Vingt ans et déjà président. Jimmy Berthé semble ne s’étonner de rien : ni de son CV surchargé ni de sa précocité. Certains ne se sont pas fait prier pour détecter son talent d’organisateur et lui confier des responsabilités. L’an dernier, la chanteuse Rokia Traoré en a fait son chargé de communication auprès de la communauté franco-malienne pour sa dernière tournée.

Cette année, Ali Soumaré, le conseiller régional du Val-d’Oise et président de l’association franco-malienne 2ème Génération, l’a bombardé président du comité d’organisation de l’élection de Miss Mali France 2011 qui se tiendra en novembre dans une grande salle parisienne. Le plus gros événement à l’échelle européenne de la diaspora malienne est particulièrement attendu en cet anniversaire du cinquantenaire de l’indépendance du Mali. Mais Ali Soumaré n’a pas pris de risques. Jimmy Berthé est un « professionnel de la profession » comme aurait pu le désigner Jean-Luc Godard lui-même.

Tout a commencé avec un défilé de mode sur son territoire chéri, situé entre les 2e et le 3e arrondissements de Paris et qu’il n’a jamais quitté depuis ses premiers pas sur le grand boulevard de son enfance, celui des spots-lights du Grand Rex. Chaque année, il organise ce qui est devenu un événement incontournable pour la vie et la cohésion sociale « du quartier grâce auquel je me suis fait », lance-t-il. « Grâce à cela, j’ai des amis de tous horizons. Ce quartier m’a aidé à m’ouvrir… »

Pour ce défilé, lui et ses comparses commencent par la tournée des 25 créateurs qui les soutiennent pour récupérer des vêtements, font défiler les jeunes du coin puis revendent les fringues griffées à moitié prix aux habitants de l’arrondissement, ravis de l’aubaine. Les fonds récoltés financent des projets solidaires au Sénégal : aménagement d’une bibliothèque dans un centre socioculturel pour enfants des rues, création d’une salle informatique, d’une ludothèque…

A l’école primaire de Fass Mbao, à Dakar, où leurs associations Casa Palabre et M’Panam œuvrent depuis plusieurs années, Jimmy est connu comme le loup blanc. « On ne part pas là-bas en mission humanitaire pour distribuer des sacs de riz. On part pour vivre une aventure humaine… », précise-t-il.

Si ce n’était que ça mais Jimmy Berthé est un cumulard et s’investit encore dans d’autres projets. A ses heures perdues, il est membre du Conseil parisien de la jeunesse et siège à la commission droits de l’enfance. C’est tout ? « En 2008, on m’a proposé une place éligible sur la liste qui a remporté les élections municipales du troisième arrondissement mais j’ai refusé. » Après un instant de réflexion qui fait oublier sa nature hyperactive, il répond sagement à un « Pourquoi ? » suspendu dans les airs. « Je ne me sentais pas prêt. » Baptisé Jimmy grâce ou à cause de son grand-père paternel qui voulait rendre hommage à Jimmy Carter, on aurait pu pourtant le croire d’emblée prédestiné pour la politique.

Quand même, on se demande où il trouve le temps d’étudier le droit, matière qu’il dit adorer, à l’Université Descartes Paris 5. « Tout est question d’organisation et tout s’enchaîne très bien. De septembre à novembre, j’organise l’élection de Miss Mali France, après, de janvier à mars, je me consacre au défilé, puis l’été, aux projets humanitaires. Entre-temps, j’arrive à caser tout le reste, dont les plénières du Conseil parisien de la jeunesse. Cela dit, c’est vrai que je suis fatigué et que les amis, je les vois toujours en coup de vent. Mais je me rattrape pendant mes vacances. Mon plaisir, c’est les voyages à l’étranger. »

Sa mère, une directrice de ballet, fille d’intellectuel et syndicaliste malien, devenue parisienne, s’inquiète pour sa santé : « Repose-toi quand même ! », lui ordonne-t-elle gentiment. Son père, un Martiniquais ex-danseur professionnel du groupe Touré Kunda, reconverti dans la gastronomie, l’encourage : « C’est bien mon fils, tu iras loin ! » Jimmy a grandi dans un milieu d’artistes, il n’a pas toujours été fier d’être un enfant de la balle. « Quand j’étais petit et qu’on proposait à ma mère de danser pour la fête de l’école, j’avais honte. J’étais tellement timide et on ne demandait pas ça aux autres mères. Et puis chez moi, c’était toujours plein de monde. A l’époque, je ne comprenais pas la vie d’artiste. Aujourd’hui, je sais que croiser autant de gens de cultures différentes fut une chance. Grâce à mon enfance, je suis à l’aise partout. »

Une jeunesse façonnée par la mixité sociale et culturelle de son quartier, donc. « Je ne me souviens pas avoir jamais souffert de discrimination », dit-il. Des problèmes à cause de ses origines ? « Aucun. A l’étranger, quand on m’interroge, je suis fier de dire que je suis Français d’origine malienne. En France aussi, je n’ai aucun problème à parler de mes origines. Sauf parfois quand je sens qu’il y a de la curiosité mal placée. Au cocktail pour la réélection de Bertrand Delanoë par exemple, un vieux a foncé sur moi pour me demander direct de quelle origine j’étais. Un simple « Bonjour » comme entrée en matière aurait déjà été mieux. » S’il s’est éloigné de ses racines martiniquaises, c’est qu’il a toujours vu son père faire corps avec la culture de sa mère. « Pour moi, mon père est africain. Il s’est beaucoup plus reconnu dans la culture malienne que dans sa culture de naissance. »

Un culte ? « Musulman. Mais pour moi la religion doit rester de l’ordre de l’intime. Si je croise un voisin juif dans le quartier, je ne vais pas aller lui demander s’il mange casher ou s’il fête Kippour. Mais en ce moment, tout le monde est obsédé par les questions de religion. Si c’était personnel pour chacun, tout serait beaucoup plus simple. »

Et quand il sera plus grand et qu’il aura fini ses études, comment se voit-il ? « J’aimerais bien travailler dans la diplomatie ou pour l’ONU. Pour l’international en tous cas. » Pourquoi pas Président de la République pendant qu’on y est ? Grand sourire amusé, il prend le temps de répondre : « Maire du 3e arrondissement plutôt. Pourquoi pas ? » Oui, pourquoi pas…

Sandrine Dionys

Sandrine Dionys

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