Magal est un mot wolof que l’on peut traduire par glorifier, célébrer ou magnifier. Ce pèlerinage se déroule dans la ville sainte de Touba, principal fief de la confrérie musulmane mouride, qui commémore, dans le calendrier musulman, le départ en exil au Gabon, en 1895, de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927). Celui que l’on appelle Serigne Touba, le serviteur du prophète Mohamed, fondateur du mouridisme, l’une des grandes confréries religieuses au Sénégal, avait été exilé par les autorités coloniales françaises, qui l’accusent d’insoumission, devant l’influence grandissante de ce dernier.


Des milliers de pèlerins se réunissent chaque année dans la ville de sainte de Touba au Sénégal. 

Le mouridisme où la voix de l’imitation du prophète, un chemin difficile pour de Cheikh Ahmadou Bamba qui lui vaudra l’exil loin de sa famille, et de ses disciples. Il subira toute sorte d’intimidations jusqu’à des tentatives d’assassinats. Mais Serigne Touba reste toujours fidèle et croit à son seigneur sur la direction des commandements de son prophète. Un exil de plus de sept ans au cours duquel l’homme montre une ténacité et une foi à toute épreuve face à la puissance coloniale.

Des années plus tard, pour rien au monde, ses fidèles ne renonceront à ce rendez-vous annuel à Touba, dans le centre du Sénégal, la deuxième agglomération du pays avec 1,5 millions d’habitants. Le Magal rassemble la confrérie mouride la 18e nuit du mois lunaire de Safar, cette année, le 26 septembre.

Un retour d’exil devenu pèlerinage

Une fête qui marque à la fois les débuts des épreuves endurés par Cheikh Ahmadou Bamba pendant son exil jusqu’en 1902. Le début des souffrances, est aussi pour la confrérie l’aboutissement de sa mission. Après son retour, Cheikh Ahmadou Bamba a célébré le premier Magal à Diourbel où il était en résidence surveillé jusqu’à la fin de sa vie, chacun se recueillant chez soi. C’est le moment ou le Cheikh ordonna à tous ses disciples, de marquer le jour de son départ en exil tous les ans, par des action destinées à rendre grâce à Allah.

Il disait : « j’invite toute personne que mon bonheur personnel réjouirait, à s’unir à moi dans la reconnaissance d’Allah chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouvera sur terre ». C’est ainsi, le deuxième calife, son fils Cheikh Mohamadou Fallilou M’backé, dit Serigne Fallou qui a appelé les fidèles à se rassembler à Touba, ville fondé par Cheikh Ahmadou Bamba en 1888, là où il sera finalement inhumé en 1927. Cette fête est devenue un grand rassemblement populaire et c’est là que les fidèles vont se retrouver cette année encore pour faire leur siara, leur pèlerinage.

Le mouridisme a une particularité qui est celle d’une organisation sociale basée sur le travail et la religion. Le travail est aussi perçu comme outil de l’indépendance : «Travaille comme si tu ne devais pas mourir, prie comme si tu devais mourir demain», entend-on souvent dans le pays.

Touba lieu des réunions familiales et religieuses

L’événement annuel s’articule autour de récitations de versets du coran, de moments de recueillement au mausolée du Cheikh et des grands dignitaires mourides, souvent inhumés au pied de la mosquée. A toute heure de la journée et de la nuit, les hauts-parleurs diffusent dans les rues des prières, des récitations de xassaides, poèmes écrits par le Cheikh. Le pèlerinage a aussi une dimension très festive avec ce qu’on appelle les Bernë, des repas partagés entre familles ou entre disciples sans qu’il soit question d’argent.

Les fidèles et les chefs religieux préparent des semaines et parfois des mois à l’avance l’achat de nourriture qui peut aller jusqu’à l’achat de centaines de têtes de bétails dans tout le Sénégal voir jusqu’au Mali et la Mauritanie. L’accueil des pèlerins est essentiel puisqu’il n’y a pas d’hôtel à Touba, il faut trouver une place chez des proches, chez des amis ou chez les marabouts présents. Mais certains préfèrent passer la nuit dans grande la mosquée, ou faute de choix dans les rues sous des tentes. Pour eux tout les moyens sont bons pour célébrer cet évènement.

Pare-choc contre pare-choc les voitures mettront six heures pour parcourir les 200 kilomètres qui séparent Dakar et Touba.

Chaque année suscite une telle mobilisation extraordinaire qu’il faut prévoir d’extraordinaires embouteillages entre Dakar et la ville Sainte. Pare-choc contre pare-choc les voitures mettront 6 heures pour parcourir les 200 kilomètres qui séparent les deux villes. C’est un rendez-vous religieux, politique et social. L’acheminement des centaines des milliers de pèlerins représente aussi un enjeu économique pour les transporteurs du pays qui vont assurer l’approvisionnement de la nourriture et des boissons. Les annonceurs ne s’y trompent pas non plus quand ils profitent du rassemblement pour faire leur publicité. Le pèlerinage est aussi un moment d’acheter les souvenirs du sage en attendant le prochain Magal.

Kab Niang

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