Un métro. Un hot-dog. Un taxi. Une enseigne lumineuse branlante clignote. Et le narrateur qui dit : « Chapitre 1. Il adorait New-York, il l’idolâtrait. » S’arrête. Il reprend : « Chapitre 1. Quelle que soit la saison, New York était une ville en noir et blanc. » Un métro, un baiser envolé sur le toit d’un building. Baiser volé. Le narrateur qui tente à nouveau sa chance : « Chapitre 1. Sa vision de Manhattan était trop romantique, comme tout le reste. » Un métro qui nique l’idée. Il bafouille. Abandonne, tout compte fait.

Peu y arrivent du premier coup. Même Woody Allen dans les premières images de son film « Manhattan ». Mais pour vous, on va essayer de vous la décrire… On vient de la voir défiler, sous nos yeux, la Grande Pomme ! Happer un taxi. Le mec est gros, une calvitie bien accomplie, des lunettes triple foyer qui lui couvre plus de la moitié du visage. Il met un coup de frein qui nous ramène à la réalité. Un autre. Un coup de klaxon, s’engouffre dans une ruelle. « Je suis égyptien, j’ai une grande famille ici », qu’il dit, entre deux feux lumineux. Coup de volant, et vlan ! Il nous dépose sur Broadway, on lui fait péter la monnaie. « Et Obama, c’est ton dada ? » Il sourit.

L’auberge est dans Harlem. « C’est devenu branché quand même comme quartier », avoue une habituée. Un mec nous donne la clé de la chambre. Les gars-rappeurs-lycéens-fiers-visiteurs-de-NYC y sont, c’est l’heure de dîner. Des vêtements pendouillent sur les lits superposés. N’importe quel artiste digne de ce nom aurait félicité cette installation artistique qui mêle visuel et odorat. Et puis on fuit déjà, au resto du coin. Un self géant. Monte Laster raconte : « Ce matin, quand vous étiez encore dans l’avion, on a été à Ground Zero. » Kaiz reprend : « La femme qui nous a fait la visite a survécu aux deux attentats des tours (celui de 1993 et celui de 2001). Elle a raconté qu’elle a pu garder son sang froid, comme ça, la deuxième fois, parce qu’elle avait déjà vécu l’expérience. »

Il est 22 heures. Une ultime bouchée de purée. « Et puis, demande à Monte comment c’était le concert d’hier (dimanche) », dit Kaiz. Avant-hier, sur une scène ouverte et calfeutrée du quartier, les rappeurs ont fait leur show. Une heure. « C’était super. Et, en plus, y’avait un gros producteur dans la salle qui leur a parlé avant le concert, et tout », s’emballe Monte Laster.

Le métro (ligne 1) vibre sur les rails. Fonce dans le noir du tunnel. Il n’y a pas beaucoup de monde. Les stations défilent. Elles s’appellent par le numéro de leur rue, les stations, ici. On traverse Manhattan en un rien de temps. On descend à la 42e. Un couple fait la manche, comme à Paris. Comme ailleurs. On sort. Prend une bouffée d’air. Respirations. Expirations. Times Square, en vrai, devant, là, nous, ici, regardant, les lumières, pancartes, publicités, c’est la nuit, encore animée, du monde, partout, des flashs palpitants, des taxis qui déboulent, tous les sens, un flash, une femme, un mec.

On l’avait vu que dans la lucarne, encore. Première fois. Times Square, c’est excitant à voir en vrai. Les lumières saturent. Les magasins sont démesurément grands et attrayants. « Il y a toujours du monde, ici, toute la nuit », dit Monte. La vie ne s’arrête jamais dans la ville. Venez, sur un coup de tête, acheter une paire de baskets à 3 heures du mat’. Venez… Venez… Faire ce que vous voulez, ça vaut le coup !

A l’heure où vous lisez ces lignes, c’est le matin à NYC. A la télé, face à nous, une blonde fait son numéro. Et un pancake brûle dans une poêle. Il pleut. On va bientôt s’engouffrer dans le métro. On va dans le Bronx. Et un mail vient d’arriver : « Eviter le rouge et le bleu, ça rappelle un gang, les Bloods, c’est mal vu. » M. a une doudoune rouge. B. une doudoune bleue. Adieu.

Meklat Mehdi et Badroudine Said Abdallah (New York)

Légende photo du haut (Joanna Maclannan):  Les rappeurs avec Lolita Jackson, survivante par deux fois aux attentas du World Trade Center (1993 et 2001).

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