Fin mars, de nombreuses manifestations ont secouées le nord de l’Inde, notamment Delhi et Dharamsala, afin de protester contre la visite du Président chinois Hu Jintao. Pouvez-vous expliquer pourquoi la communauté tibétaine vivant en Inde a réagi ainsi ?

Hu Jintao était à Delhi du 28 au 30 mars pour assister au sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde Chine et Afrique du Sud). En tant que Tibétains vivant en exil nous devions manifester afin de mettre en lumière les évènements qui se passent au Tibet. Récemment des dizaines de personnes se sont immolées et des milliers de Tibétains ont manifesté. Lors des marches de protestation qui ont eut lieues les 23 et 24 janvier  dans la province du Sichuan (est du Tibet), la police a ouvert le feu sur les manifestants, quelques uns sont morts, plusieurs dizaines ont été blessés et d’autres emprisonnés. Ces protestations qui se déroulent à l’intérieur du Tibet sont une conséquence directe de la situation vécue par les habitants sous l’occupation chinoise : violence, répression policière, répression religieuse, tentative de destruction de la culture tibétaine, etc. Quand de telles crises se déroulent au Tibet nous, Tibétains en exil, ne pouvons pas rester immobiles alors même que le Président chinois est en visite en Inde. Car pour nous, il est à la fois le responsable de ces crises et l’architecte des violations des droits de l’homme qui sont perpétuées au Tibet.

Etiez-vous présent à la manifestation du 26 mars pendant laquelle un jeune activiste Tibétain s’est immolé ?

J’étais en effet présent à la manifestation que plusieurs organisations tibétaines avaient organisée à New Delhi deux jours avant la venue du Président Hu Jintao. Par conséquent j’ai été témoin de l’immolation de Jamphel Yeshi, Tibétain de 26 ans qui vivait en exil à Delhi depuis deux ans. Cette pratique est de plus en plus courante en Chine mais c’était la première fois qu’un tel évènement se passait en Inde.

Selon vous, pourquoi a-t-il choisi un moyen d’action aussi radical ?

C’est une décision individuelle, et effectuer un choix si extrême équivaut à un très grand sacrifice pour la cause Tibétaine.  Etant donné que les médias internationaux et les observateurs indépendants ne sont pas autorisés à se rendre au Tibet, ils ne peuvent pas témoigner de la situation. C’est donc pour porter sur le devant de la scène la problématique des Tibétains que certains d’entre eux prennent la tragique décision de s’immoler. J’estime qu’il s’agit d’une déclaration politique de forte intensité adressée au régime communiste Chinois. Cela signifie qu’en dépit de l’occupation physique du Tibet, le gouvernement ne peut contrôler ni l’esprit ni le cœur des Tibétains. Ils continueront à résister et à protester contre le régime et l’occupation illégale du Tibet.

Quelle a été la réaction du gouvernement indien pendant les manifestations ?

Cette fois-ci le gouvernement indien a fortement réprimé les protestations des Tibétains. Des centaines d’étudiants ont été arrêtés, (les arrestations ont été justifiées par la police car les associations tibétaines ont manifesté sans avoir reçu les autorisations nécessaires). Certains des activistes détenus ont même été envoyés plusieurs heures dans une prison de Delhi réservée aux criminels. Par la suite des ONG ont porté plainte et une affaire est en cours pour savoir si la police avait légalement le droit d’envoyer de simples manifestants dans cet établissement pénitentiaire. En tout cas cela me désole de voir que dans une démocratie on ne puisse pas s’exprimer librement. Nous sommes ici dans un pays libre et nous ne pouvons accepter que la dictature chinoise affecte les valeurs démocratiques de l’Inde. Dans la lutte pour notre cause nous avons besoin de plus de soutien de la part de l’Inde. A l’échelle individuelle, de nombreux Indiens nous soutiennent, mais à l’échelle nationale nous réclamons le soutien du gouvernement pour condamner les violations des droits de l’homme conduites par la Chine.

Maïna Fauliot

Publié le 31 mai 2012

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