas destinés uniquement aux minorités ou à une catégorie, mais c’est tout un système de pensée qu’il pointe sans gêne et sans pitié. Il parle sans détour, c’est ce que cherchent actuellement les gens.
Le Rap français, tel que Youssoupha nous le transmet, est-il le nouveau mode d’expression qui rassemble et qui unit ? Traverse-t-il les frontières ? Si, oui, il y a toute une réflexion à faire à ce sujet…
Nadia Azzaz

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