Rue Hector Berlioz, à quelques mètres de Pablo Picasso et du centre commercial Bobigny 2, le consulat algérien de Seine-Saint-Denis. Situé dans une impasse habituellement calme, depuis trois jours la rue connait un important trafic. Plus que trois électeurs devant lui, Abderrahmane dit « Abbé» pour les intimes, passe enfin la porte du bureau de vote numéro 1.

L’homme d’une quarantaine d’année s’écroule sur un banc, fatigué. C’est qu’il galère depuis une heure dans la salle d’attente du consulat remplie de monde. « Je suis arrivé, la queue allait jusqu’à dehors, j’étais a deux doigts de rentrer, mais je me suis rappelé que c’était le dernier jour aujourd’hui ». En effet dans ce consulat c’est le rush depuis avant-hier : « On n’a pas du tout chômé » me dit une employée du consulat apparemment épuisée.

Le vote va désigner les députés représentant les Algériens de France. Avec 90.078 électeurs, sur 800.000 inscrits dans l’Hexagone, la Seine-Saint-Denis compte la plus grande communauté de France. Ce qui pourrait expliquer la forte affluence des électeurs dans ce consulat. Ici, on vient voter seul, mais le plus souvent en famille avec les enfants. En 2007, le taux de participation a été plus faible que cette année, reconnaît Latifa, une employée du consulat.  » Dès le premier jour, on n’avait pas une minute à nous. C’est peut être l’élection présidentielle actuelle qui a donné envie aux Algériens de venir voter « .

Exceptionnellement cette année, les élections se déroulent sur trois jours, du 8 au 10 mai, au lieu de six. Il s’agissait de ne pas perturber le second tour de la présidentielle française. Une file d’attente qui fait mal à la tête, la chaleur qui revient en ce jeudi 10 mai, en somme tous les ingrédients pour énerver nos chers électeurs. Tout d’un coup, deux femmes sortent des rangs en hurlant, « Les hommes passent devant nous, alors qu’on fait la queue depuis tout à l’heure ! Sous prétexte que nous sommes des femmes alors on reste derrière, je ne suis pas d’accord moi ! » Se plaignant du manque  d’information sur le programme des candidats, Nouria, maman de 43 ans, s’en prend à un responsable :  » J’ai rien reçu, pas de programme donc là j’ai voté à l’aveuglette« , le responsable lui répond qu’envoyer tout les programmes aurait coûté cher. Absurde pour la plupart des Algériens présents en ce jour pour voter.

En discutant avec quelques électeurs présents ce jeudi,  La plupart ne voit pas l’utilité de cette élection législative mais pour eux pas question de descendre dans la rue comme leurs voisins tunisiens, ils préfèrent s’exprimer à travers les urnes. Certains sont inquiets par la présence importante des islamistes, d’autres non. « C’est notre manière d’exister, de nous sentir impliqués dans la politique de l’Algérie » m’explique Sanaa, une jeune algérienne de 26 ans, conseillère dans une banque française. Elle travaille à quelques pas du consulat, elle a pris le temps d’y consacrer sa pause-déjeuner pour venir voter. « On vote pour le changement, la paix, le travail pour les jeunes, des billets d’avion moins chers, un rapatriement des corps en Algérie plus facile et moins coûteux lors d’un décès ». Un seul mot sur toutes les lèvres, du « changement ». C‘est l’état d’esprit de tous ces Algériens de France qui viennent tout juste de vivre l’élection présidentielle française où les Français ont aussi choisi majoritairement « le changement ».

Mohamed Mezerai

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