TOUR D’EUROPE 2014 – Quatrième étape de Rémi à Vilnius, en Lituanie, terre d’abstention. Aux dernières élections européennes, seuls 20% des inscrits ont voté, un taux de participation parmi les plus faibles. Retrouvez son carnet de route et tous les articles sur notre page spéciale.

19h, en franchissant la frontière entre la Lettonie et la Lituanie, je sors pour la première fois de la zone euro. Plus grand pays des baltiques avec environ 3 millions d’habitants, la Lituanie a adhéré à l’Europe en 2004.

20h, mon bus arrive à la gare routière de Vilnius. En un coup d’oeil, je remarque que la capitale lituanienne semble bien plus pauvre que les deux autres capitales baltes que je viens de visiter. Les bus datent pour la plupart des années 1990. Les murs de la gare routière sont gris et couverts d’affiches. Alors que je me dirige vers le centre-ville, je traverse des rues aux maisons presque en ruine. Je découvre avec émerveillement la vieille ville médiévale. Du haut d’un promontoire, je prends 5 minutes et profite du spectacle offert par le soleil couchant. Autour de moi, plusieurs groupes de jeunes se sont aussi donnés rendez-vous autour d’un pack de bière. Un couple s’enlace. Ils sont bien. C’est quelque chose qui revient beaucoup depuis le début de ce voyage. Enfants d’une génération qui a connu le communisme et l’a combattu, ils sont nombreux à n’exprimer qu’une envie : « pouvoir profiter de la vie ». Une bière, un coucher de soleil, des amis. Ce n’est pas beaucoup demander…

IMGP4214IMGP4214Après une bonne nuit de repos, je pars à la rencontre des Lituaniens. Merimas, 19 ans, et son amie Ausrine, 22 ans sont les premières à répondre à mes questions. Ces deux étudiantes de l’université de Vilnius aimeraient s’intéresser à l’Europe, mais elles n’ont pas le temps : « C’est très compliqué, les institutions ne sont pas très claires » regrette la première. Pour ces étudiantes en chimie, le mécanisme législatif européen est un mystère complet. Elles ne voteront pas le 25 mai prochain pour élire leurs 11 eurodéputés.

 

L’Europe, une barrière à la domination de la Russie toute proche

Dans les rues, peu d’affiches incitent les Lituaniens à voter. Jokubas, 22 ans, est étudiant en histoire et en anthropologie. Il s’intéresse beaucoup à l’Europe, mais déplore que les candidats au Parlement Européen soient peu compétents, prenant pour exemple Viktor Uspaskich, leader du Parti du travail [centre, membre de la coalition au pouvoir] qui a récemment été condamné à 4 ans de prison ferme pour fraude fiscale, corruption et comptabilité parallèle. « Tant que les candidats au Parlement Européen seront sélectionnés parmi ceux que l’on ne veut pas ailleurs, les gens ne s’y intéresseront pas » estime ce jeune.

IMGP4230Sur la place de la mairie de Vilnius, Algirdas Saudargas, candidat conservateur et actuel membre du Parlement Européen confirme le désintérêt des Lituaniens : « L’Europe, c’est très loin pour eux. Lors d’une émission de radio, les gens me demandaient plutôt des comptes au niveau national, pour des choses de tous les jours. Ils ont beaucoup de mal à apprécier les prérogatives de l’Europe, encore moins du parlement européen ». Dans un anglais hésitant, ce vétéran de la politique lituanienne m’explique que la participation devrait être plus forte que la dernière fois, tout simplement parce que le scrutin européen coïncide avec le second tour des élections présidentielles.

Les jeunes du Parti Populaire Européen (conservateur) installent une grande bannière en soutien à l’Ukraine. Pour ces militants très engagés en politique, l’Europe c’est avant tout une barrière à la domination de la Russie toute proche, avec l’enclave russe de Kaliningrad. Premier pays à se libérer du joug communiste, la Lituanie a le plus souffert du passage à l’économie de marché au début des années 1990.

IMGP4195Mon hôte, Ana, n’est pas du tout intéressée par la politique. Artiste, elle connaît mieux les cercles de la peinture et de la sculpture que les arcanes du pouvoir. Adolescente, elle a étudié l’art aux Etats-Unis. Après Harvard et Boston College, elle est revenue s’installer dans la maison familiale d’Uzupis, le quartier artistique de Vilnius. De retour d’un voyage en France, elle s’excuse de la pauvre culture culinaire de son pays et tient à se justifier : « En France, c’est facile de faire de bons plats. Vous prenez une excellente tomate, des fruits, un bon steack et c’est bon. Ici, pendant longtemps il n’y avait presque pas de choix. Alors, tout est à base de patate, de viande bouillie et de betterave. C’est pas fameux, mais c’est consistant ». Avant de la quitter, elle me donne la meilleure adresse de cuisine locale dans le centre-ville. Je suis ses recommandations et essaye les « cepelinai ». Ces boulettes sont confectionnées à base de pomme de terre rapées et agrégées avec de l’eau et de la fécule. Elles sont ensuite fourrées à la viande ou au fromage. Pas fameux. Mais consistant ! Je peux prendre le bus sans m’acheter de sandwich, direction Varsovie et la Pologne !

Rémi Hattinguais

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