Il n’y a pas que les bruits des casseroles et des poêles qui martèlent leur opposition à la réforme des retraites. Après de nombreuses manifestations, le collectif « La familiale » fait le constat que les musiques diffusées dans les cortèges ne correspondent pas à leur génération. Grâce à leur expérience d’organisation d’Open mic, notamment durant nuit debout, leur vient l’idée d’organiser un concert de rap en soutien aux grévistes, les bénéfices étant reversés aux caisses de grève.

« C’est peut-être un moyen de se mobiliser pour les personnes qui ne vont pas en manif et qui n’ont pas forcément cette culture militante. Discuter, se rencontrer, beaucoup de gens disent que les artistes ne s’engagent pas. C’est leur donner un cadeau pour qu’il puisse le faire », explique Gheno Fiasko, du collectif La Familiale.

Un premier concert des « Braves » s’est tenu le 9 avril à Pantin, réunissant plus de 500 personnes. Médine, Sniper, entre autres rappeurs se sont succédé sur scène au cours d’une soirée qui a levé 5 400 euros au profit des caisses de grève. L’engouement a été tel que tous les artistes n’ont pas pu se produire sur scène.

Nous, on ne peut pas faire grève, on est artiste. Par contre, ce qu’on peut faire, c’est amener de l’oseille

C’est le cas Ismaël Metis, rappeur et directeur artistique de la compagnie artistique Trous de mémoires et de la compagnie Zéro vice city. Ces derniers ont décidé de réitérer le concept de “Braves”, à Lille cette fois. Ismaël Metis s’oppose à cette réforme et la manière dont elle est imposée. Se mobiliser pour celles et ceux qui se mettent en grève était une évidence pour lui.

« Il y a des gens qui ont fait grève et qui se sont mis dans la merde. Nous, on ne peut pas faire grève, on est artiste. Par contre, ce qu’on peut faire, c’est amener de l’oseille », explique-t-il. À Lille aussi, les artistes ne sont pas faits prier pour venir sur scène. En revanche, organiser un concert en si peu de temps à demander beaucoup de travail aux organisateurs.

« Qui prétend faire du rap sans prendre position ? »

Ouverture des portes à 18 heures, le public arrive au compte goute. Toute l’équipe du centre culturel de musique urbaine de Lille est mobilisé pour cette soirée à 10 euros l’entrée. Tout comme une tombola improvisée par une artiste peintre qui remettra son tableau. Le public attend déjà.

La soirée s’ouvre sur un Open Mic. Le principe ? Adapté un complet de rap sur une instrumentale choisie par l’ensemble des artistes. Exercé son verbe et son flow devant un public. Et la cause du concert s’inscrit dans tous les textes.

« Avec l’histoire du Nord, on est obligé de participer à ceux genre d’événement. On est dans le bassin minier, on est vraiment une communauté ouvrière. J’habite un quartier où actuellement, il y a encore une usine, comme à l’époque des mines. Le contexte actuel nous touche encore plus que la moyenne », explique le rappeur Abo.

« Plus de Braves, moins de Brav-M »

Les artistes se relaient le micro tour à tour, le public saisit par ce moment scanderera les slogans connus des manifs : « Et tout, le monde, déteste la police, et tout, le monde déteste la police. » Gheno Fiasko animateur d’une partie de la soirée invitera plusieurs fois le public à répéter son gimmick : « Plus de Braves, moins de Brav-M. »

Certains membres du public sont venus encourager leurs amis sur scène. Mais considère aussi le rap comme un moyen de protester. « Pour beaucoup de gens, je sais que c’est juste pour le kiffe. Je comprends, il n’y a pas forcément de message ou quoi que ce soit, mais d’où le rap est né, c’est logique qu’il y ait un retour aux sources », estime le rappeur Skriz.

Iwill rappeur chevronné, convaincra le public par un refrain conscient et engagé : « Même si on laisse en nous une part de doute vivre, comme sous écrous, nous avons tous une lutte à poursuivre, une quête à accomplir et le besoin de se sentir libre, libre, libre, libre. »

Le final de ce concert se conclura par le banger de Ben PLG, “Mauvaise nouvelle” qui fera sans doute échos aux grévistes. Questionné sur la nécessité d’un engagement des rappeurs français vis-à-vis de la réforme, le rappeur nordiste répondra : « J’attends plus de choses du président de la République que des rappeurs, chacun son rôle. » Le message est passé.

Nadhuir Mohamady

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