Vous vous rendez compte qu’il n’y a pas si longtemps, c’est-à-dire avant le début des années 2000, le mot podcast n’existait pas ? Improbable quand on voit l’ampleur que ce format journalistique a pris. Improbable quand on sait que près d’un quart des internautes en consomment. Et d’autant plus improbable quand on rencontre Mélissa Bounoua.

C’était un samedi de février, dans les locaux du BB. Dehors, il caillait. Alors, on s’est tous calés, là, au chaud. Il y avait du thé, des petits gâteaux et des gens aux derniers rangs, près du radiateur. Comme le veut la tradition, notre invitée a commencé par dérouler son parcours et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est… complet.

Après un bac S, elle suit une prépa littéraire – le fameux duo hypokhâgne/khâgne, puis une licence de géographie. Elle intègre ensuite l’école de journalisme de Sciences-Po. Machallah comme on dit chez les islamo-gauchistes. A l’école, elle teste la télé (mais ça la « saoûlait vraiment »), la presse écrite et puis elle découvre Internet. Parce que oui, il y a quelques années, on « découvrait » Internet comme certains découvrent Tik Tok aujourd’hui.

Mélissa, influenceuse Twitter (oui, oui)

En réalité, elle sait évidemment déjà ce qu’est Internet, elle envoie même des wizzes sur MSN. Seulement, c’est à l’école qu’elle se rend compte qu’elle peut en faire quelque chose dans sa vie de journaliste. Elle réalise que c’est absolument comme ça qu’elle veut pratiquer ce métier. On est alors au milieu des années 2000 et le web n’est pas considéré de la même manière qu’aujourd’hui dans les rédactions. « Les grands journaux prenaient bien soin de dissocier leur rédac, la vraie, et les gens qui écrivaient des trucs sur le web », ironise aujourd’hui Mélissa. Elle suit des cours de blog à l’école, co-anime un blog sur les municipales de 2008 à Paris pour le site du Monde.

Et parce qu’elle est un peu exploratrice dans l’âme, Mélissa fait partie des premiers journalistes à débarquer sur Twitter. Son blase, c’est MissPress. « C’était trop bien, ce truc ! », s’enflamme-t-elle avant d’expliquer que Twitter a servi, pour elle comme pour d’autres, de véritable CV vivant.

Arriver sur un réseau social en premier, c’est un peu comme arriver en soirée en avance, au début on s’ennuie un peu, et puis on prend ses marques.

A tel point qu’en 2008, elle se retrouve à live-tweeter les élections américaines pour un journal local du Missouri. À ce moment-là, elle vit aux États-Unis pendant un semestre. Elle y rencontre Charlotte, sa coloc. Retenez bien son prénom, on en reparle plus tard. Ensuite, tout s’enchaîne : elle rentre en France, fait des stages, est embauchée chez Arte, parallèlement à ses études. Elle bosse ensuite pour 20 minutes, pour L’Obs et finit par arriver chez Slate où elle devient rédactrice en chef adjointe, dit RDA pour les initiés.

“En France, à l’école, on ne nous apprend pas à prendre la parole”

Alors, elle repère les infos à traiter, trouve des idées de sujets, manage une équipe… « J’ai compris que c’était le job qui me correspondait le mieux. » Suite à une rencontre un peu hasardeuse, elle intègre l’équipe de studio 404 qui cherche une chroniqueuse pour parler d’internet et de sa place dans la société. En tant que spécialiste des nouveaux médias, Mélissa est la personne qui leur faut. Elle intègre donc l’équipe et adhère tout de suite au format radio : « En France, à l’école, on ne nous apprend pas à prendre la parole. J’étais timide, le journalisme m’a appris à parler. »

Aux Etats-Unis, elle avait déjà observé le journalisme narratif à l’américaine, le storytelling audio. Une observation qu’elle avait partagée avec… Charlotte Pudlowski, la fameuse coloc du Missouri, qui va devenir sa meilleure amie, sa collègue à 20 minutes puis à Slate.

Charlotte lance alors Transfert, un podcast qui cartonne. On ne peut pas en dire autant de la situation économique de Slate à ce moment-là. Elles quittent donc ce média pour lancer le leur, ou plutôt leur boîte de podcasts. Elles ont mille idées mais il faut qu’elles se structurent, qu’elles créent leur entreprise : « On savait diriger une équipe mais pas une boîte. »

Et c’est ainsi que naît Louie Media. Leur petite entreprise fait du récit audio sa marque de fabrique et vend des podcasts à des marques et des médias. Il ne s’agit plus de mettre des gens autour d’une table pour discuter d’une thématique mais plutôt de raconter des histoires.

Aujourd’hui, Louie a la double casquette. A la fois média et boîte de prod : c’est-à-dire que des podcasts sont produit et diffusés pour une diffusion sur Louie, d’autres sont réalisés pour d’autres marques ou médias.

En peu de temps, Louie Media s’est développé au point que Mélissa et Charlotte ont aujourd’hui embauché une dizaine de personnes, toutes des femmes. Elles viennent de boucler une levée de fonds : 450 000 euros ont été récoltés pour développer encore plus Louie (!!). Ça vaut bien des applaudissements, qui marquent aussi la fin de cette masterclass. Mélissa nous confie à la fin qu’elle a adoré l’exercice. Tant mieux parce que nous aussi.

Louisa MIDIOU

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