Ce n’est pas la première fois que la Suisse légifère sur des questions religieuses, mais c’est la première fois que son peuple adopte un article constitutionnel de nature xénophobe, dirigé contre une population plus ou moins définie : les musulmans. Pourquoi xénophobe ? Parmi les 400 000 musulmans vivant en Suisse, certains ont la nationalité helvétique, mais dans l’esprit des citoyens de ce pays, le fait islamique est associé à des provenances étrangères. Jamais, dans les années 70, époque « riche » en référendums proposant de diminuer la population étrangère présente sur le territoire de la Confédération, les électeurs n’avaient dit « oui » : sursaut moral au dernier moment ou intérêt économique bien compris.

Cette fois-ci, un pas a été franchi, celui de la stigmatisation par le vote. Ce mot fort – stigmatisation – est parfois utilisé à tort et à travers ; il est ici parfaitement justifié. C’est toute une population qui se sent visée, rabaissée, non désirée, par un texte qui fait figure de prétexte : la Suisse compte quatre minuscules minarets. Les Suisses, comme souvent, ont voté, entre eux, sûrs de leurs bons droits démocratiques. Mais à l’étranger, cette zone immense dont ils ont tendance à faire abstraction, on les regarde, on les observe.

De la même manière qu’ils n’ont pas hésité à s’assoir sur un tabou – on ne s’attaque pas à des personnes en raison de leurs origines ethniques ou religieuses –, la communauté internationale, vaste entité, pourrait être amenée à s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays qui joue dangereusement avec ses jouets démocratiques. Mais une intervention diplomatique extérieure sur un sujet aussi brûlant pourrait avoir l’effet inverse à celui recherché : une sympathie avec les Suisses qui ont supposément osé voter tout haut ce que beaucoup votent tout bas.

Les rapports entre l’Occident et l’islam sont tendus. Or ce n’est pas agir en responsabilité que d’envoyer, tête d’autruche dans les urnes, des messages aussi puérils que « quatre minarets, ça suffit ». Le refus de l’autre, qui plus est lorsque cet autre est un voisin de palier, ne produit que des malheurs.

Antoine Menusier

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