Le Bondy Blog : Si tu devais te présenter auprès de nos lecteurs…

Rémy : Moi, c’est Rémy. J’ai 21 ans, j’ai grandi dans la cité du Pont Blanc à Aubervilliers. J’ai commencé à rapper à l’âge de 10-11 ans. Il y a six mois, j’ai sorti mon premier single On traîne et c’est ce qui m’a permis d’en être là aujourd’hui avec mon premier album.

Le Bondy Blog : Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans le rap ?

Rémy : C’est peut-être l’environnement dans lequel j’ai grandi. Après, il y a beaucoup de choses qui m’ont poussé à rapper mais j’ai toujours aimé cette musique en soi. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais des compilations de Planète Rap, par exemple. On y trouvait des morceaux de Rohff, Mac Tyer, Booba et même Manau, les rappeurs bretons. Je les écoutais, je connaissais leurs chansons par cœur ! Côté rap américain, j’ai écouté un peu de Akon.

Le Bondy Blog : Dans ce premier album, tu revendiques à plusieurs reprises être originaire d’Aubervilliers. Peux-tu nous parler de ta jeunesse et ton rapport à cette ville de Seine-Saint-Denis ?

Rémy : J’ai grandi dans une cité, donc j’ai connu la même jeunesse que beaucoup de gens qui vivent dans les quartiers. C’est-à-dire qu’on n’habite pas dans des maisons ou des résidences privées de 2-3 étages mais dans des immeubles, des tours. Dans une cité, on est toujours ensemble, on grandit ensemble, il y a toutes les cultures, tout le monde se connaît. En fait, c’est plus facile à vivre qu’à expliquer !

Mon rapport avec Aubervilliers aujourd’hui ? Ce que j’aime bien c’est que tout le monde est derrière moi. Je sens une véritable solidarité. Lorsque j’ai commencé à percer, ils m’ont dit « représente nous, frère ! C’est bien ce que tu fais, tu ramènes le bon rap« .

Le Bondy Blog : Tu évoques également les drames que tu as pu vivre dans ta cité. Tout cela t’a-t-il donné l’envie de quitter Aubervilliers plus jeune ? 

Rémy : La vie est faite de bons et de mauvais moments. Aubervilliers, c’est là d’où je viens. Alors bien sûr j’y ai vécu des choses tristes mais c’est mon passé et il faut que je vive avec. Par moment, je me disais « Quelle vie de merde ! » en voyant d’autres jeunes de mon âge avoir une meilleure vie que la mienne. Après les cours, ils avaient de quoi s’occuper alors que nous, dans la cité, on n’avait rien. On se rend compte que le quartier, ce n’est pas pour toute la vie et qu’il y a des choses à découvrir ailleurs. Mais je ne regrette pas du tout ma jeunesse et je ne le changerait pour rien au monde.

Le Bondy Blog : Dans ton opus, par moment, on te sent nostalgique, mélancolique et très lucide sur l’environnement qui t’entoure malgré ton jeune âge. Est-ce que tu estimes faire du rap conscient ?

Rémy : J’accorde de l’importance à l’écriture de mes textes parce que j’aime bien transmettre un message aux gens. Je mets au même niveau le fond et la forme. La mélancolie, ce n’était pas quelque chose de voulu. Disons que c’est sorti de moi comme ça. Quand j’ai commencé à écrire mes textes, j’ai toujours eu ce sens de la nostalgie. Rap conscient ? Non, si je devais définir mon rap, ça serait du rap mélancolique, pas forcément triste, même si je ne reste pas enfermé là-dedans. J’aime aussi exploré d’autres univers comme dans Un peu ivre ou Dans le quartier qui sont des morceaux un peu plus ambiançant.

Le Bondy Blog : Contrairement à beaucoup d’autres rappeurs de ta génération, on ne t’entend pas glorifier la rue. Sur certains morceaux, tu avoues même regretter certaines choses que tu as pu commettre en trainant dehors. Comment expliques-tu ton rapport si particulier à la rue ?

Rémy : Ça dépend, il y a des fois où je peux te parler de la rue en la mettant en valeur et à d’autres moments la haïr. Comme je le résume dans mon morceau Rémynem : « La rue je l’aime autant que je la déteste« . C’est quelque chose qui est très dur à expliquer, c’est vraiment bizarre et je pense que tous ceux qui ont traîné un peu dans la rue savent de quoi je parle. Ce n’est pas un sentiment qui se limite à la rue. Lorsque je suis devant ma feuille et que je commence à écrire, je fouille dans mon passé. C’est là que ressurgissent les souvenirs, parfois bons parfois mauvais, et que ce construit mon texte.

Le Bondy Blog : Dans certains de tes morceaux tels que Un peu ivre ou Dans le binks, tu expliques avoir vu certains de tes amis sombrer dans la délinquance et la violence. Qu’est-ce qui t’a empêché de suivre la même voie qu’eux ?

Rémy : Disons que j’ai toujours failli faire mais je n’ai pas fait. Dès que je rendais compte que je partais trop en vrille, je me calmais. C’était pareil pour les fréquentations. Quand je voyais quelqu’un commencer à faire n’importe quoi, je m’en éloignais un peu tout en restant pote. La musique m’a aussi empêché de sombrer à un moment, parce que s’il n’y avait pas eu le rap je ne sais pas ce que je ferai.

Le Bondy Blog : Ta relation avec ta mère est l’un des thèmes récurrents sur l’album. Tu lui as dédié le morceau Ne me quitte pas dans lequel tu admets l’avoir déçu à de nombreuses reprises. Que représente-t-elle dans ta vie d’artiste et en dehors de la scène ? 

Rémy : C’est ma mère et on en a qu’une ! C’est seulement maintenant que je m’en rends compte et c’est pour ça que j’en parle souvent dans mes textes. J’ai arrêté l’école pour me consacrer au rap, elle a été très déçue car elle voulait que je vive bien avec un salaire qui tombe tous les mois. Maintenant, elle est contente parce qu’elle voit que je me consacre sérieusement à la musique et que ça marche pour moi. Je me sentais obligé de lui dédier une chanson parce que je l’ai déçu à de nombreuses reprises.

Le Bondy Blog : Tu as été repéré par le rappeur Mac Tyer qui est l’une des figures du rap français. Comment s’est déroulée votre première rencontre ?

Rémy : On habite dans la même ville donc ça facilite les choses. Un jour, un petit de son quartier lui a fait écouter ce que je faisais puis Mac Tyer est passé dans mon quartier, on s’est serré la main. Il m’a expliqué qu’il avait bien aimé mes sons et que je devrais passer à son studio pour lui faire écouter d’autres morceaux. Quelques jours plus tard, j’y suis allé, j’ai fait un freestyle devant lui et il a kiffé. Par la suite, il a eu des problèmes personnels donc on patienter quelques années avant de vraiment travailler ensemble. Aujourd’hui, on s’entend très bien. C’est un peu mon mentor et mon grand frère à la fois mais je ne pourrai t’expliquer notre relation. Quand je viens au studio on peut parler de rap comme de complétement autre chose.

Le Bondy Blog : Il est d’ailleurs le seul artiste avec lequel tu es en featuring sur ton album. Pourquoi ne pas avoir collaboré avec d’autres artistes ?

Rémy : Pour moi, cette collaboration avec Mac Tyer s’est faite naturellement. Je ne voulais pas d’autres featurings parce que ce premier album, c’est un peu comme ma carte d’identité pour que les gens me découvrent. Mais Mac Tyer, c’est la famille !

Le Bondy Blog : Dans le morceau Renoncer, qui conclut l’album, tu indiques vouloir ton appart’ sur les Champs-Élysées. Est-ce que ça signifie qu’au moment venu tu laisseras Aubervilliers derrière toi ?

Rémy : C’est sûr qu’un jour il faudra partir, il faudra quitter son nid comme on dit. Mais je n’y pense pas tout de suite. Pour le moment, je suis bien chez moi et j’ai encore beaucoup de temps. Si mes potes sont encore là-bas, je reviendrai c’est sûr. Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient.

Propos recueillis par Félix MBENGA

Crédit photo : Elsa Goudenège

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