21h10. Tournoi de foot en salle en hommage à Zyed et Bouna. Gymnase Armand Desmet, à Clichy-sous-Bois. Le suspense est à son comble. Les deux mi-temps de 10 minutes n’ont pas départagé les deux équipes finalistes, qui sont à égalité (2-2). L’issue du match se détermine aux tirs-aux-buts. Le troisième tireur de l’équipe « Génération 2004 » fixe le gardien, puis s’élance pour frapper son pénalty… BUT !

Les spectateurs, euphoriques, foncent sur lui en hurlant de joie. Une foule en liesse célèbre le sacre de « Génération 2004 », qui remporte la 17e édition du tournoi de foot en salle en hommage à Zyed et Bouna.

Sacre de l’équipe victorieuse – @ Ayoub Simour

Depuis la mort tragique des deux Clichois en 2005, un tournoi de foot en salle est organisé tous les ans à Clichy-sous-Bois par Siyakha et Gaye Traoré – les deux grands frères de Bouna – ainsi que par leurs proches :

C’est une journée toujours très importante pour nous. On réunit les habitants de la ville pour se souvenir d’eux et faire honneur à leur mémoire, explique Siyakha Traoré.

Le foot, sport collectif, spectaculaire et très populaire, se prête bien aux grands événements de ce type. Mais ici, ce sport a également une dimension particulière. « Si on a décidé de dédier cette journée commémorative au foot, ce n’est évidemment pas pour rien. Zyed et Bouna adoraient ce sport, et lorsque le drame est arrivé, ils revenaient justement d’un match de foot. A nos yeux, c’est très symbolique », précise Gaye Traoré.

Un tournoi ouvert à toutes et à tous

Pour participer au tournoi, c’est très simple : il faut former en amont son équipe, qui doit être composée de cinq joueurs et de trois remplaçants, puis s’inscrire auprès des organisateurs. En plus des nombreuses teams de Clichois, il y avait par exemple une équipe de joueurs de Champs-sur-Marne, venus pour honorer la mémoire de Gaye Camara ; ou encore celle composée de joueurs de Beaumont-sur-Oise – qui a d’ailleurs atteint la finale –, venus représenter le comité Adama Traoré.

Le tournoi, ouvert à tous, est victime de son succès : « On a beaucoup de gens qui nous contactent pour participer donc on fait au mieux. Malheureusement, c’est impossible de faire jouer tout le monde, déplore Gaye Traoré. On priorise d’abord ceux de la ville et, quand il reste de la place, c’est avec plaisir qu’on fait participer des gens du reste de l’Île-de-France ».

C’était la première fois qu’on faisait jouer les petits. Aucun d’eux n’était né en 2005, et pourtant cette histoire leur tient à cœur

Pour cette 17e édition, les organisateurs ont décidé d’innover en permettant également aux plus jeunes de participer au tournoi. La journée a été divisée en deux, le matin étant réservé aux matchs entre U13 – autrement dit les jeunes de 12-13 ans. « C’était la première fois qu’on faisait jouer les petits et j’ai trouvé ça très émouvant, déclare Siyakha Traoré. Aucun d’eux n’était né en 2005, et pourtant cette histoire leur tient à cœur ».

Dans les gradins, on trouve des jeunes hommes, des jeunes femmes, des enfants, des parents… Tous sont venus rendre hommage aux deux défunts autour d’un moment qui se veut très convivial. Au programme : « du foot, de la graille et de la musique, donc tout ce qu’il faut pour passer une excellente journée », détaille Brahim, qui a participé à l’organisation du tournoi.

17 ans après : « Il y a toujours autant d’ambiance et ça nous fait très plaisir »

17 ans après, nombreux sont ceux qui font le déplacement pour cette journée, ce qui ravit Gaye Traoré : « On aurait pu imaginer que les gens allaient moins se mobiliser, que cet événement allait se banaliser au fur et à mesure, mais pas du tout ! Il y a toujours autant d’ambiance et ça nous fait très plaisir ».

Mettre le feu pendant le tournoi, c’est le rôle de Moussa. Avec beaucoup d’humour, il commente tous les matchs, micro en main, depuis la première édition : « Comme d’habitude, je me suis régalé, c’est un vrai kiffe d’animer ce tournoi. J’essaie à chaque fois de donner le sourire aux gens pour faire honneur à ceux pour qui on organise tout ça ».

Au-delà du foot, un tournoi pour « partager des valeurs et des principes »

Autre nouveauté cette année, les organisateurs ont voulu sensibiliser le public au handicap visuel. Entre la phase de poules et la phase finale du tournoi des adultes, trois joueurs de cécifoot – le football pour malvoyants – ont pu présenter leur sport pendant une quinzaine de minutes. L’un d’eux en a profité pour faire passer un message fort au public : « On est venus pour vous montrer que la vie ne s’arrête pas quand on fait face à une difficulté ».

Il ne faut pas oublier pourquoi on est là aujourd’hui : faire de la sensibilisation sur différentes causes et véhiculer des messages pacifiques et bienveillants

Au-delà des retrouvailles festives, ce tournoi a ainsi également vocation à « partager des valeurs et des principes », selon les mots de Siyakha Traoré. « C’est bien de jouer au foot, mais ça on peut le faire tous les jours, et il ne faut pas oublier pourquoi on est là aujourd’hui. On profite donc de ce tournoi, du fait qu’il y ait beaucoup de monde, pour faire de la sensibilisation sur différentes causes et véhiculer des messages pacifiques et bienveillants », ajoute son frère Gaye Traoré.

Ayoub Simour

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