Pour tout vous dire, j’ai eu du mal à commencer à écrire ces lignes. Non que la séance de l’Ecole du blog ne fût pas passionnante. Elle l’était. J’aurai voulu qu’elle ne s’arrêtât jamais. Quand on rencontre Anne Nivat pour la première fois, on a du mal à imaginer ce bout de femme parcourir les zones de guerre aux quatre coins de la planète. Je me souviens m’être intéressée à elle lorsque j’étais étudiante, notamment à ses reportages sur la Tchétchénie. Je ne l’avais jamais vue, ni à la télé, ni en photo. Anne Nivat, pour moi, n’avait pas de visage : c’était ce grand reporter de guerre que j’écoutais à la radio ou dont je lisais les papiers.

En la voyant dans cette salle de la bibliothèque Denis Diderot de Bondy, habillée d’un jean et d’un t-shirt orange, talons hauts et ongles joliment vernis, j’avais dû mal à l’imaginer arpenter les zones de conflit. On est déconcerté par sa capacité à parler de choses difficiles à entendre pour nous Occidentaux, ayant vécu du bon côté de la barrière. Pour nous, ces récits tragiques ne sont que des pages dans les journaux et des images de reportages télé, toujours dramatiques. Ce moment où le présentateur du JT prend une voix grave comme pour mieux respecter la douleur de ces évènements qu’il devra oublier quelques minutes plus tard dans la rubrique sport. « Quand je reviens ici, j’entends tout le monde se plaindre de tout, (…) comme si tout allait mal, ça me stupéfie, j’ai envie de les secouer et de leur faire faire un petit stage avec des gens que j’ai rencontrés sur place », s’énerve-t-elle.

Anne Nivat, Prix Albert Londres 2000, ne doit pas son parcours au hasard. Son père, Georges Nivat, domicilié dans la campagne française à proximité de la Genève internationale, est un éminent spécialiste de la Russie. Elle confie avoir, petite, sauté sur les genoux du grand Soljenitsyne, l’intellectuel russe décédé il y a à peine un an. Elle est titulaire d’un DEA à l’Institut d’études politiques de Paris et d’un doctorat sur les médias russes. Elle parle sept langues du continent européen – elle bûche l’arabe et le farsi. L’enseignement, une carrière universitaire, la trajectoire du père, en somme, ce n’était pas pour elle. Elle voulait, dit-elle, « raconter des histoires ».

A regarder la salle remplie de la bibliothèque, les yeux écarquillés des personnes présentes, et le silence quasi religieux de l’audience, pas de doute : les histoires, elle les raconte bien. Il y a chez elle un besoin quasi vital de rapporter les aventures qu’elle a vécues, souvent douloureuses. Partager, vider son sac et reprendre la route. Cette femme parle d’elle, de ses crapahutages qu’on croit sortis de films américains, de ses expériences toutes plus incroyables les unes que les autres. C’est un monologue pendant près d’une heure. Et nous, nous sommes abasourdis : Tchétchénie, Iraq, Afghanistan. Sa façon de faire son métier ? Elle explique : respecter les personnes et leurs cultures, vivre avec eux et comme eux pour mieux témoigner de leur quotidien, éviter d’être dans la recherche du scoop.

Elle relate son parcours et sa carrière mais à travers ses périples, c’est également des autres dont elle parle. De tous ceux que son chemin a croisés, à Grozny, à Bagdad, à Kaboul, à Kandahar. Tous ces noms de villes que des milliers de reportages ont abordé parlant rarement de ceux qui les habitent, guerre ou pas guerre. Anne Nivat leur a rendu hommage ce samedi à l’Ecole du Blog de Bondy. Sans apitoiement, ni exotisme. Le jour où elle nous a rendu visite, elle était sur le point de partir en Afghanistan pour de nouveaux reportages.

Nassira El Moaddem

Légende photo : Anne Nivat en Irak.

Anne Nivat est venue à l’Ecole du blog, une BD sous le bras réalisée pour Reporters sans frontières : « Anne Nivat, Correspondante de guerre », de Daphné Collignon, éditeur Soleil. La dessinatrice dresse le portrait de la journaliste dans le cadre des ses reportages de guerre (Tchétchénie, Iraq, Afghanistan…).

Prochaine et dernière séance de « l’école du blog » de la saison : samedi 20 juin avec David Abiker, journaliste à France Info.


Anne Nivat – Reporter de guerre – EDB
envoyé par Bondy_Blog. – L’info internationale vidéo.

Chou Sin

 

 

Nassira El Moaddem

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