Il existe en Italie un mal-être associé au sexe féminin. Tant dans la publicité qu’à la télé, où l’on croise des filles, les fameuses vélines, qui se trémoussent épaules et cuisses dénudées devant un animateur qui pourrait avoir l’âge de leur père. Et « notre » papa à toutes, si je puis dire, c’est Silvio Berlusconi. C’est du moins ce qu’on a voulu longtemps nous faire croire. La femme véline est l’image même de la dégénérescence et de la marchandisation de femme, jeune, cela va sans dire. Un corps-objet destiné à la pub pour toutes sortes de produits commerciaux, du jeans à électroménager, avec l’unique but de titiller les hormones et les parties génitales de l’homme, reliées à son cerveau, lequel commande l’achat.

Alors, moi, pourquoi ne suis-je pas devenue une véline ? C’est peut-être à cause du petit kilo de trop dû aux généreuses portions de lasagnes de la mamma, mais surtout parce qu’en Italie, je voulais être une femme. Mes parents m’ont enseigné qu’il fallait semer avant de récolter. Suivant ce principe, beaucoup de jeunes filles comme moi se sont impliquées durement dans leurs études, avec l’espérance qu’un jour, elles trouveraient leur place. Mais le temps passant, je me suis rendue à l’évidence que pour obtenir quelque chose dans mon pays, mieux vaut d’abord donner ou plutôt se donner.

Les quizs télévisés diffusés jusqu’à la nausée participent de cette « évolution » : on y voit des vélines arborant de plongeants décolletés. Tout dans la corps, rien dans la tête. C’est ainsi, à force, qu’apparaissent toutes les femmes. Je me suis donc rendue compte qu’une belle paire de seins et un postérieur bien fait, lors d’un entretien d’embauche, valent bien mieux qu’un diplôme d’étude supérieure, que d’être trilingue ou encore de connaître la « Divine Comédie » sur le bout des doigts.

Ce que j’affirme a, hélas, été confirmé par les dizaines de cas de corruption à caractère sexuel, révélés dans les universités italiennes, notamment aux fins d’augmenter une note à un examen, ou de passer dans la classe supérieure. C’est probablement pour cette raison que de nombreuses adolescentes sont attirées par ces professions « peau nue » qui semblent conférer subitement une sécurité économique. Ce type de notoriété est désormais devenu quasiment l’unique trampoline vers l’emploi.

J’emprunte à Benjamin Franklin cette célèbre expression : « Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale pour obtenir temporairement un peu de sécurité, ne méritent ni la liberté ni la sécurité. » Voilà pourquoi, en Italie, nous ne sommes pas toutes vélines.

L’Italie, mon Italie, le Beau Pays de l’art et de la culture, est donc malade. Je veux croire que cette maladie qui porte deux noms – médiocrité et vulgarité –, n’est pas incurable. J’aime me l’imaginer, mon pays, comme la Belle au Bois Dormant. Elle attend l’arrivée de son prince charmant qui la sortira d’un cauchemar, long, déjà, de vingt ans. Mais ce prince est encore loin et sur son lit de tourments, je ne vois qu’un nain qui la maltraite.

Giada Milanese

Giada a 21 ans, elle est originaire de Pordenone, région de Frioul-Vénétie julienne, en Italie. Depuis deux ans en France, après une année en PAES (Préparation première année des études de santé), elle se réoriente vers le droit. Amoureuse de la lecture et de l’écriture.

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