« Stop, on a eu la peau du dictateur, on doit maintenant retourner à l’école ! », s’exclame Hamid, un étudiant en géologie, cheveux gominés et jean slim. Ils ont entre 17 ans et 25 ans, ils sont des centaines en cette fin de jeudi après-midi à se réunir en petits groupes sur l’avenue Bourguiba, les Champs-Elysées tunisois. Sous une pluie battante, ils ont décidé de braver le mauvais temps pour crier leur soif de liberté mais surtout leur envie de retrouver une vie normale.

« Ça devient n’importe quoi. Les politiques se chamaillent pour des postes de ministres. L’appât du gain revient en force. C’est des querelles sans fin. On doit arrêter la musique. Tout le monde au travail », exige avec force Sarah, une jeune étudiante en économie. « Sous couvert de démocratie, tout le monde veut sa part du gâteau. Certes, il faut dégager les gens du RCD (le parti du président déchu Ben Ali), mais arrêtons de bloquer le pays. On peut avoir des divergences sans pour autant foutre le bazar », conseille Fouzia, étudiante en droit. « On voit débarquer des opposants venus de l’étranger qui ne connaissent rien de la Tunisie comme ce Marzouki (de retour de son exil en France, président du Congrès pour la République, un parti d’opposition tunisien interdit il y  a peu encore). Je ne veux pas de ce mec comme chef d’Etat. Il faut vite trouver un consensus. Et le gouvernement donne le mauvais exemple en ne prenant pas une décision ferme sur la composition du gouvernement », conclut Hamid.

Ces jeunes venus des beaux quartiers de la Menzah, craignent surtout de se faire voler leur révolution. « Pendant que nos ainés se couchaient, nous avons bravé l’interdit et on a défié Ben Ali. On avait soif de liberté et de démocratie. Vous avez eu la génération Mitterrand… Nous sommes la génération Ben Ali, mais on a décidé de couper le cordon ombilical », s’enthousiasme Sarah. « Nous n’avons pas eu peur, notre force était notre insouciance », raconte Fouzia.

Acteurs de la révolte, ils ne se sentent plus concernés par les manifestations actuelles à Tunis. «  Basta, ils veulent nous voler notre révolte. Nous ne sommes partisans d’aucun parti, on veut une démocratie. Je crains qu’un autre tyran arrive pour nous mettre aux ordres. J’ai mon bac à passer cette année, je ne sais pas comment je vais faire », s’inquiète Hanene. « Nous avons montré la voie à nos ainés. C’est à eux maintenant de nous montrer qu’ils font preuve de maturité en établissant une réelle démocratie. Surtout pas un souk en place publique », prévient Sarah.

A proximité, d’autres jeunes venus de la très pauvre région de Sidi Bou Zid, s’avancent en criant des slogans. Face à eux, nos jeunes étudiants sont devenus spectateurs, alors qu’ils faisaient l’histoire il y a quelques jours de cela.

Chaker Nouri (Tunis)

Traduction de l’inscription sur la pancarte : A la poubelle de l’histoire

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