« Ce jour sera à jamais gravé dans nos mémoires, après des semaines de résistance, de gueulante, de douleur, de haine et de mort, nous voilà enfin LIBRES ! » Ces paroles, on peut enfin les entendre dans les bouches des Egyptiens. Les appels, les textos et les messages de mes compatriotes fusent sur mon portable et mon compte Facebook : « Ça y est ! Il est parti ! ». La place Tahrir devrait être rebaptisée, la place de la Liberté. Une grande fête attend le pays. Pourtant hier, rien n’était encore gagné. Lorsque Hosni Moubarak annonce en direct qu’il délègue ses pouvoirs exécutifs au Premier ministre Omar Souleimane, il y a comme un arrière-goût « d’arnaque » et le peuple enrage un peu plus.

Une marche en direction du palais présidentiel s’organise alors pour ce vendredi. Le mot d’ordre est de bouger de manière pacifique, sans dérapage. En ce jour saint chez les musulmans, la prière du vendredi a été faite avec un seul désir au cœur : que le président parte. Et la prière fut exaucée. Le lion est mort ce soir, il a bel et bien pris ses jambes à son cou. Peut-être a-t-il eu peur de cette foule qui se dirigeait vers son palais, chaussures à la main.

Dans la culture égyptienne, le lancer de chaussure est un geste très fort, aussi injurieux qu’un doigt d’honneur (Bush fils en avait fait les frais). Cette fois, le geste était pour Moubarak.  Après tous ces martyrs, morts pour leur nation, pour la liberté de leur pays chéri, voilà enfin un peuple qui respire, qui crie enfin de joie et non de douleur. « L’Egypte d’aujourd’hui est une nation libre et fière, que Dieu la bénisse. La vie recommence pour nous et mon message au peuple égyptien est que vous avez gagné la liberté […] Faisons-en le meilleur usage et que Dieu vous bénisse », exulte Mohamed El Baradeï, ancien patron de l’AIEA et prix Nobel de la paix sur la chaîne qatarie Al-Jazeera.

Ce 11 février 2011 est un nouveau jour pour l’Egypte. Une renaissance pour ce peuple qui s’est battu des semaines, se privant de sommeil, de boisson, de nourriture, manifestant loin des proches. Les Egyptiens sont euphoriques, mais ils craignent une transition quelque peu houleuse. Après le départ du pharaon, qui va lui succéder ? Pendant toutes ces années, l’humiliation, la peur et la surveillance rythmaient la vie des Egyptiens. Maintenant que Moubarak n’est plus là, comment gérer cette transition vers une démocratie qui se doit d’être égalitaire ? Si un militaire doit prendre la tête du pays, il ne faut surtout pas qu’il y reste de nouveau trente ans.

L’étincelle tunisienne aura mené à l’explosion égyptienne. Après le départ de Ben Ali c’est Moubarak qui prend la fuite. Cela sonne comme un renouveau pour l’Afrique du Nord. Samedi, une marche à Alger s’annonce difficile. La capitale est quadrillée par les forces de l’ordre mais cette victoire égyptienne va sûrement motiver davantage l’opposition. Egyptiens et Algériens, ennemis d’hier à cause d’un ballon de foot, vont peut-être enfin s’unir dans une même envie de Liberté.

L’Egypte vit un des plus grands moments de son histoire et je ne peux cacher ma joie. Voir les siens rire aux éclats ne peut qu’être émouvant et réjouissant.  Ce soir je vais fêter l’événement avec les Egyptiens de la diaspora sur les Champs-Elysées. Baladi Masr ! Baladi Masr ! (Mon pays l’Egypte !) voilà ce qui résonne dans mon cœur…

Iness El Laboudy

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