C’est dans le cadre de ses études de droit que Walid* a quitté Jérusalem pour Paris, il y a sept ans. Sa spécialité ? Le droit international. Son objectif ? Faire bouger les choses pour son pays. Aujourd’hui, ce palestinien est ferme : « en réalité, le droit international n’existe pas ». 

Depuis le 7 octobre, les émotions se bousculent dans l’esprit de ce jeune homme. Entre inquiétude, tristesse, espoir et déception. « C’est très difficile de faire partie de la diaspora quand la guerre éclate dans ton pays. Tous les amis palestiniens, avec qui je suis en contact ici, sont en dépression » soupire-t-il, les yeux rougis par la fatigue des nuits sans sommeil.

Au lendemain de l’attaque du Hamas, le jeune homme s’attendait à une réponse massive d’Israël. Pour autant, il pensait que « ça ne durerait « que » quelques jours » et que la communauté internationale obtiendrait rapidement un cessez-le-feu. « On a l’habitude des attaques, mais là 20 jours de bombardements intensifs et des milliers de morts, c’est trop ! Ils se fichent du droit international, ils veulent effacer la Palestine de la carte. » s’indigne Walid.

 J’ai regardé un jour ou deux la télévision française, puis j’ai éteint

Sur la position de la France, il ne cache pas sa déception. « Je m’attendais à ce que le pays des droits de l’Homme tienne sa ligne habituelle et prône la médiation, mais en réalité la  France suit la position des Etats-Unis». Il déplore également le traitement médiatique du conflit : « J’ai regardé un jour ou deux la télévision française, puis j’ai éteint » admet-il. Walid compose avec l’angoisse et la peur quotidienne de perdre ses proches. Une angoisse qu’il garde pour lui. Au travail, il préfère ne pas aborder le sujet, sauf si on lui pose des questions. Il raconte que chaque appel avec sa famille le terrifie et le rassure à la fois. Une famille qui vit au rythme des coupures d’électricité, des manifestations et de la répression, « les gazaouis sont sous le feu des bombardements mais rappelons que la guerre touche tous les palestiniens ». 

Entre angoisse et désillusion

Alors qu’en France, les sorties politiques indécentes s’enchaînent concernant cette guerre, Walid insiste pour distinguer la position des représentants politiques à celle du peuple français « je reçois beaucoup de soutien de la part d’amis et de professeurs qui prennent régulièrement de mes nouvelles. Je suis conscient que la politique française ne représente pas tous les français. » décortique-t-il, avant de faire le parallèle avec d’autres grandes mobilisations à l’international comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne : « le soutien massif des peuples est très important pour la résistance palestinienne ».

Il faut stopper le massacre et entamer les négociations

Dimanche dernier le jeune homme a participé à la manifestation de soutien à la cause palestinienne, place de la République, la première autorisée dans la capitale – après celle de jeudi 19/10, autorisée au dernier moment. « Voir cette foule massive et cosmopolite réunie pour soutenir la Palestine, ça fait du bien. Il y avait beaucoup de jeunes, des personnes de toutes origines. C’est important ». Pour le trentenaire, « c’est la pression des peuples qui pourra appuyer la nécessité d’un cessez-le-feu. C’est l’urgence. Il faut stopper le massacre et entamer les négociations ». Walid plaide pour un boycott pacifiste, économique et culturel d’Israël et de ses soutiens, il cite notamment le boycott de Mc Donald, qui commence déjà à prendre de l’ampleur.

Pour moi, la France était le pays des libertés

En arrivant en France, l’étudiant en droit s’attachait à l’image du pays des droits de l’Homme. C’était sans compter ces dernières semaines, rythmées par les interdictions de manifestations en soutien à la Palestine : « j’ai été profondément choqué par ces interdictions. Pour moi la France était le pays des libertés mais ce pays ne respecte pas ses citoyens. Pour moi, Macron profite de la situation pour s’en prendre aux activistes français, aux syndicalistes… C’est un tournant autoritaire qui dépasse la question du conflit israélo-palestiniens ». 

Lorsqu’on l’interroge sur ses craintes, Walid admet « oui j’ai peur, j’ai un titre de séjour, je fais attention à ce que je dis sur les réseaux sociaux. Quand on voit qu’ils ont interpellé des syndicalistes de la CGT pour leur position sur la question, alors qu’ils sont français,  j’imagine ce qu’ils me feraient à moi, en tant que palestinien ». 

 

Céline BEAURY

*  Le prénom a  été modifié

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