Adel Amara est un homme de terrain connu dans le Val-de-Marne. Nous en avons la preuve dès notre arrivée à Chennevières-sur-Marne. Abdou, un jeune homme à qui nous avons demandé notre chemin, nous explique avec un grand sourire qu’Adel Amara était son ancien surveillant au collège Elsa Triolet à Champigny-sur-Marne. « J’ai vu sa candidature sur les réseaux et depuis je partage absolument tout pour que les gens aillent voter », déclare-t-il avec fierté. Et pour cause, Adel Amara est un pur produit du 94. Il a grandi à Villiers-sur-Marne avec ses trois frères.

Sa candidature aux législatives dans la quatrième circonscription du Val-de-Marne (Chennevières-sur-Marne, Ormesson-sur-Marne, Sucy-en-Brie, Villiers-sur-Marne) suscite un engouement sans précédent. Médiatique, mais aussi public. Près d’une centaine de personnes ont assisté au lancement de sa campagne le jeudi 20 juin à Villiers-sur-Marne, certaines se sont retrouvées debout faute de place. Un succès qui surprend l’intéressé. «  Je ne pensais pas que la salle serait remplie », admet-il.

Ce grand saut dans les législatives s’inscrit dans la continuité du parcours de cet homme de 37 ans. Son engagement associatif a commencé dès l’adolescence. « À 16 ans, j’ai été éducateur sportif et culturel », explique-t-il. Après avoir raté son baccalauréat à trois reprises, il s’inscrit dans une formation spécifique pour le repasser. Puis, il obtient une licence de droit à l’université Paris-Est Créteil. Adel Amara a depuis entamé une thèse.

L’engagement associatif et le rôle des grands frères

Adel Amara s’est engagé dans le monde associatif « parce qu’il a beaucoup reçu ». Il souhaitait en retour transmettre aux plus jeunes. Ceux qu’ils appellent « ses grands frères » ont eu une importance capitale dans son parcours. «  Ils m’ont transmis des valeurs de respect, de solidarité et de droiture. On avait accès à des personnes qui avaient un capital intellectuel », souligne-t-il. Adel Amara cite spontanément le sociologue Marwan Mohammed. « Marwan est mon grand frère, on débat sur tout avec lui, on échange régulièrement. Il a façonné nos discours et mon parcours politique », affirme-t-il.

Le militant associatif se définit comme étant un « enfant de l’éducation populaire ». Des propos corroborés par Omar Slaouti militant à Argenteuil et bien connu dans le milieu associatif pour son engagement dans les luttes antiracistes. «  Il a une soif d’apprendre, il lit beaucoup et a une volonté de partager les savoirs. Par exemple, il va faire venir dans sa ville des personnes spécialisées dans des domaines pour aller à la rencontre des habitants, organiser des séminaires et pour moi ça relève de l’éducation populaire. La vraie force d’Adel c’est sa légitimité de terrain », déclare ce dernier.

Adel a été très impliqué pour mettre fin aux rixes entre Villiers et Champigny, car c’était un fléau à l’époque

En 2010, il devient le président de l’association C’Noues et s’occupe du club de futsal. L’élu va se consacrer pleinement à ce rôle de leader associatif. Au fur et à mesure de nos rencontres avec ses proches, on comprend qu’Adel ne jure que par le terrain. Aller à la rencontrer des habitants, discuter avec les plus jeunes, mener des projets. Sa petite cousine Nawel le décrit très bien. « Adel c’est quelqu’un de pugnace, je le vois très peu, car il fait tellement de truc en même temps ! », assure l’adolescente de 17 ans.

Son frère Hocine, membre de son équipe de campagne, abonde. « Adel, c’est quelqu’un de sérieux, déterminé, et très marqué par les injustices. Il se bat au quotidien contre ça. Il a été très impliqué pour mettre fin aux rixes entre Villiers et Champigny, car c’était un fléau à l’époque », relate ce fonctionnaire de 32 ans.

 

Lutte contre les rixes de quartier

On ne peut pas évoquer Adel Amara sans revenir sur son rôle dans la fin du conflit entre les deux cités du 94. En expliquant cette histoire, il nous accompagne instinctivement vers Serge Adien, un des acteurs qui a mis fin aux violentes rixes entre les deux quartiers, « car c’est tout un collectif qui a réussi à mettre fin à ces luttes ».

Dans les années 1970, les jeunes de la cité du Bois l’Abbé à Champigny-sur-Marne et la cité des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne prenaient part à de violentes rixes inter-quartiers. Des cycles de violences qui se reproduisaient de génération en génération. Et Adel Amara a connu ces rixes et y a participé dans les années 2000. « On a été conditionné par cette rivalité dès le collège par nos aînés. Il fallait être en opposition aux mecs du bois l’abbé », relate-t-il.

On a recréé du lien entre ces jeunes des deux quartiers, on se devait de mettre fin à ces combats

En 2017, un jeune lycéen de 18 ans est agressé à Champigny-sur-Marne, il reçoit plusieurs coups de couteau. Après ce drame, les plus grands du quartier se réunissent. « On s’est dit que l’on devait mutualiser nos forces, avoir le même discours auprès des jeunes. Leur expliquer que, nous aussi, on s’était battus et que ça ne nous avait rien apporté. On a montré cet exemple-là, on a recréé du lien entre ces jeunes des deux quartiers. On se devait de mettre fin à ces combats », raconte avec force Adel.

« Même s’il reste modeste, c’est lui qui est à l’origine de ce collectif. Pendant des années, il venait nous voir pour mettre fin à tout ça, trouver des solutions, il y a cru dès le départ », appuie Serge.  Le Bondy Blog avait d’ailleurs publié la tribune du collectif à l’origine de la fin de ces violences.

Cette réussite des grands du quartier envers les plus jeunes a été un des déclics qui a donné envie Adel de faire son entrée en politique en 2020.

L’entrée dans l’arène politique en 2020

Son projet politique a été pensé dès 2017, puis la résolution de ce conflit entre les deux bandes a été un révélateur. «  Je me suis dit, avec le peu de moyens que l’on avait, on a réussi à faire quelque chose, à résoudre ce problème, alors si on avait les moyens de la ville, imaginez ce que l’on peut faire », retrace-t-il.

C’est la raison pour laquelle il se présente aux municipales de 2020 à Villiers-sur-Marne face à l’expérimenté candidat Les Républicains, Jacques Alain Benisti, 72 ans, maire de Villiers-sur-Marne depuis 1995. Un défi de taille et pourtant malgré sa défaite, il réalise un excellent score pour un nouveau venu : 16,92 %.

Le candidat du Nouveau Front populaire devient alors un élu d’opposition combatif. « Au conseil municipal, j’amène une opposition associative », explique-t-il, tout en insistant sur la nécessité de faire sortir la politique du conseil municipal. C’est ce qu’il entreprend notamment avec sa chaîne Youtube. «  Je fais un compte rendu des séances, je donne aux habitants un accès aux décisions prises. »

Une proximité qui porte ses fruits puisque les gens sont reconnaissants et aujourd’hui sa candidature représente un espoir. « Je sens un engouement cette fois-ci. En 2020 on n’était pas beaucoup et là, c’est la première fois de ma vie que je ne fais pas certaines choses ! Pour le barbecue, habituellement, c’est moi qui le fais. Mais là, il y a des personnes qui ont intégré l’équipe et qui le font », plaisante-t-il. « Maintenant, il faut que cet engouement se traduise dans les urnes ».

Une mobilisation forte, dans l’urgence

Le groupe WhatsApp du candidat compte 350 personnes qui se proposent d’aider. « On ajoute même dix personnes par jour, c’est une belle mobilisation », indique Jeremy Legros acteur associatif et membre de son équipe de campagne.

Le candidat du Nouveau Front Populaire est également engagé dans la lutte contre l’islamophobie. Il a été un des initiateurs d’un plan de lutte départemental dans le Val-de-Marne. Une initiative dont l’objectif est de préserver l’État de droit, et de lutter contre l’islamophobie, avec une ligne antiraciste.

Investi dans l’urgence pour les législatives, le défi pour Adel Amara est de taille, mais il a toujours voulu être dans cette position. Même si les délais sont serrés, il se donne aussi pour objectif de convaincre les abstentionnistes. « Il y a beaucoup de résignation dans notre camp, de fatalisme et ce sont ces personnes-là que je veux mobiliser en priorité », précise-t-il.

Vous ne mesurez pas à quel point votre candidature va apporter à cette jeunesse, nos enfants ont besoin de se projeter

Dans la salle Émilie Carles, à Villiers-sur-Marne, les “ADEL Député” sont scandés par le public. Une jeune maman prend la parole avec émotion pour le remercier. « Vous ne mesurez pas à quel point votre candidature va apporter à cette jeunesse, mes enfants, nos enfants ont besoin de se projeter et ils vont pouvoir le faire grâce à vous. » Une déclaration qui illustre le besoin d’avoir des candidats représentatifs des quartiers populaires.

Les investitures de la société civile à gauche restent limitées malgré les nouveaux profils mis en avant par la France insoumise. C’est pour cette raison qu’une investiture comme celle d’Adel Amara est indispensable pour briser le plafond de verre et faire émerger des candidats issus des quartiers populaires. Adel Amara le promet : « Si je suis élu, je serai mobilisé, accessible et sur le terrain comme je l’ai toujours été ».

Aïssata Soumaré

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