emptyDe Libération aux locaux de l’avenue Kennedy, en passant par Arte, Nadia Daam s’est forgée une expérience en béton dans le journalisme. En juin dernier, elle animait une masterclass au Bondy Blog. La prochaine : Nour-Eddine Zidane (rédacteur en chef du Mouv’) samedi 11 octobre.

Nadia Daam a sacrifié une grasse matinée, bravé une grève de RER et traversé l’est de la Seine-Saint-Denis en bus pour arriver jusqu’au local du blog à Bondy ce samedi 14 juin 2014. Qu’importent les obstacles, elle a donné sa parole et assurera le bénévolat de son école du blog. Première chose que l’on apprend d’elle, Nadia Daam est de ces personnes qui tiennent leur engagement. Et tant pis si la majorité des jeunes a été découragée par la grève des transports ou retenue par ses examens de fin d’année. Elle mènera sa masterclass avec l’enthousiasme et le sourire permanent de celle qui en a vu d’autres, la présentation de sa biographie glissant peu à peu vers un débat sur les médias co animé par Nordine Nabili et Faïza Zerouala dont les parcours de combattant-journaliste, enfant d’immigrés (du Maroc pour la famille de Nadia) et de milieu ouvrier trouvent des similitudes.

Tout commence Cité de L’Ill à Strasbourg. Adolescente, Nadia cherche à quitter le quartier et contourner la carte scolaire pour mettre toutes les chances de son côté. Grâce à une option rare, elle intègre le lycée international des Pontonniers où elle obtient un Bac L3 option théâtre en 1996. Strasbourg ne lui laisse pas que des bons souvenirs. Elle se rappelle de la boulangerie en bas de chez elle où on ne s’adressait qu’en alsacien aux Arabes qui achetaient leur baguette pour bien signifier qu’ils n’étaient pas chez eux. « Moi, je n’avais pas une tête de blédarde mais j’ai compris toute petite que c’était difficile pour les autres… ».

Plus tard, elle intègre l’hypokhâgne du lycée Victor-Hugo à Paris, mais ne tient pas plus de deux mois à cause du jonglage entre les cours et les petits boulots de serveuse ou de baby-sitter pour financer ses études. Nadia s’inscrit donc à la fac Sorbonne Nouvelle Paris 3 où elle valide une licence d’art du spectacle. Son destin professionnel bascule en lisant le journal. « Venez travailler à Libé ». De 2000 à 2002, c’est elle qui répond au téléphone pour noter les petites annonces et autres transports amoureux dans Libération. Un autre petit job, mais qu’elle trouve génial par son côté insolite et qui lui permet de mettre un pied dans ce média de premier plan.

Explose le 21 avril 2002 et Jean-Marie Le Pen qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. « Ce fut un tel choc pour moi que j’ai démissionné de Libé pour aller vivre à l’étranger, au Mexique ». Mais après un an d’un voyage en Amérique centrale qui lui permet d’acquérir sa deuxième langue vivante, elle est expulsée du Mexique pour une question de papiers. « Là-bas, j’ai vraiment compris ce qu’était la galère moi qui croyais avoir galéré en France… Ce fut très formateur. Rentrée sans travail, je suis retournée à Libé ».

Puis elle décide de reprendre ses études pour une formation qualifiante de secrétaire de rédaction bi-média presse et web à L’EMI CFD (l’école des métiers de la communication) et décroche un emploi au sein d’un journal gratuit alors en plein essor, 20 Minutes où elle travaillera deux ans. « Puis j’ai démissionné, ce qu’il ne faut jamais faire, puis j’ai bossé dans la presse féminine, ce qu’il ne faut jamais faire non plus » conseille-t-elle, plaisantant à moitié, elle qui n’a pas aimé l’ambiance glaciale de ces rédactions uniformes d’une presse pourtant si prestigieuse.

PortraitInterieurPapierC’est aussi la période où elle se lance dans l’écriture, dont celle de Mauvaises mères, la vérité sur le premier bébé, livre rédigé à six mains avec Emma Defaut et Johana Sabroux. Sasha, sa fille de 8 ans qui dessine et lit aux côtés des participant-e-s à la masterclass, grattant leur papier, a pourtant l’air de bien s’entendre avec cette « mère indigne », qui a bien d’autres cordes à son arc. Actuellement, journaliste chez Slate.fr, elle a en charge la rubrique Parent-enfant, et à la radio Le Mouv’, elle croque des billets d’humeur. Nadia est aussi chroniqueuse sur Arte dans l’émission « 28 minutes » d’Elisabeth Quin, où elle fait le lien avec les téléspectateurs et ne perd rien de ce qui buzz et circule sur internet via le fil de son compte Twitter, @zapette ouvert en 2008, bien avant l’immense succès de ce réseau social.

La précarité de son métier l’oblige parfois à additionner les piges. Intermittente de statut, elle cumule les heures. « À une période, j’ai tellement bossé que j’ai perdu 4 kilos en 2 mois. En plus, tu culpabilises tellement en tant que mère… » Néanmoins, elle apprécie la liberté qu’on lui accorde. « Au Mouv’ par exemple, j’ai le droit de parler de ce que je veux en rapport avec le numérique… »

Le débat reprend autour des médias, s’anime et se prolonge avec Louis, Kozi, Dalila (dont c’est la première école du blog) et les autres osant se lancer dans la conversation à bâtons rompus faisant passer les heures à toute vitesse. Nul-le ne réclame l’exercice pratique, qui vient traditionnellement clore les masterclasses. Et à 13 h, c’est avec regret qu’on libère Nadia Daam et la brillante petite Sasha. Les moments d’émulation intellectuelle et de convivialité sont toujours trop courts.

Sandrine Dionys

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