Quelques groupes de personnes discutent sur le parvis du Conseil d’État à Paris. Alors qu’une fine pluie commence à tomber et que le vent se met à souffler, certains s’abritent sous le préau. Parmi eux, plusieurs femmes et enfants. En levant le poing, elles déploient une banderole sur laquelle on peut lire : « Collectif des mamans, l’école pour nos enfants. »

Il s’agit d’un collectif de mères de famille accompagnées par leur avocate, maître Anina Ciuciu. Elles se sont donné rendez-vous devant le Conseil d’État, vendredi 24 mars, pour dénoncer le refus d’inscription à l’école de leurs enfants par des maires de Seine-Saint-Denis.

Issues de diverses nationalités, elles vivent dans des habitats très précaires du 93 : bidonvilles, squats, hôtel sociaux, parfois même dans leur voiture.

Aujourd’hui, elles soutiennent Andrea, une membre du collectif. Celle-ci a saisi le Conseil d’État pour dénoncer le refus d’inscription scolaire de sa fille Maria par la ville de Noisy-le-Grand. Andrea et son enfant sont hébergées par le Samu social dans un hôtel social de la commune de Seine-Saint-Denis. Par peur, la mère a préféré ne pas s’exprimer face aux journalistes ce vendredi.

Des refus de scolarisation « discriminatoire et injuste »

Le collectif dénonce le refus systématique des mairies de Seine-Saint-Denis d’inscrire leurs enfants à l’école, sous prétexte qu’elles ne peuvent pas fournir de justificatif de domicile, faute d’hébergement fixe. Une situation que les mamans estiment discriminatoire et injuste. Elles mettent en avant une atteinte au droit fondamental à l’éducation.

Pour faire valoir leur droit, une plainte collective a été intentée contre Monsieur Auverlot, le recteur de l’académie de Créteil. Elles l’accusent de manquer à son rôle, dans la promotion des valeurs républicaines. Selon maître Ciuciu, le recteur s’est évertué à légitimer le refus d’inscription à l’école, à de nombreuses reprises.  Ces mères réclament auprès du recteur l’instauration d’un système de récépissé dans toutes les mairies. Ce qui prouverait le dépôt de dossier et leur légitimité au regard de la loi.

Le calvaire subi par les familles

Tandis que la pluie continue de tomber, le collectif se rend dans un restaurant à proximité du Conseil d’État. Il est environ 13h30, et les enfants commencent à avoir faim.

« Tous ces refus de scolarité doivent s’arrêter ». La voix est douce, mais déterminée. Gheorghe Mirela, porte-parole du collectif, rapporte que dix mamans du groupe ont essuyé des refus de scolarité pour leurs enfants. « Depuis que le décret 2020-811 du code de l’éducation nationale a été mis en vigueur en septembre 2020, il y a eu 64 refus de scolarité rien qu’avec l’association Askola », rapporte Gheorghe Mirela. Selon elle, ce chiffre serait largement sous-estimé.

« On a demandé à des familles de fournir des factures d’électricité, des quittances de loyer et plusieurs autres choses. La liste est vraiment longue », énumère Gheorghe Mirela. Des documents que les personnes vivant en squat ou à l’hôtel social ne possèdent évidemment pas. Cette attitude laisse entrevoir une volonté des mairies d’empêcher les personnes vivant dans ces habitats précaires de scolariser leurs enfants dans la commune.

Pour l’avocate du collectif, Maître Ciuciu, refuser une place à l’école à la petite Maria est totalement contraire à la loi. « Lors de l’audience qui était très instructive, le ministère de l’Éducation a dû intervenir en déclarant de façon claire que le juge administratif et le recteur de l’académie de Créteil ont commis une erreur manifeste de l’appréciation du droit, relate-t-elle. Le justificatif de domicile se prouve par tout moyens, y compris une attestation sur l’honneur. »

Saisir la justice pour faire inscrire des enfants à l’école

Roxanna, également membre du collectif, a connu ce calvaire. Elle a dû se battre 9 mois durant et s’en remettre à la justice pour réussir à scolariser sa fille Francesca. « Je n’avais pas le choix. Le seul moyen pour inscrire ma fille à l’école était de saisir la justice. Deux jours après, ma fille a été inscrite à l’école », se remémore-t-elle.

Roxanna évoque la réponse du recteur lors de la procédure collective pour justifier le refus de scolarisation de sa fille : « Le recteur de l’académie de Créteil a expliqué que ma fille ne travaillait pas, qu’elle ne s’investissait pas assez dans les apprentissages. Il a aussi dit que je n’avais pas fait ce qu’il fallait pour inscrire ma fille à l’école. Pourtant, je suis allée jusqu’à saisir la justice », insiste-t-elle.

Le collectif souhaite que toutes ces humiliations, rejets et préjudices subis en matière d’apprentissage soient reconnus par la justice. Pour visibiliser leur combat, les membres ont lancé une pétition sur Change.org qui a récolté plus de 25 000 signatures.

Hervé Hinopay

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