Le cinéma. La nuit, au Burkina, la chaleur est à peine moins suffocante que durant la journée. La nuit, au Burkina, les rues sont aussi vivantes que sous le soleil. En plein milieu d’une nuit au Burkina, juste devant notre hôtel, une série policière se tourne. Il est une heure et demie du matin. Stupéfaction, au bord de la piscine, un travesti sirote un cocktail. Deux maquilleuses habilleuses le cajolent. L’homme à la perruque et rouge à lèvre, s’apprête à tourner sa scène.

A l’extérieur, quelques réverbères et panneaux lumineux. La réalisatrice demande « le silence pour la dernière répétition », s’interrompt quelques secondes puis demande : « Il avait une l’arme ? » S’ensuit un véritable débat, où chacun donne son avis. On consulte les derniers rushes. Puis, on conseille à l’acteur de partir « vers la gauche ». Mais un régisseur a une autre idée : « Pars à droite, c’est mieux », conseille-t-il. La nuit, au Burkina, sur le tournage d’une des plus importantes séries policières, les travestis sont de sorties et le scénario inexistant…

Le CFA. Sur les pistes burkinabés, notre petit bus remue franchement. Notre postérieur, à chaque secousse, s’écrase sur les sièges peu confortables. Mais c’est pour la bonne cause, la visite d’un Centre de formation agricole. Cette école apprend à une quarantaine d’élèves à labourer ou cuisiner. Une école où l’on enseigne l’art culinaire et la culture agricole. Une école qui, pour certains, est un internat en raison de son éloignement de la capitale. En effet, quelques-uns parcourent plusieurs dizaines de kilomètres, sur un vélo dès l’aube.

Au milieu de son large terrain expérimental, le directeur n’est pas peu fier de nous présenter « une feuille qui se cultive, une sorte de biocarburant », tandis les poules et chèvres se font bichonner par les apprentis, ou qu’un groupe de jeunes filles cuisine le plat du midi. Les odeurs se dégagent. Mais le travail n’est pas que manuel, la partie intellectuelle, c’est pour les heures de cours de français, d’histoire ou autres matières. Et vous, lycéens en colère, un petit tour dans une classe de 108 élèves, ça ne vous dit pas ? Un petit tour dans une école où ça bosse dardar sous le soleil chauffant, non plus ?

L’IPN. C’est un institut, appelé Institut du peuple noir, crée à l’initiative du regretté Sankara. Ce qui nous invite dans ce modeste mais nouveau centre de recherche panafricain, c’est un débat réunissant des lycéens des environs de la capitale, Ouagadougou, sur divers sujets de la vie quotidienne et sur des traditions qui diffèrent d’un pays à l’autre. Sur les murs, on arbore fièrement les plus grands défenseurs de la « cause des Noirs », de Mandela à Toussaint Louverture, mais pas de Thomas Sankara.

Pour en revenir au débat, plusieurs sujets seront abordés. Le droit des femmes sera, sans aucun doute, le plus nourri en témoignages ou points de vue. Un jeune Burkinabé prend la parole et se dit « être agacé de voir l’Occident imposer sa vision ». Puis, (défenseur ?) de l’excision, il la comparera avec « le lancée de tomates en Italie », en expliquant que « c’est leurs traditions ». Enfin, il sera question de « néo-colonialisme qui revient avec les APE (Accords de partenariat économiques) », et de l’Europe qui veut se réimposer. Là, une nouvelle fois, les jeunes poussent leurs coups de gueules contre les Européens. Ils veulent réussir, oui, mais seuls !

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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