Ses gestes sont saccadés, vifs, sûrs. Elle maîtrise son métier sur le bout des doigts. Zahia Ziouani, assise face à son orchestre, donne le la. Ce vendredi, 14 heures, comme toutes les semaines, les répétitions au Conservatoire municipal de musique et de danse de Stains débutent.  C’est ici que la maestra, accompagnée de son orchestre symphonique Divertimento, qu’elle dirige d’une main de maître depuis près de vingt ans, répètent leurs morceaux. Vingt ans, c’est aussi le nombre d’années qu’elle compte à son actif depuis le début de sa carrière de cheffe d’orchestre avec toujours la même ambition, celle d’ouvrir la musique classique au grand public.

Issue d’une famille mélomane, Zahia Ziouani découvre très jeune la musique symphonique et lyrique. Très vite, elle se passionne pour cet art dont elle décide de faire son métier. Elle obtient son diplôme en analyse musicale, orchestration et en musicologie à l’université Paris-Sorbonne, et remporte plusieurs prix de conservatoire (alto, guitare classique, musique de chambre).

Celle qui baigne dans la musique classique depuis sa tendre enfance est aujourd’hui une cheffe d’orchestre de renom reconnue internationalement. De Stains, ou elle a créé son propre orchestre, au Mexique, en passant par le pays de ses origines, l’Algérie, Zahia Ziouani a su imposer son style pour devenir l’une des (rares) femmes cheffes d’orchestre les plus éminentes. A seulement 17 ans, elle fait la rencontre de deux grands maîtres de la musique symphonique classique qui joueront un rôle déterminant dans sa carrière, Sergiù Celibidache, d’origine roumaine et Leonard Bernstein, américain, qui lui confèreront l’inspiration et la légitimité des plus grands. Cette légitimité, c’est justement ce qui lui manquait dans ce milieu encore très élitiste et masculin. Au-delà même des ses origines, le réel défi auquel cette Pantinoise a dû faire face durant sa carrière a été sa condition de femme, confie-t-elle.

Le fait d’être une femme implique un regard et une approche différente de la discipline

Elle a su faire de cet apparent handicap, un atout et une force. « Le fait d’être une femme implique un regard et une approche différente de la discipline », explique-t-elle. Sa différence l’a finalement aidée à réussir et à se distinguer dans ce milieu encore majoritairement masculin, où moins de 5% sont des femmes. « Pour réussir il faut savoir se démarquer, car la concurrence est grande dans ce domaine ». Sa double culture, franco-algérienne, loin d’avoir été un frein dans sa carrière, lui a permis de nourrir ses œuvres et ainsi se démarquer artistiquement. La maestra met un point d’honneur à promouvoir l’hybridité des genres et des cultures qui fonde sa ligne artistique. Elle interprète ainsi en 2012 auprès de son orchestre symphonique Divertimento une composition symphonique mêlant les œuvres musicales du compositeur français Olivier Penard et de l’Algérien Salim Dada. Elle insiste sur l’importance de la rencontre des cultures dans la production artistique lyrique et symphonique en soulignant que les musiques populaires ont influencé les plus grands succès de la musique classique.

Rendre la musique classique accessible à tous. C’est l’ambitieux objectif pour lequel Zahia Ziouani œuvre depuis ses premiers pas d’artiste lyrique. La banlieusarde, attachée au milieu dans lequel elle a grandi, souhaite ouvrir cette culture encore élitiste aux jeunes des quartiers populaires où la culture urbaine reste très dominante. Cette artiste engagée veut offrir à ces jeunes l’opportunité de choisir entre différentes cultures artistiques. Son projet passe avant tout par la pédagogie, auprès du jeune public mais aussi du grand. Prendre la parole, expliquer les œuvres, de leur création à leur interprétation, l’artiste a à coeur de montrer que les plus grands morceaux de musique classique sont d’inspiration populaire. Elle multiplie les lieux et les manières afin de sensibiliser et faire connaître son univers.

L’artiste collabore ainsi depuis de nombreuses années avec différents acteurs pour permettre à ces projets de voir le jour. « Il est essentiel de développer les politiques locales, d’étendre à d’autres territoires ce qui est fait dans le 93, à Stains et à Pantin notamment. Les élus locaux doivent continuer à investir dans la culture », affirme-t-elle. « Il faudrait également utiliser d’autres supports, les outils numériques par exemple, pour aller plus loin et toucher plus de monde ». Autant dire que la maestra ne manque pas d’idées et d’optimisme pour parvenir à ses ambitions. Plus rien ne l’arrête. Zahia Ziouani rêve d’étendre ses projets au-delà des frontières françaises, notamment sur le continent africain où elle y voit un fort potentiel de développement culturel en dépit des problèmes actuels évidents d’accès à la culture. Sans oublier l’Algérie où elle est nommée première cheffe d’orchestre invitée de l’Orchestre national d’Algérie en 2007.

Soraya BOUBAYA

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