« J’avais dix ans, je vivais dans le sud, dans ma petite campagne et un jour, j’entends une musique gospel à la radio. Ça m’a poignardé, car je n’avais jamais entendu une musique aussi puissante. J’ai beau avoir fait des études de piano classique, j’aimais les choses plus simples et populaires », se souvient Valéry.

Le futur metteur en scène cultive très tôt son amour de la musique noire américaine. Originaire du sud-ouest de la France, il est tout de suite séduit par ce style. « C’est un genre très généreux qui fait don de soi à 400 %. Dans la musique classique, il y a un climat particulier, il y a une certaine retenue qui ne me convenait pas », expose-t-il.

Au classique, il préfère l’authenticité des voix afro-américaines. « C’est une musique de dingue ! C’est un style solaire, mais qui restait chargé d’une douleur profonde, de ce qu’enduraient les Noirs aux États-Unis. Et ces musiques étaient aussi des messages véhiculés qui donnaient de la force au peuple. » L’idée germe d’un jour créer une œuvre autour de la musique noire américaine, une sorte d’hommage à tous ces artistes qui l’ont émerveillé plus jeune.

Un passage déterminant à Londres

Quelques années plus tard, Valéry rejoint l’Outre-Manche grâce à une bourse d’étude. Là-bas, il y développe une appétence pour la comédie musicale et y fait de nombreuses rencontres déterminantes pour la suite de sa carrière. Il résume son chapitre londonien ainsi : « J’ai pu intégrer des gros shows comme Martin Guerre. Mon expérience là-bas était folle, j’y suis resté quatre ans avant de revenir en France et m’installer à Paris. »

Fort de ses expériences, Valéry intègre la troupe de la comédie à succès « Le Roi Lion », dans laquelle il interprète le personnage de Banzaï. Durant une année de résidence au théâtre Mogador, il y rencontre ceux qui formeront le casting de Black Legends. À cette époque, le projet n’est encore qu’une ébauche. « En cours d’année, je me suis demandé s’il n’y avait pas quelque chose à faire avec les doublures et ceux qu’on ne voit pas beaucoup sur le devant de la scène. J’ai commencé par un premier projet axé sur le jazz et la soul, qui a rencontré son public. » 

« Voyant le succès de ce projet, je me suis mis à travailler sur ce qu’allait devenir Black Legends. J’y ai mis mon cœur et toute mon énergie », témoigne le metteur en scène.

De l’esclavage à l’élection de Barack Obama

Valéry se lance donc dans l’élaboration de cette fresque musicale, retraçant la fin de l’esclavage, la ségrégation jusqu’à l’élection de Barack Obama en 2008. Pour ce faire, il lui a fallu opérer une sélection entre les chansons et les évènements marquants de l’histoire à traiter sur les planches.

« La sélection s’est faite à partir des événements majeurs qui ont marqué l’histoire des États-Unis. Ensuite, j’essayais de choisir des chansons qui représentaient le mieux chaque évènement. » Un mélange homogène prend forme : du blues au RnB des années 2000 en passant par le funk. Le spectateur se laisse alors transporter par les réinterprétations magistrales de « Hit the Road Jack » de Ray Charles ou encore « Think » d’Aretha Franklin.

Black Legends offre un spectacle exceptionnel digne des grands shows de Broadway. On s’y croirait presque au vu des chorégraphies, de la scénographie, des performances vocales que livre la troupe.

Défendre des causes et des thématiques à travers mon art

Par le biais de cette pièce, le metteur en scène rend un vibrant hommage aux grandes figures de la lutte pour les droits civiques. Des artistes tel que Sam Cooke ou des grandes figures politiques comme Martin Luther King et Malcolm X sont longuement évoqués durant le spectacle. Le metteur en scène entend « défendre des causes et des thématiques qui [lui] sont chers à travers [son] art ».

Durant la conception de l’œuvre, le metteur a soigné l’aspect émotionnel du show. « Je n’ai pas eu une démarche intellectuelle au moment d’écrire la pièce. À partir du moment où je suis touché, j’agis sans trop me poser de questions. Je l’ai fait car je ressentais un racisme encore trop présent aux États-Unis, mais aussi dans mon pays. »

10 ans de sacrifice et le succès au rendez-vous

Valéry et sa troupe ont donc mis dix ans pour présenter le spectacle au théâtre Bobino à Paris. Des années de galères au cours desquels Valéry a pratiquement tout perdu. « J’y ai laissé ma maison pour financer ce projet. Je m’étais retrouvé à loger chez un ami pendant un an. Puis, il y a eu la crise sanitaire pile au moment où mon frère voulait produire la pièce. Il a perdu ce qu’il avait investi, cette période de ma vie était vraiment compliquée. »

Le fruit de longues années de combat, de perfectionnement et de détermination

Tous ses efforts n’ont pas été vains, puisqu’à ce jour plus de 90 000 curieux se sont pressés à Bobino pour voir le show. Fort de son succès, le spectacle devrait entamer une résidence d’un an à Paris à la rentrée prochaine pour une nouvelle version. « Tout ça est le fruit de longues années de combat, de perfectionnement et de détermination. Je suis en train de vivre un rêve. Finalement ça valait le coup de tout perdre pour vivre ce moment-là ! (rires) » 

En attendant la deuxième saison de Black Legends, la troupe se produira sur la scène de la cérémonie des Molières en mai prochain.

Félix Mubenga

Crédit photo : Nicolas Friess, agence Hans Lucas

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