Le mois d’août à Oran, c’est plage et surtout mariages. En cette soirée du jeudi 14, la musique bat son plein dans un quartier proche du centre-ville. Le raï se mêle à la house, la pop music, le chant marocain et l’alaoui. « Saragossa » de Cheb Bilal, tube de l’été, marque son territoire, alors que les intemporels de Cheb Hasni et Khaled refont surface. Trois DJ choisis avec grand soin alimentent un fracas résonnant dans tout le voisinage. Les jeunes filles du village se sont permis les extravagances dernier cri : tatouages arabesques sur le dos, les pieds, les mains, les bras ou le cou, chignons à paillettes, décolletés, robes moulantes à strass…

Peu importe qui se marie, on oublie les rites : ces filles viennent repérer les tenues à la mode, s’amuser, se libérer d’un quotidien parfois étouffant et danser sur des rythmes enivrants. L’euphorie va durer jusqu’à l’aube.

Je suis invitée à Cité Piti. J’assiste à un « mariage mixte », comme on dit (hommes et femmes font la fête dans la même salle). La mariée, Yamina, 26 ans, est une enfant du pays. Le marié, Kader, 39 ans, vit en Belgique. Les deux Oranais sont originaires du même quartier, El Ckmül, et comptent entamer leur nouvelle vie à Bruxelles. Mohamed a réuni cet été sa sœur et ses neveux venus de Clichy-sous-Bois, des cousins résidant dans d’autres villes de France et le reste de la famille d’Algérie.

Le jeudi est traditionnellement le jour où la famille du marié se rend chez la famille de la nouvelle épouse. L’ensemble rejoint ensuite en cortège, sur fond de youyous et rythmes saccadés du karkabou*, le domicile des parents de l’époux, où se trouve la chambre nuptiale. C’est l’occasion de quatre nuits de fête consécutives.

Mohamed et Yamina ont fait les choses autrement. Ils ont organisé le même jour, la fetha, où l’imam procède à l’union religieuse, la cérémonie du henné suivie de l’exposition des cadeaux et bijoux octroyés à la mariée. Le soir, après ces rites qui ont coutume le mardi, un cortège de voitures a mené le nouvel époux et ses proches chez les parents de la nouvelle épouse, le lieu où tous les invités feront la fête. La mariée, elle, changera plusieurs fois de tenues au cours de la soirée et dansera à son gré avec son mari et les convives.

Fini, le mariage qui dure près d’une semaine. La cérémonie du drap de sang, elle, n’aura pas lieu. Quant au rite du vendredi après-midi – celui de la ceinture symbolique passée par-dessus la robe de la mariée, avec jet de bonbons et cacahuètes à la foule – sera expédié dans la nuit du jeudi, peu avant le partage de la pièce montée. Que signifient ces actes ? Je ne sais trop, tant les versions sont diverses. Les habitudes du cérémonial ont beaucoup changé ces dix dernières années. Question de mœurs et de moyens financiers.

Place à la pièce montée. Habib, 20 ans, le neveu de Mohamed, et Leila, 19 ans, au chignon pailleté et rouge à lèvre brillant, se divisent les yeux dans les yeux leur part de pâtisserie. Une complicité est née à la faveur des jeux de séduction et danses entre jeunes filles et garçons. « Elle m’a donné rendez-vous samedi, lance Habib qui se dandine en baskets et chemise par-dessus le pantalon. – Tu vas y aller ? – Ben ouais, je la trouve mignonne. Mais après on verra… » Ainsi va le lien sentimental, en août, à Oran.

Nadia Boudaoud

*Groupe de musiciens jouant des castagnettes métalliques et de la derbouka sur du chant sacré.

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