Le 9 août dernier, le jeune Michael Brown meurt sous les balles de Darren Wilson, un policier blanc dans cette ville du Missouri. Lundi 24 novembre, le grand jury a conclu qu’aucun élément ne permettait d’inculper le policier, il ne sera donc pas poursuivi, alors que depuis trois mois la population clame « No justice, no peace ». 

Le « jury », le Grand champion du monde de la bassesse vient d’innocenter l’assassin, de Michael Brown, Darren Wilson. Le policier, qui a, lâchement, abattu le jeune homme de 18 ans, désarmé, le 9 août dernier à Ferguson. Il s’en sort trop facilement aux yeux de la communauté noire des Etats-Unis d’Amérique et de tous ceux qui font partie du camp des justes. Les révoltés. Les tributaires de la Black Rage ont la sensation que comme au piano une noire vaut deux blanches. Au pays de l’oncle Tom ensanglanté, le « garant de la démocratie dans le monde », les mots manquent pour expliquer l’hémorragie. Mijaurée, la justice fait sa précieuse ridicule. Elle se couche. Elle s’offre à l’oppresseur. Tandis que l’opprimé s’époumone, la gueule maintenue, par une main sadique, dans une eau indigeste et insalubre. Les anonymes, les dépouillés, les spoliés souffrent dans leur chair. Ils reproduisent encore et toujours le seul moyen d’expression qui leur permet d’attirer l’attention : foutre le feu. Le désespoir noie les dindons de la farce républicaine dans l’euphorie caniculaire de la violence.

Le Hood s’embrase. Ferguson, New York, Los Angeles, Oakland, Seattle partout des voitures de police passent sur le grill, dans des quartiers aux abois. Les aboiements sourds des damnés de la terre puent la misère, l’ignominie et la résignation. Mais ce sont bien les flammes de la détermination aveugle qui ont dévasté les rues. Outre-Atlantique, les politiques et la presse feignent la surprise, l’incompréhension et l’insulte même, avec des appels au calme. Le calme ne s’appelle pas, il se mérite, dans l’effort de paix. Le peuple, lui, a tenu sa promesse « no justice, no peace ». Faute de justice, ils déclarent la guerre à l’iniquité et se moquent de la devise « protect and serve ».

Que protégeait Darren Wilson en coupant le fil de la vie de Michael Brown ? Quelle noble cause servait-il en fauchant, comme les blés, les espérances de la vie d’un noir de plus qui bouffe arbitrairement les pissenlits par la racine ? Autant de questions qui laissent un goût acre sur le palais. Autant de questions qui flinguent toutes les promesses, tous les symboles et tous les rêves. Autodafé sur Dreams from my Father ! Autodafé sur The Audacity of Hope: Thoughts on Reclaiming the American Dream ! Les souffrants ressortent le treillis kakis et sonnent la charge d’un tumulte éphémère qui ne changera pas le monde. Ce boucan fera office de catharsis avant que la société américaine, radicalisée et racialisée, ne replonge tous ses rebus dans la geôle opaque de la léthargie. Persuadés que la violence symbolique quotidienne ne peut s’incliner que devant une violence plus ahurissante, un homme de l’ombre aux pensée sombres encaisse cela comme une défaite de plus sur son Wall of shame jusqu’à n’en plus pouvoir. Et… hypocrites, on se demandera encore, au moment de l’autopsie de sa trajectoire, comment cela a pu arriver dans une civilisation aussi avancée ?

Balla Fofana

J’écoute Lauryn Hill, Michael Brown. Mike, comme on t’appelle. 18 ans. 18 petites et trop courtes années passées à Ferguson, ville défavorisée à la périphérie de Saint-Louis. 18 petites et trop courtes années passées dans un quartier pauvre à 85% noir. On aurait pu être potes. Parler sport. Toi qui faisais partie de l’équipe de foot de ton lycée. Discuter du dernier album de Rick Ross et se moquer des frasques de Nicki Minaj.

Toi qui rappais, et plutôt bien d’ailleurs. Jouer pendant des heures aux jeux vidéos, toi le grand fan de consoles. Ta mort, celle de Trayvon Martin avant toi, celle de Tamir Rice et celle de plein d’autres jeunes noirs américains sont le symbole de l’injustice sociale qui règne dans le pays de l’Oncle Sam. Pays où le seul fait d’être noir rend suspect. Racisme latent, violence policière pour ne pas dire impunité à tuer, difficulté d’être jeune et noir dans cette Amérique profonde et ségréguée où il manque un Martin Luther King, un Malcolm X. Au lieu de ces grandes figures, les Etats-Unis ont Obama.

Un Obama timoré et bien silencieux sur les violences que subissent les Noirs. Les Noirs, cibles idéales à cause de leur couleur de peau, leur style vestimentaire, leur prénom qui ne correspond pas au standards de le culture américaine. J’écoute Lauryn Hill en attendant la décision du Grand Jury. J’écoute Black Rage, la chanson qu’elle t’a dédiée. La décision vient de tomber. J’écoute Lauryn Hill et j’ai la rage.

Leïla Khouiel

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